Analyse


Quelle est l’efficacité des interventions pour le sevrage tabagique avant une opération ?


15 12 2014

Professions de santé

Analyse de
Thomsen T, Villebro N, Moller AM. Interventions for preoperative smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 3.


Conclusion
Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration montre, que les interventions comportementales intensives pour le sevrage tabagique, débutées 4 à 8 semaines avant l’opération, complétées par un traitement de substitution nicotinique favorisent l’arrêt du tabagisme à court terme et diminuent l’incidence des complications postopératoires.


Quelle est l’efficacité des interventions pour le sevrage tabagique avant une opération ?

Les études d’observation (1-3) et les études d’intervention (4-5) montrent que l’arrêt du tabagisme avant une opération diminue le risque de complications postopératoires.

Une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration publiée en 2014 (6) a évalué l’effet de toutes les interventions possibles pour le sevrage tabagique avant une opération sur l’arrêt du tabagisme, juste avant l’opération chirurgicale et 12 mois après, ainsi que sur l’incidence des complications postopératoires (cicatrisation de la plaie, chirurgie secondaire, complications cardiopulmonaires, admission en soins intensifs, mortalité peropératoire et postopératoire, durée de l’hospitalisation). Après une recherche étendue dans la littérature, les investigateurs ont retenu 13 études, publiées entre 2002 et 2013, pour un total de 2010 patients ayant subi diverses opérations chirurgicales : arthroplastie du genou ou de la hanche ; chirurgie colorectale, cardiovasculaire, ophtalmologique, plastique ou urologique ; herniotomie ; opération du dos ; cholécystectomie ; chirurgie pour cancer du sein ; opérations neurochirurgicales. 10 études ont examiné l’effet d’une intervention comportementale pour le sevrage tabagique, possiblement associée à un traitement de substitution nicotinique dans 8 études. Dans 3 études, il s’agissait d’une intervention intensive constituée de plusieurs contacts individuels au moins 4 semaines avant l’opération, tandis que 7 études ont appliqué une intervention brève. Une étude a examiné l’effet des pastilles de nicotine à sucer, et une autre, l’effet de la varénicline. L’effet des interventions intensives et brèves pour le sevrage tabagique sur l’arrêt du tabagisme juste avant l’opération a été statistiquement significatif pour les 2 groupes, mais il a été plus important avec les interventions intensives (RR de 10,76 avec IC à 95% de 4,55 à 25,46) qu’avec les interventions brèves (RR de 1,30 avec IC à 95% de 1,16 à 1,46). Ni la varénicline, ni les pastilles de nicotine à sucer n’ont augmenté de manière statistiquement significative la probabilité du sevrage tabagique juste avant l’opération. Seules 4 études ont étudié le sevrage tabagique à 12 mois après l’opération : il n’a augmenté de manière statistiquement significative qu’avec les interventions intensives (RR de 2,96 avec IC à 95% de 1,57 à 5,55) et, dans une seule étude, avec la varénicline (RR de 1,45 avec IC à 95% de 1,01 à 2,07). Seules les interventions intensives ont entraîné une diminution statistiquement significative de l’incidence des complications postopératoires (RR de 0,42 avec IC à 95% de 0,27 à 0,65) et l’incidence des complications au niveau de la plaie (RR de 0,31 avec IC à 95% de 0,16 à 0,62), ce que n’a pu montrer l’étude utilisant la varénicline.
D’un côté, le risque de biais était faible dans la plupart des études, d’un autre côté, le nombre d’études et le nombre de patients inclus étaient trop limités, ne permettant pas de tirer des conclusions fiables. C’est un indice composite qui a été utilisé pour évaluer la morbidité postopératoire, on ne peut ainsi rien dire des différents éléments qu’il combine. Par ailleurs, plusieurs traitements courants pour le sevrage tabagique n’ont pas (ou pas encore) été évalués, à savoir différentes formes de traitement de substitution nicotinique, des associations thérapeutiques et la varénicline administrée en préopératoire sur une durée plus longue. Cette méta-analyse ne répond pas non plus à la question de savoir si le temps d’arrêt du tabagisme avant l’opération influençait les résultats car il était demandé d’arrêter le tabagisme le jour précédent l’opération.


Les résultats de cette méta-analyse confirment ceux d’autres méta-analyses, à savoir que l’arrêt du tabagisme entraîne une réduction des complications postopératoires et stimule la cicatrisation des plaies ainsi que le rétablissement postopératoire (7-9). Étant donné l’importance de ces résultats, il conviendrait de sensibiliser les différents intervenants : en premier lieu les chirurgiens (10,11), les médecins généralistes (12), mais aussi les patients eux-mêmes, qui s’avèrent n’être qu’insuffisamment informés (13).

 

Conclusion


Cette synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration montre, que les interventions comportementales intensives pour le sevrage tabagique, débutées 4 à 8 semaines avant l’opération, complétées par un traitement de substitution nicotinique favoristen l’arrêt du tabagisme à court terme et diminuent l’incidence des complications postopératoires.

 

Références

  1. Mason DP, Subramanian S, Nowicki ER, et al. Impact of smoking cessation before resection of lung cancer: a society of thoracic surgeons general thoracic surgery database. Ann Thorac Surg 2009;88:362-70.
  2. Turan A, Mascha EJ, Roberman D, et al. Smoking and perioperative outcomes. Anesthesiology 2011;114:837-46.
  3. Musallam KM, Rosendaal FR, Zaatari G, et al. Smoking and the risk of mortality and vascular and respiratory events in patients undergoing major surgery. JAMA 2013;148:755-762.
  4. Gailly J. L'arrêt du tabagisme avant une intervention chirurgicale en diminue les complications. MinervaF 2002;1(9):25-26.
  5. Moller AM, Villebro N, Pedersen T, Tonnesen H. Effect of preoperative smoking intervention on postoperative complications: a randomized clinical trial. Lancet 2002;359:114-7.
  6. Thomsen T, Villebro N, Moller AM. Interventions for preoperative smoking cessation. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 3.
  7. Myers K, Hajek P, Hinds C, McRobbie H. Stopping smoking shortly before surgery and postoperative complications. Arch Intern Med 2011;171:983-9.
  8. Mills E, Eyawo O, Lockhart I, et al. Smoking cessation reduces postoperative complications: a systematic review and meta-analysis. Am J Med 2011;124:144-54.
  9. Sørensen LT. Wound healing and infection in surgery. The clinical impact of smoking and smoking cessation: a systematic review and meta-analysis. Arch Surg 2012;147:373-83.
  10. Oztürk O, Yilmazer I, Akkaya A. The attitudes of surgeons concerning preoperatieve smoking cessation: a questionnaire study. Hippokratia 2012;16:124-9.
  11. Owen D, Bicknell C, Hilton C, et al. Preoperative smoking cessation: a questionnaire study. Int J Clin Pract 2007;61:2002-4.
  12. Tønnesen H, Faurschou P, Ralov H, et al. Risk reduction before surgery. The role of the primary care provider in preoperative smoking and alcohol cessation. BMC Health Serv Res 2010;10:121.
  13. Webb AR, Robertson N, Sparrow M. Smokers know little of their increased surgical risks and may quit on surgical advice. ANZ J Surg 2013;83:753-7.

 

 

 


Auteurs

Boudrez H.
psycholoog-tabacoloog, Universiteit Gent
COI :

Glossaire

Code





Ajoutez un commentaire

Commentaires