Analyse


Statines : effets musculosquelettiques indésirables


15 04 2014

Professions de santé

Analyse de
Mansi I, Frei CR, Pugh MJ, et al. Statins and musculoskeletal conditions, arthropathies, and injuries. JAMA Intern Med 2013;173:1-10.


Conclusion
Différentes études d’observation identifient un risque non rare de douleurs musculosquelettiques sous statines, douleurs qui peuvent nuire à l’observance du traitement. Une différence entre statines est observée dans deux études. Une toxicité musculaire semble bien être liée à la puissance de la statine pour diminuer le LDL-cholestérol.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction francophone

 

 

Nous avons de nombreuses fois abordé dans la revue Minerva l’intérêt des statines en prévention cardiovasculaire. Une récente méta-analyse concernant les sujets à risque cardiovasculaire peu élevé (1) ne montrait aucune différence pour les effets indésirables musculo-squelettiques entre les statines et les comparateurs (placebo ou soins courants) (2). Plusieurs études d’observation, plus performantes pour identifier les effets indésirables dans la pratique quotidienne, montrent cependant la survenue d’effets indésirables musculo-squelettiques avec les statines.

Une étude d’observation effectuée en médecine générale en France (3), incluant 7 924 patients hyperlipémiques âgés de 18 à 75 ans, traités par hautes doses de statines depuis au moins 3 mois (fluvastatine 80 mg, atorvastatine 40 ou 80 mg, pravastatine 40 mg, simvastatine 40 ou 80 mg), a montré une incidence de 10,5% de symptômes musculaires (dont 38 % empêchant des exercices modérés de la vie quotidienne et 4 % forçant à rester au lit ou à ne pas pouvoir travailler). Versus pravastatine, le risque était plus élevé avec la simvastatine et l’atorvastatine, moins élevé avec la fluvastatine à libération prolongée.

Une étude d’observation prospective (4) a récolté en Angleterre et au Pays de Galle des données d’un peu plus de 2 millions de patients inclus dans une base de données de médecine générale. Environ 226 000 personnes (âge moyen de 57 ans) ont débuté un traitement par statines (entre 2002 et 2008), surtout de la simvastatine (71 %)). Le NNN sur 5 ans pour la survenue d’une myopathie modérée ou sévère a été de 259 (avec IC à 95 % de 186 à 375) pour les femmes et de 91 (avec IC à 95 % de 74 à 112) pour les hommes. Aucune différence n’est observée entre les statines (2% de consommateurs de rosuvastatine et 1% de fluvastatine).

Une étude transversale (5) issue d’un échantillon représentatif (dans la National Health and Nutrition Examination Survey - NHANES) de la population étatsunienne, a examiné les dossiers de 8 228 adultes âgés d’au moins 40 ans, ne souffrant pas d’arthrose (5 170 personnes) ou s’en plaignant. Chez les personnes sans arthrose, les douleurs (toute localisation) sont plus fréquentes sous statines (23 % avec IC à 95 % de 17 à 19) que sans statine (18 % avec IC à 95 % de 17 à 20), p = 0,02 pour la différence. Il en va de même pour les douleurs au niveau des membres inférieurs. Pour les patients se plaignant d’arthrose, aucune différence significative n’est observée.

L’analyse de tous les signalements faits à la FDA entre 2005 et 2011 (6) d’effets indésirables musculotendineux (myalgies, myopathies, myosite, rhabdomyolyse, problème tendineux/articulaire, atrophie/lésion musculaire, problème de coordination ou faiblesse musculaire) avec les statines (147 789 signalements), rapportés au nombre de prescriptions, montre que le risque est proportionnel à l’efficacité de la statine particulièrement sur le LDL cholestérol. La fréquence de ces problèmes est donc, en ordre décroissant, plus importante pour la rosuvastatine, l’atorvastatine, la simvastatine, la pravastatine et la lovastatine. La fluvastatine fait exception avec un risque plus important (semblable à celui de la rosuvastatine).

Une étude rétrospective (7) de 35 903 adultes sains prenant une statine (atorvastatine, fluvastatine, pitavastatine, pravastatine, rosuvastatine, simvastatine) a évalué tous les cas de diagnostic de trouble musculaire (myopathie ou rhabdomyolyse) et/ou élévation de la créatine kinase (CK) au Japon (2004 à 2010). Les élévations de la CK liées à d’autres causes ont été éliminées. Un total de 43 évènements ont été signalés sur 42 193 patients-années de statine. L’incidence de toxicité musculaire est de 1,02 (avec IC à 95 % de 0,76 à 1,37) par 1 000 années-patients. Aucune différence statistiquement significative n’est observée entre statines (avec un nombre total de cas faible).

Une étude de cohorte (de militaires, vétérans et membres de leur famille, étatsuniens) rétrospective (années 2003 à 2010) (8) a montré, après appariemment selon un score de propension (probabilité de recevoir un traitement selon ces caractéristiques, ici e.a. âge, sexe, comorbidités, arthrose, tabagisme, médicaments reçus, pathologies musculaires), entre utilisateurs (6 967) et non utilisateurs (6 967) de statines, pour l’ensemble de ces dyades, un risque de problèmes musculosquelettiques accru sous statines (OR de 1, 19 avec IC à 95 % de 1,08 à 1,30) et un risque de douleur musculosquelettique associée au médicament également plus important sous statines (OR de 1,09 avec IC à 95 % de 1,02 à 1,18) dans cette population d’âge moyen de 57 ans, 53 % d’hommes.

 

Conclusion

Différentes études d’observation identifient un risque non rare de douleurs musculosquelettiques sous statines, douleurs qui peuvent nuire à l’observance du traitement. Une différence entre statines est observée dans deux études. Une toxicité musculaire semble bien être liée à la puissance de la statine pour diminuer le LDL-cholestérol.

 

 

 

Références

  1. De Weirdt S, Lemiengre M. Utilité des statines chez des sujets à risque cardiovasculaire peu élevé. MinervaF 2012;11(4):43-4.
  2. Tonelli M, Lloyd A, Clement F, et al; for the Alberta Kidney Disease Network. Efficacy of statins for primary prevention in people at low cardiovascular risk: a meta-analysis. CMAJ 2011;183:E1189-202.
  3. Bruckert E, Hayem G, Dejager S, et al. Mild to moderate muscular symptoms with high-dosage statin therapy in hyperlipidemic patients – the PRIMO study. Cardiovasc Drugs Ther 2005;19:403-14.
  4. Hippisley-Cox J, Coupland C. Unintended effects of statins in men and women in England and Wales: population based cohort study using the QResearch database. BMJ 2010;340:c2197.
  5. Buettner C, Rippberger MJ, Smith JK, et al. Statin use and musculoskeletal pain among adults with and without arthritis. Am J Med 2012;125:176-82.
  6. Hoffman KB, Kraus C, Dimbil M, Golomb BA. A Survey of the FDA's AERS Database Regarding Muscle and Tendon Adverse Events Linked to the Statin Drug Class. PLoS One 2012;7: e42866.
  7. Chang CH, Kusama M, Ono S et al. Assessment of statin-associated muscle toxicity in Japan: a cohort study conducted using claims database and laboratory information. BMJ Open 2013;3:e002040.
  8. Mansi I, Frei CR, Pugh MJ, et al. Statins and musculoskeletal conditions, arthropathies, and injuries. JAMA Intern Med 2013;173:1-10.

 

 

 

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