Analyse


Les régimes alimentaires à faible indice glycémique sont sans influence sur les facteurs de risque cardiovasculaire


15 05 2018

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Clar C, Al-Khudairy L, Loveman E, et al. Low glycaemic index diets for the prevention of cardiovascular disease. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD004467.pub3


Conclusion
Cette synthèse méthodique, de bonne qualité méthodologique, montre que l’effet des régimes alimentaires à faible indice glycémique sur les événements cardiovasculaires n’a pas encore été examiné dans des études randomisées contrôlées. Une étude d’intervention de faible qualité n’a pas pu montrer d’effet favorable d’un indice glycémique faible sur les facteurs de risque cardiovasculaire.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Comme prévention des événements cardiovasculaires, il est recommandé d’adopter un mode de vie sain. Pour informer le patient des bons choix et des proportions d’une alimentation saine et variée, on peut utiliser le triangle alimentaire. Le Conseil Supérieur de la Santé recommande de limiter la quantité de sucres ajoutés à 10% des apports énergétiques (en %), et ses avis pour une alimentation saine ne mentionnent pas l’indice glycémique. La présente étude confirme le choix de ne pas utiliser l’indice glycémique pour la gestion du risque cardiovasculaire global.



Les résultats de deux synthèses méthodiques, qui, toutes deux ont été commentées dans Minerva, ont montré qu’il n’y avait pas de différence cliniquement pertinente entre les régimes pauvres en glucides et les régimes pauvres en lipides pour la perte de poids (1-4). Une autre synthèse méthodique montrait que le risque d’événements cardiovasculaires sur le long terme se réduisait avec un régime pauvre en lipides (5,6). En 2012, des méta-analyses d’études de cohorte prospectives suggèrent également que les régimes à indice glycémique élevé sont associés à un risque cardiovasculaire accru (7-9). L’indice glycémique (IG), utilisé pour la première fois en 1981 (10), est une mesure physiologique de l’augmentation postprandiale de la glycémie au cours des deux heures qui suivent la prise de 50 g d’hydrates de carbone, par comparaison avec 50 g de glucose. L’IG peut varier de 0 à 100. Plus l’IG est bas, plus l’effet sur la glycémie est faible.  

 

En 2017, une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration a examiné l’effet d’un régime à faible IG sur la mortalité, les événements cardiovasculaires et les facteurs de risque cardiovasculaire (11). 21 études randomisées contrôlées (RCTs) ont été incluses, qui pendant au moins 12 semaines, ont comparé un régime à faible IG et un régime à IG élevé. Les régimes alimentaires du groupe intervention et du groupe témoin ne pouvaient toutefois pas différer en ce qui concernait la valeur énergétique et les proportions de glucides, de lipides et de protéines. Des 21 RCTs incluses,  20 étaient menées chez des personnes en bonne santé ou chez des personnes présentant un risque cardiovasculaire accru (âge moyen entre 19 et 69 ans) et une était menée chez des personnes ayant des antécédents de pathologie cardiovasculaire (âge moyen de 27 ans), pour un total de 2538 participants. La qualité méthodologique des études sélectionnées était faible. Seules 9 études ont décrit une randomisation correcte, et aucune étude n’a mentionné le respect du secret d’attribution (concealment of allocation). Seules 4 études ont rapporté une mesure des résultats en aveugle. La proportion de sorties d’étude était en moyenne de 23,8% (variant de 0 à 41,5%) dans le groupe à IG faible, et de 26,6% (variant de 0 à 70,4%) dans le groupe à IG élevé.

 

Les investigateurs n’ont pas trouvé d’étude d’intervention ayant comme critère de jugement la mortalité ou les incidents cardiovasculaires. Comparé avec un régime alimentaire à IG élevé, un régime alimentaire à faible IG n’avait pas d’influence sur les facteurs de risque cardiovasculaire, tels que le cholestérol total, le HDL-cholestérol et le LDL-cholestérol, les triglycérides, la pression artérielle systolique et diastolique. L’effet cardioprotecteur d’un régime alimentaire à faible IG, comme montré par une étude d’observation (7-9), ne peut donc pas être confirmé par des études d’intervention randomisées. Nous ne pouvons exclure qu’un éventuel effet favorable d’un faible IG n’a peut-être pas pu être montré du fait d’un manque de puissance dans certaines études (échantillon de petite taille ou proportion importante de sorties d‘étude), d’un suivi de courte durée (moins de 6 mois) dans la plupart des études et d’une petite différence moyenne de l’IG (variant de 0,6 à 42) entre le groupe intervention et le groupe témoin.  

La validité de l’indice glycémique calculé dans les différentes études peut être mise en doute. L’indice glycémique fait l’objet de débats nutritionnels depuis de nombreuses années, certainement depuis la publication de Dodd et al (12). Ces auteurs ont comparé l’IG de repas calculé au moyen des tableaux de référence (13) avec l’effet directement mesuré de ces repas sur la glycémie. La valeur calculée dépassait la valeur mesurée de 22 à 50% selon le repas. L’explication de cette différence est que l’IG des nutriments dans les tableaux de référence a toujours été mesuré avec le nutriment isolé, tandis que, dans la réalité, un nutriment n’est que rarement consommé isolément. La présence de lipides, de protéines et de fibres, ainsi que le mode de préparation culinaire, peuvent fortement influencer l’IG (14).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique, de bonne qualité méthodologique, montre que l’effet des régimes alimentaires à faible indice glycémique sur les événements cardiovasculaires n’a pas encore été examiné dans des études randomisées contrôlées. Une étude d’intervention de faible qualité n’a pas pu montrer d’effet favorable d’un indice glycémique faible sur les facteurs de risque cardiovasculaire.

 

Pour la pratique

Comme prévention des événements cardiovasculaires, il est recommandé d’adopter un mode de vie sain. Pour informer le patient des bons choix et des proportions d’une alimentation saine et variée, on peut utiliser le triangle alimentaire (15). Le Conseil Supérieur de la Santé recommande de limiter la quantité de sucres ajoutés à 10% des apports énergétiques (en %), et ses avis pour une alimentation saine ne mentionnent pas l’indice glycémique (16). La présente étude confirme le choix de ne pas utiliser l’indice glycémique pour la gestion du risque cardiovasculaire global.

 

 

Références 

  1. Mullie P, De Cort P. Un régime pauvre en graisses est-il plus efficace sur la perte de poids à long terme ? MinervaF 2016;15(4):94-7.
  2. Tobias DK, Chen M, Manson JE, et al. Effect of low-fat diet interventions versus other diet interventions on long-term weight change in adults: a systematic review and meta-analysis. Lancet Diabetes Endocrinol 2015;3:968-79. DOI: 10.1016/S2213-8587(15)00367-8
  3. Muls E, Poelman T, Vandenbroucke M. Régimes pauvres en hydrates de carbone ou en graisses. MinervaF 2007;6(7):106-7.
  4. Nordmann AJ, Nordmann A, Briel M, et al. Effects of low-carbohydrate vs low-fat diets on weight loss and cardiovascular risk factors. Arch Intern Med 2006;166:285-93. DOI: 10.1001/archinte.166.3.285
  5. De Cort P. Régime sans graisses en prévention des maladies cardiovasculaires. MinervaF 2003;2(2):31-2.
  6. Hooper L, Summerbell CD, Higgings JP, et al. Dietary fat intake and prevention of cardiovascular disease: systematic review. BMJ 2001;322:757-63. DOI: 10.1136/bmj.322.7289.757
  7. Dong JY, Zhang YH, Wang P, Qin LQ. Meta-analysis of dietary glycemic load and glycemic index in relation to risk of coronary heart disease. Am J Cardiol 2012;109:1608-13. DOI: 10.1016/j.amjcard.2012.01.385
  8. Ma XY, Liu JP, Song ZY. Glycemic load, glycemic index and risk of cardiovascular diseases: meta-analyses of prospective studies. Atherosclerosis 2012;223:491-6. DOI: 10.1016/j.atherosclerosis.2012.05.028
  9. Mirrahimi A, de Souza RJ, Chiavaroli L, et al. Associations of glycemic index and load with coronary heart disease events: a systematic review and meta-analysis of prospective cohorts. J Am Heart Assoc2012;1:e000752. DOI: 10.1161/JAHA.112.000752
  10. Jenkins DJ, Wolever TM, Taylor RH, et al. Glycemic index of foods: a physiological basis for carbohydrate exchange. Am J Clin Nutr 1981;34:362-6. DOI: 10.1093/ajcn/34.3.362
  11. Clar C, Al-Khudairy L, Loveman E, et al. Low glycaemic index diets for the prevention of cardiovascular disease. Cochrane Database Syst Rev 2017, Issue 7. DOI: 10.1002/14651858.CD004467.pub3
  12. Dodd H, Williams S, Brown R, Venn B. Calculating meal glycemic index by using measured and published food values compared with directly measured meal glycemic index. Am J Clin Nutr 2011;94:992-6. DOI: 10.3945/ajcn.111.012138
  13. Foster-Powell K, Holt SH, Brand-Miller JC. International table of glycemic index and glycemic load values: 2002 Am J ClinNutr 2002;76:5-56. DOI: 10.1093/ajcn/76.1.5
  14. Meng H, Matthan NR, Ausman LM, Lichtenstein AH. Effect of prior meal macronutrient composition on postprandial glycemic responses and glycemic index and glycemic load value determinations. Am J Clin Nutr 2017;106:1246-56. DOI: 10.3945/ajcn.117.162727
  15. Globaal cardiovasculair risicobeheer. Domus Medica/EBPracticenet, 2007. (uniquement en Néerlandais)
  16. Recommandations nutritionnelles pour la Belgique. Conseil Supérieur de la Santé, 2016. CSS n° 9285.

 

 


Auteurs

Mullie P.
Centre for Evidence-Based Medicine, Leuven; Military Performance Amplification Research Centre, DG H&W, Belgian Defence, Evere
COI :

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