Analyse


Quel est l’apport de l’acromioplastie dans le traitement de l’épaule douloureuse ?


15 09 2019

Professions de santé

Kinésithérapeute, Médecin généraliste
Analyse de
Paavola M, Malmivaara A, Taimela S, et al; Finnish Subacromial Impingement Arthroscopy Controlled Trial (FIMPACT) Investigators. Subacromial decompression versus diagnostic arthroscopy for shoulder impingement: randomised, placebo surgery controlled clinical trial. BMJ 2018;362:k2860. DOI: 10.1136/bmj.k2860


Conclusion
Les résultats de cette étude randomisée comparant une chirurgie « placebo » à une décompression sous-acromiale ne démontrent aucune supériorité de la décompression chez les patients souffrant d’un syndrome de conflit sous-acromial à 24 mois de l’intervention. Cette étude n’apporte pas de justification à la réalisation d’une décompression sous-acromiale chez les patients souffrant d’un conflit sous-acromial.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Nous avons déjà mentionné que sur le site de Ebpracticenet il est indiqué que pour ce qui concerne le syndrome de la coiffe des rotateurs et le conflit sous-acromial, une acromioplastie peut être envisagée en cas de conflit sous-acromial si les symptômes durent depuis plus de 6 mois, que le traitement conservateur est inefficace et que le patient est incapable de travailler. Aucun niveau de preuve n’est mentionné ni aucune référence donnée pour cette acromioplastie. Les limites méthodologiques de l’étude analysée ici ne permettent pas de conforter ou d’infirmer ces recommandations parce que les résultats relatifs aux patients n’ayant pas subi d’intervention ne sont pas disponibles. Nous rappelons néanmoins que la réparation des lésions significatives de la coiffe des rotateurs chez le sujet d’âge moyen est une technique validée.



L’épaule douloureuse correspond à une multitude de situations cliniques jadis regroupées sous le vocable de péri-arthrite scapulo-humérale. Depuis une trentaine d’années, cette entité a été démembrée en fonction des lésions anatomiques. C’est ainsi, en particulier, qu’ont été identifiées les capsulites rétractiles et les pathologies de la coiffe des rotateurs.

Parmi ces pathologies de la coiffe d’origine dégénérative ou traumatique, les « conflits » (impingement en anglais) et en particulier le conflit sous-acromial qui peut être lié à une morphologie particulière du défilé sous-acromial voire à une arthrose acromio-claviculaire ont été isolés.

La décompression sous-acromiale s’est imposée comme un des traitements de cette pathologie de la coiffe. Au début, elle se faisait à foyer ouvert mais depuis plus de 25 ans, l’acromioplastie se fait quasi exclusivement par voie arthroscopique (1).

Néanmoins, dès 2005, la supériorité de la décompression sous-acromiale sur le traitement conservateur a été mise en question (2). Nous avons analysé dernièrement dans Minerva (3) une RCT (CSAW) (4) qui montrait qu’il n’existe aucune preuve actuelle d’un intérêt cliniquement pertinent d’une acromioplastie versus autres approches thérapeutiques ou évolution naturelle en cas de douleur sous-acromiale de l’épaule chez des adultes présentant une douleur sous-acromiale de l’épaule depuis au moins 3 mois avec des tendons de la coiffe des rotateurs intacts, après échec de la kinésithérapie et échec d’au moins une injection d’un corticostéroïde en intra-articulaire. Une récente revue de la Collaboration Cochrane de 2019 (5) remet elle aussi une fois de plus en question l’efficacité de cette technique.

Mais elle reste « faiblement » supportée par certaines études telle l’étude de Beard et collaborateurs publiée en 2018 (6). Une nouvelle étude sur ce sujet à polémiques a été publiée récemment avec comme intérêt de réaliser une évaluation clinique 2 ans post intervention (7).

 

Cette étude a été menée en Finlande de 2005 à 2015 dans trois cliniques. Les patients, âgés entre 35 et 65 ans, souffraient de l’épaule depuis plus de 3 mois. Une arthro-IRM avec injection de produit de contraste a permis d’identifier et d’exclure de l’étude les patients avec une rupture de la coiffe des rotateurs. Sur un ensemble de 210 patients, 134 patients souffrant de douleurs sous-acromiale n’ayant pas répondu à un traitement conventionnel au bout de trois mois ont été sélectionnés et ont subi une arthroscopie, dont 122 finalement, après avoir appliqués les critères d’exclusion pré-établis, ont été randomisés en deux groupes : 59 ont bénéficié de la décompression et 63 d’une simple arthroscopie diagnostique sans geste réparateur.

Le critère d’évaluation était la douleur sur base d’une échelle visuelle analogique allant de 0 à 100. L’évaluation préalable à l’intervention a été réitérée après 24 mois. Une différence de 15 points était considérée comme cliniquement significative.

 

Résultat

Les résultats sont présentés en intention de traiter. A 24 mois, sur base de l’échelle visuelle analogique, la diminution moyenne de la douleur au repos était de -36,0 points dans le groupe décomprimé et de -31,4 dans le groupe contrôle, soit une différence non significative de -4,6 points (avec IC à 95% de -11,3 à +2,1 points). En ce qui concerne la diminution moyenne de la douleur liée à l’activité, le score est de -55,4 points dans le groupe décomprimé et de -47,5 points dans le groupe contrôle, soit une différence de -9 points (avec IC à 95% de -18,1 à +0,2 point). A nouveau une différence non significative.

Il faut néanmoins noter que les auteurs déclarent que dans le groupe « placebo », ils ont régulièrement débridé la bourse sous-acromiale si elle empêchait de visualiser correctement le tendon du sus-épineux. C’est peut-être ce geste qui est important !... et qui méritera de nouvelles études. Il faut également relever que la différence moyenne des score VAS tant au repos que pour les activités est cliniquement significative à 24 mois de l’intervention (à visée thérapeutique ou diagnostique). Mais, faute de disposer des résultats relatifs aux patients n’ayant subi aucune intervention, ces résultats n’aident pas les cliniciens.

 

Conclusion

Les résultats de cette étude randomisée comparant une chirurgie « placebo » à une décompression sous-acromiale ne démontrent aucune supériorité de la décompression chez les patients souffrant d’un syndrome de conflit sous-acromial à 24 mois de l’intervention. Cette étude n’apporte pas de justification à la réalisation d’une décompression sous-acromiale chez les patients souffrant d’un conflit sous-acromial.

 

Pour la pratique

Nous avons déjà mentionné que sur le site de Ebpracticenet (8) il est indiqué que pour ce qui concerne le syndrome de la coiffe des rotateurs et le conflit sous-acromial, une acromioplastie peut être envisagée en cas de conflit sous-acromial si les symptômes durent depuis plus de 6 mois, que le traitement conservateur est inefficace et que le patient est incapable de travailler. Aucun niveau de preuve n’est mentionné ni aucune référence donnée pour cette acromioplastie (3). Les limites méthodologiques de l’étude analysée ici ne permettent pas de conforter ou d’infirmer ces recommandations parce que les résultats relatifs aux patients n’ayant pas subi d’intervention ne sont pas disponibles. Nous rappelons néanmoins que la réparation des lésions significatives de la coiffe des rotateurs chez le sujet d’âge moyen est une technique validée.

 

 

Références  

  1. Checroun AJ, Dennis MG, Zuckerman JD. Open versus arthroscopic decompression for subacromial impingement. A comprehensive review of the literature from the last 25 years. Bull Hosp Jt Dis 1998;57:145-51.
  2. Haahr JP, Østergaard S, Dalsgaard J, et al. Exercises versus arthroscopic decompression in patients with subacromial impingement: a randomised, controlled study in 90 cases with a one year follow up. Ann Rheum Dis 2005;64:760-4. DOI: 10.1136/ard.2004.021188
  3. Chevalier P. Intérêt d’une arthroscopie diagnostique ou thérapeutique (avec décompression) en cas de pathologie sous-acromiale de l’épaule ? MinervaF 2019;18(5):52-6.
  4. Beard DJ, Rees JL, Cook JA, et al; CSAW Study Group. Arthroscopic subacromial decompression for subacromial shoulder pain (CSAW): a multicentre, pragmatic, parallel group, placebo-controlled, three-group, randomised surgical trial. Lancet 2018;391:329-38. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)32457-1
  5. Karjalainen TV, Jain NB, Page CM, et al. Subacromial decompression surgery for rotator cuff disease. Cochrane Database Syst Rev 2019, Issue 1. DOI: 10.1002/14651858.CD005619.pub3
  6. Beard DJ, Rees JL, Cook JA, et al; CSAW Study Group. Arthroscopic subacromial decompression for subacromial shoulder pain (CSAW): a multicentre, pragmatic, parallel group, placebo-controlled, three-group, randomised surgical trial. Lancet 2018;391:329-38. DOI: 10.1016/S0140-6736(17)32457-1
  7. Paavola M, Malmivaara A, Taimela S, et al; Finnish Subacromial Impingement Arthroscopy Controlled Trial (FIMPACT) Investigators. Subacromial decompression versus diagnostic arthroscopy for shoulder impingement: randomised, placebo surgery controlled clinical trial. BMJ 2018;362:k2860. DOI: 10.1136/bmj.k2860
  8. Ebpracticenet. URL: https://www.ebpnet.be/fr/pages/default.aspx (site consulté le 15 mars 2019).

 




Ajoutez un commentaire

Commentaires