Analyse


Claudication intermittente : le programme d‘exercices supervisés est-il meilleur qu’un programme d’exercices à domicile ou que le conseil de se promener ?


15 10 2018

Professions de santé

Ergothérapeute, Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Hageman D, Fokkenrood HJ, Gommans LN, et al. Supervised exercise therapy versus home-based exercise therapy versus walking advice for intermittent claudication. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD005263.pub4


Conclusion
Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre que le programme d’exercices supervisés, après 3 mois, apporte une plus-value importante sur le plan de la distance de marche (sans apparition de douleur), versus un programme d’exercices à domicile et versus le conseil de se promener (GRADE modéré à élevé). Une recherche plus poussée est nécessaire pour chercher à connaître l’effet à long terme, l’effet sur la qualité de vie en rapport avec la maladie et l’effet sur les autres paramètres fonctionnels, comme l’habitude de se promener et l’exercice physique.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Outre la prévention cardiovasculaire secondaire (arrêt du tabagisme, adaptation du mode de vie, meilleure régulation de la glycémie chez les patients diabétiques, instauration d’un traitement par statines, antihypertenseurs, antiagrégants plaquettaires) et le conseil de faire de l’exercice, un programme d’exercices supervisés est recommandé comme traitement de premier choix en cas de claudication intermittente, avant d’envisager une intervention chirurgicale. La synthèse méthodique avec méta-analyse décrite plus haut montre que le programme d’exercices supervisés est supérieur aux programmes d’exercices à domicile (avec des moyens de contrôle comme le rapport fait par le patient et/ou l’utilisation d’un podomètre) et au conseil de se promener. La mise en œuvre d’un traitement conservateur étayé chez les patients présentant une artériopathie des membres inférieurs réclame des modifications comportementales de la part du patient (le programme d’exercices supervisés demande plus d’efforts qu’une intervention chirurgicale), de la part du kinésithérapeute (qui consacrera plus d’attention aux bons résultats du programme d’exercices supervisés), de la part du médecin généraliste (qui doit plus motiver le patient pour le programme d’exercices supervisés) et de la part du chirurgien vasculaire (qui ne proposera une intervention chirurgicale qu’après que le programme d’exercices supervisés aura été essayé pendant une période raisonnable = soins par étape (stepped care)), et elle nécessite aussi un soutien financier suffisant de la part des autorités (comme un meilleur remboursement du programme d’exercices supervisés).



En 2009, Minerva a commenté une étude randomisée contrôlée qui n’avait pas pu montrer de différence à moyen terme entre la revascularisation artérielle périphérique et un entraînement physique supervisé dans la prise en charge de la claudication intermittente (1,2). Malgré ces résultats favorables, la mise en œuvre d’un programme d’exercices supervisés dans le traitement de l’artériopathie des membres inférieurs est souvent difficile en raison de facteurs liés au patient et au contexte. La question se pose de savoir si des alternatives comme un programme d’exercices à domicile (avec des moyens de contrôle comme le rapport fait par le patient et/ou l’utilisation d’un podomètre) ou le conseil de se promener sont équivalents.

 

En 2018 a été publiée une mise à jour d’une synthèse méthodique de la Cochrane Collaboration (3,4) qui comparait l’effet d’un programme d’exercices supervisés sur la distance ou la durée de marche maximale sur un tapis roulant avec d’une part, un programme d’exercices à domicile et, d’autre part, le conseil de se promener. Les critères de jugement secondaires étaient l’effet sur la distance ou la durée de marche sur un tapis roulant sans apparition de douleur, sur la limite fonctionnelle rapportée par le patient et sur la qualité de vie. Trois chercheurs indépendants ont sélectionné 21 études qui, au total, avaient inclus 1400 patients (20 à 304 par étude ; 635 ont suivi le programme d’exercices supervisés, 320 ont suivi un programme d’exercices à domicile, et 445 ont reçu le conseil de se promener). La qualité méthodologique globale des études incluses était moyenne à bonne. Dans le groupe programme d’exercices supervisés, on a observé, après 3 mois, un meilleur score de la distance ou de la durée maximale de marche sur un tapis roulant versus un programme d’exercices à domicile (différence moyenne standardisée (DMS) 0,37 avec  IC à 95% de 0,12 à 0,62 ; N = 8 études ; GRADE modéré) et versus le conseil de se promener (DMS 0,80 avec IC à 95% de 0,53 à 1,07 ; N = 7 études ; GRADE élevé). Les différences se sont maintenues après 6 et 12 mois. L’amélioration après 3 mois s’est traduite en une augmentation de respectivement 120 m et 210 m sur le tapis roulant (5). Bien que la pertinence clinique n’ait pas été montrée de façon irréfutable, nous pouvons néanmoins admettre que cette augmentation de la distance de marche a un effet positif sur la vie des patients car la distance moyenne avant l’intervention n’était que de 290 m. Versus le conseil de se promener, une amélioration statistiquement significative de la limite fonctionnelle et de la qualité de vie physique, signalée par le patient, n’a toutefois pu être montrée après 12 mois qu’avec le programme d’exercices supervisés (GRADE modéré). Avec le programme d’exercices supervisés, on a néanmoins observé une amélioration statistiquement significative de la distance et de la durée de marche sur un tapis roulant sans apparition de douleur tant versus un programme d’exercices à domicile (GRADE modéré) que versus le conseil de se promener (GRADE élevé). L’observance du traitement était globalement comparable avec le programme d’exercices supervisés et avec un programme d’exercices à domicile (environ 80%). On dispose de peu de données concernant l’observance du conseil de se promener.

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique avec méta-analyse montre que le programme d’exercices supervisés, après 3 mois, apporte une plus-value importante sur le plan de la distance de marche (sans apparition de douleur), versus un programme d’exercices à domicile et versus le conseil de se promener (GRADE modéré à élevé). Une recherche plus poussée est nécessaire pour chercher à connaître l’effet à long terme, l’effet sur la qualité de vie en rapport avec la maladie et l’effet sur les autres paramètres fonctionnels, comme l’habitude de se promener et l’exercice physique.

 

Pour la pratique

Outre la prévention cardiovasculaire secondaire (arrêt du tabagisme, adaptation du mode de vie, meilleure régulation de la glycémie chez les patients diabétiques, instauration d’un traitement par statines, antihypertenseurs, antiagrégants plaquettaires) et le conseil de faire de l’exercice, un programme d’exercices supervisés est recommandé comme traitement de premier choix en cas de claudication intermittente, avant d’envisager une intervention chirurgicale (6,7). La synthèse méthodique avec méta-analyse décrite plus haut montre que le programme d’exercices supervisés est supérieur aux programmes d’exercices à domicile (avec des moyens de contrôle comme le rapport fait par le patient et/ou l’utilisation d’un podomètre) et au conseil de se promener. La mise en œuvre d’un traitement conservateur étayé chez les patients présentant une artériopathie des membres inférieurs réclame des modifications comportementales de la part du patient (le programme d’exercices supervisés demande plus d’efforts qu’une intervention chirurgicale), de la part du kinésithérapeute (qui consacrera plus d’attention aux bons résultats du programme d’exercices supervisés), de la part du médecin généraliste (qui doit plus motiver le patient pour le programme d’exercices supervisés) et de la part du chirurgien vasculaire (qui ne proposera une intervention chirurgicale qu’après que le programme d’exercices supervisés aura été essayé pendant une période raisonnable = soins par étape (stepped care)), et elle nécessite aussi un soutien financier suffisant de la part des autorités (comme un meilleur remboursement du programme d’exercices supervisés).  

 

 

Références 

  1. Crismer A. Claudication intermittente : revascularisation endovasculaire ou entraînement physique supervisé en milieu hospitalier ? MinervaF 2010;9(1)6-7.
  2. Spronk S, Bosch JL, den Hoed PT, et al. Intermittent claudication: clinical effectiveness of endovascular revascularization versus supervised hospital-based exercise training - randomized controlled trial. Radiology 2009;250:586-95. DOI: 10.1148/radiol.2501080607
  3. Watson L, Ellis B, Leng GC. Exercise for intermittent claudication. Cochrane Database Syst Rev 2008, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD000990.pub2
  4. Hageman D, Fokkenrood HJ, Gommans LN, et al. Supervised exercise therapy versus home-based exercise therapy versus walking advice for intermittent claudication. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 4. DOI: 10.1002/14651858.CD005263.pub4
  5. Poelman T. Comment interpréter une différence moyenne standardisée (DMS) ? MinervaF 2014;13(4):51.
  6. Revascularisation en cas d’artériopathie périphérique du member inférieur. Guide de pratique clinique national. Ebpracticenet 12/05/2014.
  7. GPC kinésitherapeutique L'artériopathie oblitérante symptomatique. Ebpracticenet 5/05/2014. Dernière mise à jour: 6/11/2016.



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