Analyse


Prise en charge axée sur la personne en cas de multimorbidité


01 03 2021

Professions de santé

Diététicien, Ergothérapeute, Infirmier, Médecin généraliste
Analyse de
Tinetti ME, Naik AD, Dindo L, et al. Association of patient priorities-aligned decision-making with patient outcomes and ambulatory health care burden among older adults with multiple chronic conditions: a nonrandomized clinical trial. JAMA Intern Med 2019;179:1688-97. DOI: 10.1001/jamainternmed.2019.4235


Conclusion
Cette étude interventionnelle non randomisée tend à montrer que, par comparaison avec la prise en charge habituelle des patients atteints de multimorbidité, l’identification, la communication et la prestation de soins conformément aux objectifs personnels du patient peuvent réduire la charge de traitement du patient et éviter des soins non souhaités. Une étude randomisée est nécessaire pour confirmer les résultats de cette étude.



Minerva a déjà discuté une synthèse méthodique portant sur la planification de soins personnalisés chez des adultes atteints d’une maladie chronique (1,2). Les chercheurs ont pu montrer une certaine amélioration de plusieurs critères d’évaluation physiques et psychologiques, mais l’effet sur l’état de santé subjectif, sur les capacités d’autonomie et sur d’autres critères d’évaluation individualisés n’était pas clair. Une seule étude s’intéressait à des patients atteints de plusieurs maladies chroniques (multimorbidité). En outre, les auteurs se concentraient sur des critères de jugement standardisés et axés sur la maladie (comme la glycémie, la pression artérielle systolique et l’indice de masse corporelle (IMC)) au lieu de critères de jugement personnalisés et axés sur le patient. Il n’a pas non plus été question de la manière dont les interventions liées à la « planification des soins personnalisés » étaient structurées concrètement, et aucune attention n’a été accordée à la mesure dans laquelle les composantes des interventions souvent complexes contribuaient spécifiquement à leur efficacité.

 

Une étude interventionnelle non randomisée a comparé les soins prioritaires du patient (patient priorities care, PPC) et la prise en charge habituelle dans deux cabinets de première ligne comparables (3). Le cabinet d’intervention a été choisi arbitrairement puis jumelé à un cabinet témoin sur la base de similitudes géographiques, démographiques et socio-économiques. Le dossier médical informatisé a permis d’identifier, dans les deux cabinets, des patients qui étaient atteints d’au moins trois maladies chroniques et qui, soit prenaient 10 médicaments, soit consultaient au moins 2 spécialistes par an. Les patients du cabinet d’intervention qui étaient admissibles pour participer à l’étude ont été invités par les prestataires de soins de première ligne (7 médecins, 1 assistant et 2 infirmières) pour un contact physique ou téléphonique avec un facilitateur en PPC (infirmier/ère spécialisé(e) ou responsable de soins) la semaine précédant une visite prévue. Les facilitateurs ont été préalablement formés au moyen d’un transfert d’informations, de jeux de rôle, d’observations et de retours d’expérience par une équipe multidisciplinaire composée de 4 gériatres, 1 interniste, 1 expert comportemental et 2 chefs de projet.

Avec le patient, ils ont recherché ses priorités de santé personnelles. Ils ont été invités à enregistrer leurs conclusions de manière structurée :

  1. de santé, médicaments, tâches d’autonomie) sur lequel le patient se concentre pour informations de base sur le fonctionnement et l’assistance ;
  2. valeurs clés du patient ;
  3. trois objectifs de santé (par exemple « Je voudrais continuer à cuisiner, mais mon mal de dos rend la tâche difficile » ; « Je veux pouvoir m’habiller ») ;
  4. trois activités de santé utiles et réalisables (par exemple « Je fais mes exercices au lit chaque jour pour avoir moins mal au dos ») ;
  5. trois activités de santé inconfortables et difficiles à réaliser (par exemple, « J’ai subi trop de chirurgies, et j’ai plusieurs vis dans le dos ») ;
  6. objectif (par exemple, symptômes, état atteindre ses objectifs personnels (par exemple, « Je veux avoir moins mal au dos pour pouvoir rester à la maison et faire plus d’activités avec mon mari »).

 

Ces données issues du contact entre le patient et le facilitateur ont ensuite été transmises au prestataire de soins de première ligne. On attendait de ce dernier qu’il intègre ces priorités de santé dans la communication et la prise de décision avec le patient et les autres prestataires de soins de santé.

Après 9 mois de suivi, aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre le groupe d’intervention et le groupe témoin quant à l’attention que les patients ont perçue vis-à-vis de leurs objectifs personnels. On a néanmoins observé que, par comparaison avec les patients du groupe témoin, les patients du groupe d’intervention signalaient une diminution statistiquement significative de la charge du traitement, que les médicaments étaient plus souvent arrêtés, que moins de tests diagnostiques étaient demandés et qu’il y avait une réduction de la prescription de tâches d’autonomie (comme un régime alimentaire, un contrôle du poids). Ces résultats de l’étude concordent avec ceux d’une précédente étude qui avait permis de constater qu’une prise en charge axée sur le patient était associée à une diminution de l’utilisation des soins de santé (4). Une autre étude a montré que, chez les patients dont la consultation avait un score élevé concernant l’orientation sur le patient au début de l’étude, les consultations chez des spécialistes, les hospitalisations et les demandes d’analyses biologiques et d’autres tests diagnostiques étaient significativement moins nombreuses dans l’année suivant la consultation observée (5).

Certaines des limites de la synthèse méthodique susmentionnée (2) qui avaient été mises en évidence ont pu être rencontrées dans l’étude présentée ici. Tout d’abord, le choix porte explicitement sur des patients atteints de multimorbidité. Ensuite, le contenu de l’intervention a été discuté en détail et étape par étape. Enfin, dans l’évaluation de l’intervention, des critères d’évaluation plus larges axés sur le patient sont choisis en mettant explicitement l’accent, d’une part sur les objectifs personnels du patient et, d’autre part sur la charge que le traitement représente. Néanmoins, nous devons signaler un certain nombre de lacunes méthodologiques qui imposent la prudence dans l’interprétation des résultats. L’étude n’était pas randomisée, avec pour conséquence que les patients du groupe d’intervention étaient légèrement plus âgés et plus malades que les patients du groupe témoin. Bien qu’une correction ait été apportée pour tenir compte de la différence dans les caractéristiques de base, il est possible que les résultats aient été influencés par des facteurs de confusion inconnus. Les résultats de cette étude sont donc purement hypothétiques. Une étude randomisée avec une population plus large et plus diversifiée devra être menée pour confirmer les résultats. Des études supplémentaires sont également nécessaires pour préciser quelles composantes de l’intervention sont essentielles à l’effet sur la charge de traitement et sur l’utilisation des soins et pour définir la place d’un entretien avec un facilitateur visant à identifier les objectifs personnels du patient étape par étape afin de les communiquer au prestataire de soins en charge du traitement. 

 

Que disent les guides de pratique clinique?

Il n’existe actuellement pas de guide de pratique clinique traitant las soins axés sur le patient.

 

Conclusion

Cette étude interventionnelle non randomisée tend à montrer que, par comparaison avec la prise en charge habituelle des patients atteints de multimorbidité, l’identification, la communication et la prestation de soins conformément aux objectifs personnels du patient peuvent réduire la charge de traitement du patient et éviter des soins non souhaités. Une étude randomisée est nécessaire pour confirmer les résultats de cette étude.

 

 

Références 

  1. Boeckxstaens P. Planification de soins personnalisés en cas de maladie chronique ? MinervaF 2015;14(10):124-5.
  2. Coulter A, Entwistle VA, Eccles A, et al. Personalised care planning for adults with chronic or long-term health conditions. Cochrane Database Syst Rev 2015, Issue 3. DOI: 10.1002/14651858.CD010523.pub2
  3. Tinetti ME, Naik AD, Dindo L, et al. Association of patient priorities-aligned decision-making with patient outcomes and ambulatory health care burden among older adults with multiple chronic conditions: a nonrandomized clinical trial. JAMA Intern Med 2019;179:1688-97. DOI: 10.1001/jamainternmed.2019.4235
  4. Bertakis KD, Azari R. Patient-centered care is associated with decreased health care utilization. J Am Board Fam Med 2011;24:229-39. DOI: 10.3122/jabfm.2011.03.100170
  5. Callahan EJ, Bertakis KD. Development and validation of the Davis Observation Code. Fam Med 1991;23:19-24.

 

 


Auteurs

Boeykens D.
Vakgroep Revalidatiewetenschappen, UGent; Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Van de Velde D.
Vakgroep Revalidatiewetenschappen, UGent
COI :

De Vriendt P.
Vakgroep Gerontologie, Frailty in Ageing (FRIA) research onderzoeksgroep, VUB; Departement ergotherapie, Artevelde Hogeschool; Vakgroep Revalidatiewetenschappen, UGent
COI :

De Sutter A.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

Pype P.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent; End-of-life Care Research Group, VUB-UGent
COI :

Boeckxstaens P.
Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg, UGent
COI :

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