Analyse


Omega 3 et risque cardio-vasculaire


24 11 2010

Professions de santé

Analyse de
Filion KB, El Khoury F, Bielinski M, et al. Omega-3 fatty acids in high-risk cardiovascular patients: a meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Cardiovasc Disord 2010;10:24.


Conclusion
Cette méta-analyse qui inclut des études hétérogènes n’apporte pas de preuve valide d’un intérêt de l’administration de suppléments d’oméga 3 (de composition fort variable) chez des patients avec pathologie cardiovasculaire ou atteints de diabète en termes de moindre mortalité de toute cause ou de resténose coronaire post angioplastie.



 

Minerva a publié en 2009 (1) une analyse de l’étude GISSI-HF (2) évaluant l’intérêt des acides gras polyinsaturés de type oméga 3 (AGPI n-3) dans l’insuffisance cardiaque : absence de bénéfice important. De manière plus générale en prévention cardiovasculaire, si les AGPI n-3 avaient montré des effets favorables sur les événements cardiovasculaires athérothrombotiques dans certaines études après infarctus du myocarde en diminuant la mortalité cardiovasculaire et le taux de morts subites (3, 4), une synthèse méthodique de la littérature réalisée en 2006 (5) ne montrait pas de bénéfice préventif (primaire et secondaire regroupés) pour les AGPI n-3 en termes de mortalité et de survenue d’événement cardiovasculaire. Le consensus de l’INAMI en 2009 (6) concluait à l’absence de preuve de l’intérêt d’un ajout d’acides gras oméga 3 à un traitement actuel optimal pour les pathologies cardiovasculaires.

 

Une nouvelle méta-analyse (7) évalue leur efficacité chez des sujets à haut risque cardiovasculaire, c’est-à-dire avec une pathologie cardiovasculaire ou un diabète. Elle n’inclut que les RCTs et les études évaluant une dose pharmacologique identifiée d’AGPI n-3 (donc pas des interventions « diététiques ») mais de composition variable. Sa méthodologie est correcte, avec une analyse bayésienne prenant en compte les incertitudes dans les variations entre études. Un biais de publication n’est pas suggéré dans le funnel plot réalisé. Le critère primaire choisi est la mortalité de toute cause (évaluable pour 25 publications, n=34 501). Une resténose coronarienne post angioplastie percutanée (PCI) est  le critère secondaire analysé (évaluable dans 14 études, n=3 553). Les auteurs estiment que les caractéristiques des patients inclus dans les différentes études, en majorité des hommes, sont homogènes. Les doses d’AGPI n-3 varient de 0,9 à 6,9 g/jour. Versus placebo ou huile « inactive » (ou dans 2 études ouvertes, l’alimentation habituelle), les oméga 3 ne réduisent pas significativement la mortalité totale (RR 0,88 ; intervalle de crédibilité (ICr) à 95% de 0,64 à 1,03) ni les resténoses (RR 0,89 ; ICr de 0,72 à 1,05). Aucune différence significative n’est également observée pour la survenue d’autres événements cardiovasculaires. Les auteurs concluent que malgré l’absence d’efficacité statistiquement significative, les résultats suggèrent que les AGPI n-3 (dans certaines études) réduisent modestement la mortalité et la resténose. Dans leurs analyses en méta-régression pour le critère mortalité, ils  notent que les études sur les populations les plus importantes et à plus long suivi (> 12 mois) montrent un bénéfice moindre, sans influence de la dose ou de l’observance du traitement. Pour le critère resténose les résultats sont également moins bons dans les RCTs sur de plus grandes populations et celles de meilleure qualité. Ces éléments incitent à penser à des biais possibles. Les données pour les effets indésirables sont maigres : effets gastro-intestinaux augmentés sous AGPI n-3, et intervalles de crédibilité tellement larges pour le risque de survenue de cancer ou de saignement qu’aucune conclusion n’est possible.

 

Conclusion

Cette méta-analyse qui inclut des études hétérogènes n’apporte pas de preuve valide d’un intérêt de l’administration de suppléments d’oméga 3 (de composition fort variable) chez des patients avec pathologie cardiovasculaire ou atteints de diabète en termes de moindre mortalité de toute cause ou de resténose coronaire post angioplastie.

 

Références

  1. Brohet C. Acides gras polyinsaturés et insuffisance cardiaque (étude GISSI-HF). MinervaF 2009;8(6):70-1.
  2. Gissi-HF Investigators, Tavazzi L, Maggioni AP, Marchioli R, et al. Effect of n-3 polyunsaturated fatty acids in patients with chronic heart failure (the GISSI-HF trial): a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2008;372:1223–30.
  3. Dietary supplementation with n-3 polyunsaturated fatty acids and vitamin E after myocardial infarction: results of the GISSI-Prevenzione trial. Gruppo Italiano per lo Studio della Sopravvivenza nell'Infarto miocardico. Lancet 1999;354:447-55.
  4. Marchioli R, on behalf of GISSI-Prevenzione Investigators. Treatment with polyunsaturated fatty acids after myocardial infarction: results of the GISSI-Prevenzione trial. Eur Heart J 2001;3:D85-96.
  5. Hooper L, Thompson RL, Harrison RA, et al. Risks and benefits of omega 3 fats for mortality, cardiovascular disease, and cancer: systematic review. BMJ 2006;332:752-60.
  6. INAMI. L’usage efficient des médicaments dans la prévention des affections cardiovasculaires. Consensus de l’INAMI Bruxelles le 14/05/2009. Rapport du jury.
  7. Filion KB, El Khoury F, Bielinski M, et al. Omega-3 fatty acids in high-risk cardiovascular patients: a meta-analysis of randomized controlled trials. BMC Cardiovasc Disord 2010;10:24.
Omega 3 et risque cardio-vasculaire

Auteurs

Chevalier P.
médecin généraliste
COI :

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