Analyse


Quel est le traitement à privilégier en cas d’épaule gelée ?


27 07 2021

Professions de santé

Kinésithérapeute, Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Rangan A, Brealey SD, Keding A, et al; UK FROST Study Group. Management of adults with primary frozen shoulder in secondary care (UK FROST): a multicentre, pragmatic, three-arm, superiority randomised clinical trial. Lancet 2020;396:977-89. DOI: 10.1016/S0140-6736(20)31965-6


Conclusion
Cette étude randomisée contrôlée, en ouvert, qui a été menée correctement d’un point de vue méthodologique, montre que l’infiltration de corticoïdes suivie de kinésithérapie, la manipulation sous anesthésie (généralement suivie d’une infiltration de corticoïdes) et la libération capsulaire arthroscopique (généralement non suivie d’une infiltration de corticoïdes) entraînent une amélioration cliniquement pertinente de la douleur de l’épaule et des capacités fonctionnelles de l’épaule chez les patients qui sont adressés en deuxième ligne pour symptômes persistants de l’épaule. Il n’y avait pas de différence cliniquement significative quant à l’effet entre les trois traitements étudiés. La libération capsulaire arthroscopique était associée à un plus grand nombre d’effets indésirables, et la manipulation sous anesthésie était la plus rentable.



Une étude randomisée contrôlée, qui a fait l’objet d’une discussion dans Minerva, a montré que l’administration intra-articulaire de corticoïdes une à deux fois au cours des sept semaines suivant le diagnostic d’une limitation capsulaire douloureuse dans l’articulation de l’épaule entraînait un soulagement de la douleur et une amélioration de la limitation des mouvements plus rapidement que la kinésithérapie (1,2). Une petite étude randomisée contrôlée menée en simple aveugle a montré que l’acide hyaluronique en infiltrations intra-articulaires en plus de la gymnastique médicale dans le traitement de l’épaule gelée n’avait aucune valeur ajoutée pour le traitement de la douleur et de la limitation des mouvements (3,4). Outre les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes, on a souvent aussi recours à la gymnastique médicale (éventuellement précédée d’infiltrations de corticoïdes), à la manipulation sous anesthésie générale et à la libération endoscopique des adhérences de l’articulation de l’épaule (libération capsulaire) (5). Cependant, on ne connaît pas encore bien l’effet et la sécurité de ces traitements les uns vis-à-vis des autres.

 

Une étude randomisée, contrôlée, multicentrique, pragmatique, à trois groupes parallèles, a été menée pour répondre à cette question (6). Dans 35 hôpitaux du Royaume-Uni ont été recrutés des patients de plus de 18 ans qui avaient été orientés vers la deuxième ligne à la suite du diagnostic clinique d’épaule gelée primitive unilatérale (limitation inférieure à 50% de la rotation externe passive par rapport à l’épaule controlatérale). Les patients ayant une épaule gelée secondaire à un traumatisme ou à d’autres causes (à l’exclusion du diabète) étaient exclus. Finalement, 503 patients ont été inclus ; ils étaient âgés en moyenne de 54 ans (ET 7 ans), 65% étaient de sexe féminin. Ils souffraient de douleurs à l’épaule en moyenne depuis 11 mois (ET 9 mois) (environ la moitié ≥ 9 mois). Environ 60% avaient déjà suivi une kinésithérapie, et 55% avaient déjà reçu une infiltration intra-articulaire de corticoïdes. Ces patients ont été randomisés de manière totalement aveugle dans trois bras d’étude. Dans le groupe « kinésithérapie structurée précoce » (n = 99), les patients ont reçu une infiltration intra-articulaire de corticoïdes le plus tôt possible avant de commencer 12 séances de kinésithérapie (principalement constituées d’exercices d’étirement) sur une période de 12 semaines. Dans les autres groupes, une manipulation (avec étirement et déchirure de la capsule rigide suivie d’une infiltration intra-articulaire de corticoïdes) (n = 201) ou une libération capsulaire arthroscopique (incision de la capsule antérieure suivie d’une manipulation éventuellement complétée par une libération capsulaire postérieure et une décompression sous-acromiale et éventuellement suivie d’une infiltration intra-articulaire de corticoïdes) (n = 203) a été réalisée sous anesthésie générale dans les 18 semaines suivant la randomisation. Dans les deux groupes « opération », la kinésithérapie a débuté dans les 24 heures après la chirurgie de la même manière que dans le groupe « kinésithérapie structurée précoce ». L’étude a été menée en ouvert, et les critères de jugement principaux et secondaires ont été évalués à 3 mois, à 6 mois et à 1 an. Le calcul de la taille de l’échantillon a tenu compte d’une différence minimale cliniquement pertinente de 5 points au score du questionnaire Oxford Shoulder Score entre la kinésithérapie structurée précoce et le traitement chirurgical et de 4 points entre les deux interventions chirurgicales. L’analyse en intention de traiter des résultats a été effectuée à l’aide d’un modèle linéaire à effets mixtes, avec correction pour tenir compte de l’âge, du sexe, d’un diabète sucré, du site de recrutement et du score OSS au début de l’étude.

Après 12 mois, on a observé que le score OSS médian initial avait augmenté de 20 points (interquartile 14 à 26) dans tous les groupes de traitement (pour atteindre 40,3 points avec la libération capsulaire, 38,3 points avec la manipulation sous anesthésie et 37,2 points avec la kinésithérapie structurée précoce). L’OSS à 12 mois était plus élevé, et ce de manière statistiquement significative, avec la libération capsulaire qu’avec la kinésithérapie structurée précoce (3,06 avec IC à 95% de 0,71 à 5,41), mais la différence n’était pas cliniquement pertinente. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative quant à l’OSS à 12 mois entre la manipulation sous anesthésie et la kinésithérapie structurée précoce. L’OSS à 12 mois était plus élevé avec la libération capsulaire qu’avec la manipulation sous anesthésie (2,01 avec IC à 95% de 0,10 à 3,91), mais, ici non plus, la différence n’était pas cliniquement pertinente. Il n’y avait que 3% de croisement, et seulement 30 patients (6%) n’avaient pas de données disponibles concernant l’OSS pendant le suivi.

C’est la libération capsulaire arthroscopique qui a nécessité le moins de supplément de traitements (4% contre 7% pour la manipulation et 15% pour la kinésithérapie) ; en revanche, ce traitement avait plus d’effets indésirables (4% contre 1% pour la manipulation et 0,5% pour la kinésithérapie), et son coût médical était plus élevé. Le temps d’attente était le plus court pour une kinésithérapie structurée précoce avec infiltrations de corticoïdes (médiane de 14 jours avec interquartile de 7 à 22 jours contre médiane de 57 jours avec interquartile de 35 à 89 jours pour la manipulation et médiane de 72 jours avec interquartile de 42 à 116 jours pour la libération capsulaire), et l’accès était donc plus facile. Une analyse secondaire n’a révélé aucune différence significative dans les résultats lorsque la différence de temps d’attente était prise en compte. La manipulation sous anesthésie était l’option la plus rentable, mais le temps d’attente était plus long que pour la kinésithérapie structurée précoce. Ce sont des découvertes intéressantes qui devraient aider les cliniciens à discuter de ces options de traitement avec les patients afin qu’une thérapie sur mesure puisse être adoptée dans le cadre d’une prise de décision conjointe. Elles devraient également inciter les chirurgiens orthopédistes à proposer la libération capsulaire de manière plus sélective et éventuellement à la réserver aux pathologies réfractaires.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Le clinicien reconnaît rapidement la capsulite rétractile de l’épaule en comparant la rotation externe bras en adduction et la rotation externe bras en abduction à gauche et à droite : une différence de 10° est significative si la mesure est réalisée en décubitus dorsal. Selon le guide de pratique clinique de Duodecim, l’infiltration intra-articulaire de corticoïdes doit être envisagée dans la phase inflammatoire de l’épaule gelée (0 à 2 mois de douleur lancinante (nocturne) et limitation de la mobilité active) (faible qualité des données probantes). Pendant la phase douloureuse de blocage (2 à 6 mois de douleur persistante et également de limitation de la mobilité passive, tant en abduction qu’en rotation externe), on recommande la thérapie par le froid et les AINS en plus des exercices de pendule dans les limites de la douleur (pas de mention de la qualité des données probantes) (7). La Société néerlandaise des médecins généralistes (NHG) recommande d’envisager des infiltrations intra-articulaires de corticoïdes (maximum deux, avec un intervalle de 2 à 4 semaines) (éventuellement avant la kinésithérapie) si les douleurs sévères à l’épaule ne diminuent pas suffisamment malgré les antalgiques (faible à très faible qualité des données probantes) (8). En cas de limitation sévère des mouvements ou de douleur intense au stade de blocage (6 à 12 mois), on peut envisager d’orienter le patient pour une manipulation sous anesthésie générale ou pour une libération capsulaire endoscopique (pas de mention de la qualité des données probantes) (7). Selon le guide de pratique clinique de Duodecim, la kinésithérapie est particulièrement utile pendant la phase de déblocage (12 à 24 mois de retour progressif à une amplitude de mouvement normale) (pas de mention de la qualité des données probantes) (7). La NHG ne recommande l’orientation vers la gymnastique médicale qu’en cas de troubles de l’épaule avec (menace de) dysfonctionnement, car les données probantes concernant l’effet de la gymnastique médicale sont de qualité très faible (8).

 

Conclusion

Cette étude randomisée contrôlée, en ouvert, qui a été menée correctement d’un point de vue méthodologique, montre que l’infiltration de corticoïdes suivie de kinésithérapie, la manipulation sous anesthésie (généralement suivie d’une infiltration de corticoïdes) et la libération capsulaire arthroscopique (généralement non suivie d’une infiltration de corticoïdes) entraînent une amélioration cliniquement pertinente de la douleur de l’épaule et des capacités fonctionnelles de l’épaule chez les patients qui sont adressés en deuxième ligne pour symptômes persistants de l’épaule. Il n’y avait pas de différence cliniquement significative quant à l’effet entre les trois traitements étudiés. La libération capsulaire arthroscopique était associée à un plus grand nombre d’effets indésirables, et la manipulation sous anesthésie était la plus rentable.

 

 

Références 

  1. Wyffels P. Schouderpijn: corticosteroïdinjectie of fysiotherapie? Minerva 1999;28(8):341-3.
  2. van der Windt DAWM, Koes BW, Devillé W, et al. Effectiveness of corticosteroid injections versus physiotherapy for treatment of painful stiff shoulder in primary care: randomised trial. BMJ 1998;317:1292-6. DOI: 10.1136/bmj.317.7168.1292
  3. Chevalier P. Capsulite adhésive de l’épaule : infiltrer avec de l’acide hyaluronique ? MinervaF 2013;12(3):30-1.
  4. Hsieh LF, Hsu WC, Lin YJ, et al. Addition of intra-articular hyaluronate injection to physical therapy program produces no extra benefits in patients with adhesive capsulitis of the shoulder: a randomized controlled trial. Arch Phys Med Rehabil 2012;93:957-64. DOI: 10.1016/j.apmr.2012.01.021
  5. Dennis LB, Rangan A, Rookmoneea M, Watson J. Managing idiopathic frozen shoulder: a survey of health professionals’ current practice and research priorities. Shoulder Elbow 2010;2:294-300. DOI: 10.1111/j.1758-5740.2010.00073.x
  6. Rangan A, Brealey SD, Keding A, et al; UK FROST Study Group. Management of adults with primary frozen shoulder in secondary care (UK FROST): a multicentre, pragmatic, three-arm, superiority randomised clinical trial. Lancet 2020;396:977-89. DOI: 10.1016/S0140-6736(20)31965-6
  7. Épaule gelée (capsulite rétractile, capsulite adhésive). Ebpracticenet. Duodecim Medical Publications 2008. Dernière mise à jour: 11/05/2016. Dernière révision contextuelle: 4/10/2017.
  8. Damen GJ, Koel G, Kuijpers T, et al. Schouderklachten. NHG-Standaard Oktober 2019.

 




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