Revue d'Evidence-Based Medicine



Le surpoids, un facteur de risque indépendant d’ischémie coronarienne



Minerva 2008 Volume 7 Numéro 6 Page 82 - 83

Professions de santé


Analyse de
Bogers RP, Bemelmans WJ, Hoogenveen RT, et al; for the BMI-CHD Collaboration Investigators. Association of overweight with increased risk of coronary heart disease partly independent of blood pressure and cholesterol levels: a meta-analysis of 21 cohort studies including more than 300 000 persons. Arch Intern Med 2007;167:1720-8.


Question clinique
Existe-t-il un lien entre un surpoids (IMC entre 25 et 29,9 kg/m²) et une pathologie ischémique coronarienne en tenant compte de la pression artérielle et de la cholestérolémie ?


Conclusion
Cette méta-analyse de cohortes historiques de population de race blanche, avec la limite principale d’une non prise en compte de la glycémie à jeun et des facteurs diététiques, montre qu’en tenant compte de l’âge, du sexe, du tabagisme, des activités physiques, un surpoids et une obésité augmentent significativement le risque relatif d’ischémie coronarienne, même après correction pour les chiffres de pression artérielle et de cholestérolémie.


 

Résumé

 

Contexte

L’obésité est liée à une mortalité accrue ainsi qu’à une morbidité augmentée, y compris ischémique coronarienne. En termes de prévention, il est important de savoir si un surpoids peut être un facteur de risque, indépendamment d’un lien avec une hypertension artérielle ou une cholestérolémie augmentée.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

 

Sources consultées

  • recherche systématique dans MEDLINE
  • liste de références des articles sélectionnés
  • experts.

 

Etudes sélectionnées

  • études de cohorte prospectives
  • évaluant la morbimortalité ischémique coronarienne, exprimée en RR, en fonction de l’indice de masse corporelle (IMC) sur une échelle catégorielle ou continue
  • RR corrigé (par les auteurs originaux) pour l’âge, le sexe, les activités physiques et le tabagisme, en plus des chiffres de pression artérielle et de cholestérolémie
  • inclusion de 21 études dont 14 avec des données utilisables pour une méta-analyse, d’une durée de suivi de 4,8 à 33 ans.

 

Population étudiée

  • population de race blanche, en bonne santé, n = 302 296
  • selon les études : âge fort variable (20 à 94 ans) ; pourcentage d’hommes de 0 à 100%.

 

Mesure des résultats

  • Risque Relatif d’ischémie coronarienne en fonction du surpoids et de l’obésité
  • sommation en analyse d’effets aléatoires
  • hétérogénéité évaluée par un test Chi².

 

Résultats

  • survenue de 18 000 événements coronariens (fatals ou non)
  • RR de morbimortalité en fonction de l’IMC : voir tableau.

 

Tableau : Risque Relatif (RR avec IC à 95%) en fonction de l’IMC (surpoids = IMC de 25 à 29,9 ; obésité = IMC ≥ 30), versus IMC normal, pour une ischémie coronarienne, avec correction ou non pour les chiffres tensionnels (systoliques = PAS) et de cholestérolémie (totale = CT).

Critère de jugement

RR sans correction pour PAS et CT (IC à 95%)

RR avec correction pour PAS et CT (IC à 95%)

surpoids

1,32 (1,24 à 1,40)

1,17 (1,11 à 1,23)

obésité

1,81 (1,56 à 2,10)

1,49 (1,32 à 1,67)

accroissement de 5 points pour l’IMC

1,29 (1,22 à 1,35)

1,16 (1,11 à 1,21)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le surpoids et l’obésité sont des facteurs de risque d’ischémie coronarienne indépendamment des chiffres tensionnels et de cholestérolémie, des facteurs confondants ne pouvant cependant être exclus (par ex alimentaires).

 

Financement 

Aucun n’est mentionné.

 

Conflits d’intérêt 

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

La méthodologie de cette méta-analyse d’études de cohorte est rigoureuse : hétérogénéité analysée et explorée grâce à une méta-régression. L’hétérogénéité observée est principalement liée à une différence dans la durée de suivi et pour l’âge des personnes incluses et non à une différence pour les critères de jugement choisis. Un funnel plot a été réalisé pour la recherche d’un biais de publication. La raison principale d’une non collaboration d’auteurs d’une recherche originale est d’ordre pratique, sans lien avec les risques relatifs observés. Toutes les études sélectionnées mais non incluses dans la méta-analyse montraient également un lien (non significatif) entre un surpoids et une ischémie coronarienne (résultats mentionnés sur un site web de référence).

Quelques éléments moins bons cependant. Une seule base de données est consultée (MEDLINE). Aucune mention n’est faite d’une recherche, d’une inclusion et d’une extraction des données réalisées de manière indépendante par deux chercheurs. Le deuxième problème est la faible proportion d’études de cohorte incluses dans la méta-analyse (14) par rapport au nombre total d’études isolées (70). Les études originales présentent également des limites. Des facteurs de confusion importants ne sont pas pris en compte : glycémie à jeun et facteurs diététiques.

Le risque relatif est corrigé pour la cholestérolémie, les chiffres de pression artérielle, les activités physiques et le tabagisme, mais ces évaluations sont uniques et généralement initiales ; une modification en cours d’observation n’est pas prise en compte. Les mesures utilisées pour l’évaluation par exemple du tabagisme et des activités physiques, sont divergentes entre les cohortes, mais un recours à de larges catégories lors de la sommation compense ces différences, avec un impact faible sur le résultat final. Les cohortes les plus importantes sont suivies sur 30 à 40 ans ; la prise en charge de l’hypertension et de l’hypercholestérolémie a fort changé sur cette période et s’est améliorée depuis lors.

 

Mise en perspective des résultats

Les résultats de cette méta-analyse ne peuvent être extrapolés qu’à une population de race blanche en bonne santé. Ils sont comparables à ceux d’une précédente synthèse méthodique réalisée pour la même population, et montrant un RR de 1,14 par accroissement de 2 unités de l’IMC (1). Les auteurs de la méta-analyse se livrent aussi à des explications biochimiques du fait que, après correction pour la cholestérolémie et pour la pression artérielle, considérées comme d’importants facteurs intermédiaires pour le surpoids/obésité, le surpoids reste un facteur causal indépendamment significatif de survenue d’une ischémie coronarienne. Le facteur principal, qui n’est cependant pas mesuré, est la glycémie à jeun et la survenue d’un diabète de type 2 suite au surpoids. Dans une recherche coréenne (2), cette relation est étudiée : après correction pour la cholestérolémie, la pression artérielle, le tabagisme et la glycémie à jeun, l’augmentation de risque liée à l’IMC n’était plus significative que chez les hommes avec un IMC ≥ 32 kg/m². Plus récemment, un lien fort entre tour de taille (périmètre abdominal) ou rapport tour de taille/tour de hanches et risque coronarien (3) ou cardiovasculaire (4) a été montré. Une de ces deux mesures faciles à réaliser semble plus prédictive de risque coronarien que l’IMC (3).

 

Implications pour la pratique

Faut-il, lors de l’estimation du risque cardiovasculaire, tenir compte du poids en tant que facteur de risque indépendant ? Dans les recommandations en vigueur pour la prise en charge du risque cardiovasculaire global, la présence d’un diabète équivaut d’office à une augmentation de risque > 10%. Chez les non diabétiques, les tables de risque SCORE pour la Belgique peuvent être utilisées ; elles tiennent compte du sexe, de l’âge, du tabagisme, de la pression artérielle systolique et de la cholestérolémie totale ou du rapport cholestérol/HDL-cholestérol. Les recommandations mentionnent qu’en cas d’obésité, une sous-estimation du risque est probable, sans préciser quel est le multiplicateur de ce risque (5). Cette méta-analyse ne nous apporte pas plus de précision, étant donné qu’elle ne prend en compte ni le diabète, ni la glycémie à jeun. Il est généralement admis que dans le cadre d‘une prise en charge globale de tous les facteurs de risque, il est indispensable de viser une optimalisation du poids, et ceci principalement en prévention du diabète. La mesure du tour de taille (ou du rapport tour de taille/tour de hanches) est également utile, et plus précise (3) dans l’évaluation du risque cardiovasculaire (accru si tour de taille > 88 cm chez la femme et > 102 cm chez l’homme).

 

Conclusion

Cette méta-analyse de cohortes historiques de population de race blanche, avec la limite principale d’une non prise en compte de la glycémie à jeun et des facteurs diététiques, montre qu’en tenant compte de l’âge, du sexe, du tabagisme, des activités physiques, un surpoids et une obésité augmentent significativement le risque relatif d’ischémie coronarienne, même après correction pour les chiffres de pression artérielle et de cholestérolémie.

 

Références

  1. Whitlock G, Lewington S, Mhurchu CN. Coronary heart disease and body mass index: a systematic review of the evidence from larger prospective cohort studies. Semin Vasc Med 2002;2:369-81.
  2. Jee SH, Sull JW, Park J, et al. Body-mass index and mortality in Korean men and women. N Engl J Med 2006;355:779-87.
  3. Yusuf S, Hawken S, Ounpuu S, et al; INTERHEART Study Investigators. Obesity and the risk of myocardial infarction in 27,000 participants from 52 countries: a case-control study. Lancet 2005;366:1640-9.
  4. de Koning L, Merchant AT, Pogue J, Anand SS. Waist circumference and waist-to-hip ratio as predictors of cardiovascular events: meta-regression analysis of prospective studies. Eur Heart J 2007;28:850-6.
  5. Boland B, Christiaens T, Goderis G, et al. Globaal Cardiovasculair Risicobeheer. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering. Huisarts Nu 2007;36:339-69.
Le surpoids, un facteur de risque indépendant d’ischémie coronarienne

Auteurs

Michiels B.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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