Analyse


Soulager l’incontinence urinaire féminine par le renforcement des muscles pelviens


15 04 2021

Professions de santé

Médecin généraliste
Analyse de
Dumoulin C, Cacciari LP, Hay-Smith EJ. Pelvic floor muscle training versus no treatment, or inactive control treatments, for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD005654.pub4


Conclusion
Cette synthèse méthodique de la Cochrane de bonne qualité méthodologique montre que l’effet des exercices musculaires pelviens est présent sur toutes les formes d’incontinence (hors périnatale ou secondaire à une atteinte d’un autre système que le système urinaire) mais plus franc sur les incontinences d’effort. Les résultats sur la qualité de vie sont de niveaux modérés à bas. Le coût et les effets à long terme doivent encore être étudiés.



En 2013, nous avons analysé dans Minerva (1) une étude (2) évaluant l’efficacité des exercices musculaires pelviens (EMP) dans la prévention de l’incontinence féminine en période anténatale et postnatale. En cas d’incontinence urinaire avérée, un intérêt de la pratique d’exercices musculaires pelviens était montré, mais uniquement s’ils étaient pratiqués dans la période anténatale avec des exercices intensifs. Une synthèse méthodique de 2012 (3) analysée dans Minerva (4) montrait une efficacité comparative de différents antispasmodiques urinaires indiqués dans la vessie instable en cas d’incontinence urinaire non neurologique, mais cette efficacité était d’ampleur d’effet faible (continence urinaire acquise pour 1 personne sur 5), sans donnée d’efficacité et de sécurité à long terme. Enfin, une synthèse méthodique de 2012 de la Cochrane Collaboration (5) également analysée dans Minerva (6) rappelait qu’une administration orale aggravait l’incontinence versus placebo. Elle montrait également l’effet potentiellement bénéfique des estrogènes en application intravaginale correspondant à une ou deux fuites urinaires en moins par 24 heures avec fréquence et urgence moindre des mictions. Cet effet était cependant possiblement moindre que celui associé aux exercices musculaires pelviens.

Une revue systématique de la Cochrane propose une mise à jour (7) de leur précédente revue systématique avec méta-analyses de 2014 portant sur l’intérêt des exercices de renforcement pelviens, versus abstention de traitement, versus placebo ou versus faux traitement pour traiter l’incontinence urinaire d’urgence, d’effort ou mixte. Elle inclut 31 essais cliniques randomisés ou quasi-randomisés, dont 10 nouvelles études par rapport à la version de 2014. Les critères d’inclusion sont les patientes présentant des symptômes ou des signes urodynamiques d’incontinence urinaire (d’effort, d’urgences ou mixte). Les critères d’exclusion sont les patientes dont l’incontinence urinaire est causée par des facteurs autre que du système urinaire, l’énurésie nocturne, les études concernant la période anténatale et postnatale. Les critères de jugement primaires sont au nombre de 3 : la résolution des symptômes à la fin du traitement ; l’amendement ou l’amélioration des symptômes à la fin du traitement ; la mesure de la qualité de vie liée à l’incontinence via des questionnaires spécifiques. Les principaux critères de jugement secondaires sont quant à eux au nombre de 2 : nombres d’épisodes de pertes urinaires en 24 heures à la fin du traitement et réduction des pertes par mesures objectives sur les protections. Ces essais sont issus de 7 bases de données et incluent au total 1817 femmes.

Versus placebo ou traitement inactif, les résultats montrent :

  • chez les femmes présentant une incontinence d’effort, une résolution des symptômes à la fin du traitement à 3 à 6 mois est montrée chez 8 fois plus de femmes du groupe EMP (56%) versus groupe contrôle (6%) : RR de 8,38 avec IC à 95% de 3,68 à 19,07 (N = 4 ; n = 165 ; niveau de qualité des preuves selon GRADE élevé)
  • chez les femmes présentant tout type d’incontinence urinaire, une résolution des symptômes à la fin du traitement à 3 à 6 mois est montrée chez 35% des femmes du groupe EMP versus 6% du groupe contrôle : RR de 5,34 avec IC à 95% de 2,78 à 10,26 (N = 3 ; n = 290 ; niveau de qualité des preuves selon GRADE modéré)
  • chez les femmes présentant une incontinence d’effort, une amélioration ou une résolution des symptômes à 3 à 6 mois, est perçue pour 74% des femmes dans le groupe EMP versus 11% pour le groupe contrôle : RR de 6,33 avec IC à 95% de 3,88 à 10,33 (N = 3 ; n = 242 ; niveau de qualité des preuves selon GRADE modéré)
  • chez les femmes présentant une incontinence toute cause confondue, une amélioration ou une résolution des symptômes à 3 à 6 mois est perçue chez 67% des femmes du groupe EMP versus 29% pour le groupe contrôle : RR de 2,39 avec IC à 95% de 1,64 à 3,47 (N = 2 ; n = 166 ; niveau de qualité des preuves selon GRADE modéré).

Une amélioration de la qualité de vie est rapportée dans 6 études chez des patientes avec incontinence urinaire d’effort traitées par EMP (n = 348 ; niveau de qualité des preuves selon GRADE faible). Seule une étude s’est intéressée à l’amélioration de la qualité de vie dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort mixte par EMP.

En ce qui concerne les critères de jugement secondaires, les EMP réduisent les pertes rapportées par 24 heures chez les patientes avec incontinence d’effort ou chez les patientes avec incontinence urinaire toutes causes confondues. Les mesures objectives des pertes souffrent d’une importante hétérogénéité mais semblent en faveur d’une efficacité des EMP

Les femmes du groupe EMP étaient également plus satisfaites de leur traitement et leurs résultats sexuels étaient meilleurs. Les événements indésirables étaient rares et, dans les deux essais qui n'en ont rapporté que quelques-uns, ils étaient mineurs.

D’un point de vue méthodologique, des sous-groupes ont été définis a priori. Une analyse des biais a été réalisée via l’outil Risk of bias de la Cochrane. La force des résultats est diminuée par l’inclusion d’études avec un niveau de qualité des preuves modéré à faible, en raison de manque d’informations sur la séquence aléatoire d’attribution des groupes et sur la stratégie de dissimulation d’allocation. Un score d’hétérogénéité modéré à élevé, avec un I² > 40%, due à une hétérogénéité clinique, est calculé pour tous les critères de jugement excepté le premier critère de jugement primaire. Les biais de publication devaient être étudiés en sous-groupes mais il n’y avait pas au moins 10 études pour réaliser le test d’Egger. Le funnel plot n’apparait pas dans l’étude.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Selon une recommandation de NICE (8), les exercices musculaires pelviens sont tout aussi efficaces que la chirurgie chez la moitié des femmes présentant une incontinence urinaire d’effort. NICE propose des exercices du plancher pelvien supervisés durant les 3 premiers mois de traitement chez les femmes présentant une incontinence urinaire d’effort ou mixte.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique de la Cochrane de bonne qualité méthodologique montre que l’effet des exercices musculaires pelviens est présent sur toutes les formes d’incontinence (hors périnatale ou secondaire à une atteinte d’un autre système que le système urinaire) mais plus franc sur les incontinences d’effort. Les résultats sur la qualité de vie sont de niveaux modérés à bas. Le coût et les effets à long terme doivent encore être étudiés.

 

Références  

  1. La rédaction Minerva. Prévention de l’incontinence : efficacité des exercices musculaires pelviens. Minerva bref 15/09/2013.
  2. Boyle R, Hay-Smith EJ, Cody JD, Mørkved S. Pelvic floor muscle training for prevention and treatment of urinary and faecal incontinence in antenatal and postnatal women. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD007471.pub2
  3. Shamliyan T, Wyman JF, Ramakrishnan R, et al. Systematic review: benefits and harms of pharmacologic treatment for urinary incontinence in women. Ann Intern Med 2012;156:861-74. DOI: 10.7326/0003-4819-156-12-201206190-00436
  4. Chevalier P. Incontinence urinaire d’origine non neurologique : les antispasmodiques urinaires utiles ? MinervaF 2012;11(9);106-7.
  5. Cody JD, Jacobs ML, Richardson K, et al. Oestrogen therapy for urinary incontinence in post-menopausal women. Cochrane Database Syst Rev 2012, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD001405.pub3
  6. La rédaction Minerva. Estrogènes et incontinence urinaire post ménopause. Minerva bref 28/05/2013.
  7. Dumoulin C, Cacciari LP, Hay-Smith EJ. Pelvic floor muscle training versus no treatment, or inactive control treatments, for urinary incontinence in women. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD005654.pub4
  8. NICE Guidance - Urinary incontinence and pelvic organ prolapse in women: management. BJU 2019;123:777-803. DOI: 10.1111/bju.14763

 

 

 


Auteurs

Ballout H.
médecin généraliste, Cellule Santé et Sexualité, Société Scientifique de Médecine Générale
COI :

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