Analyse


Utilité des biomarqueurs dans le diagnostic de pneumonie en ambulatoire


15 03 2021

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Ebell M, Bentivegna M, Cai X, et al. Accuracy of biomarkers for the diagnosis of adult community-acquired pneumonia: a meta-analysis. Acad Emerg Med 2020;27:195-206. DOI: 10.1111/acem.13889


Conclusion
Cette synthèse méthodique et méta-analyse d’études de cohortes prospectives, de qualité bonne à modérée, comparant la valeur diagnostique de différents biomarqueurs et celle de la radiographie des poumons ou du scanner du thorax chez des patients présentant des symptômes d’infection respiratoire aiguë et/ou une suspicion de pneumonie, montre que la valeur diagnostique d’un taux de CRP < 20 mg/l semble être supérieure à celle de la PCT ou de la leucocytose pour exclure une pneumonie. Les résultats de cette synthèse méthodique et méta-analyse ne modifient pas les guides de pratique clinique actuels.



Minerva a déjà discuté de la valeur diagnostique de la protéine C réactive (CRP) comme examen complémentaire à l’anamnèse et à l’examen clinique pour le diagnostic d’une pneumonie chez les patients présentant une infection des voies respiratoires inférieures (1,2). Une étude ultérieure a confirmé la force excluante de la CRP dans ce contexte (3). Une étude avec randomisation par grappe, contrôlée, à laquelle Minerva a également consacré une discussion, a montré que l’utilisation d’un test rapide pour la détermination du taux de CRP par le médecin généraliste en cas de suspicion clinique d’infection des voies respiratoires inférieures réduisait considérablement le nombre de prescriptions d’antibiotiques sans compromettre la récupération clinique et la satisfaction des patients (4,5). La procalcitonine (PCT), précurseur de la calcitonine, est également mentionnée comme biomarqueur pour la détection (précoce) des infections bactériennes. Une synthèse méthodique et méta-analyse, discutée dans Minerva, a montré, mais de manière peu convaincante, qu’une stratégie de prescription d’antibiotiques s’appuyant sur la PCT conduisait à une diminution de la mortalité et à une réduction de l’exposition aux antibiotiques. En soins primaires, il n’a pas été possible d’analyser l’effet sur la mortalité, mais on y a observé une diminution de la prescription d’antibiotiques en cas de bronchite (6,7), s’expliquant peut-être par la rapidité de l’expression de la PCT en cas d’infection bactérienne (augmentation attendue après 2 à 4 heures avec un pic après 8 à 14 heures contrairement à l’augmentation attendue après 12 heures avec un pic après 20 à 72 heures pour la CRP (8)). En unité de soins intensifs, on a observé que la détermination de la PCT permettait une diminution de la mortalité et une réduction de la durée des traitements antibiotiques (6,7).

 

Une nouvelle synthèse méthodique et méta-analyse entend examiner de nouveau la précision des biomarqueurs (leucocytose, CRP, PCT) dans le diagnostic de pneumonie communautaire chez l’adulte (9). Après une recherche dans la littérature dans PubMed, complétée par une recherche manuelle dans les listes bibliographiques des études et synthèses méthodiques identifiées, 14 études de cohorte (toutes prospectives sauf une) ont été sélectionnées, avec un risque de biais faible à modéré selon QUADAS-2. Les études datent de la période de 1986 à 2016, soit avant la pandémie de Covid-19. Le rapport entre les études sur les admissions en urgence et les études menées en première ligne était de 50/50. Elles totalisent 6599 patients présentant des symptômes d’infection respiratoire aiguë et/ou une suspicion de pneumonie suite à la demande d’une radiographie des poumons ou d’un scanner thoracique. Les études ne pouvaient être incluses que si elles comparaient au moins un biomarqueur comme test d’étude et une radiographie des poumons ou un scanner thoracique comme test de référence. Un infiltrat à l’imagerie est généralement accepté comme le signe par excellence permettant le diagnostic de pneumonie et l’instauration d’un traitement antibiotique (10,11) - hors Covid-19. La radio des poumons ne permet toutefois pas de faire la distinction entre une pneumonie « typique » et une pneumonie « atypique ». Mais cela n’a aucune implication dans la pratique à l’heure actuelle - encore une fois hors Covid-19 - car des antibiotiques sont indiqués dans toute pneumonie (définie par la présence d’un infiltrat à la radiographie des poumons), même si on trouve un agent viral (à l’exception du SARS-CoV-2). Dans de nombreux cas, en effet, il s’agit d’une co-infection, comme la grippe et le pneumocoque. Les études étaient exclues si elles incluaient des patients présentant une dyspnée ou une septicémie plutôt qu’une suspicion de pneumonie communautaire, ou si elles incluaient uniquement des patients d’une population spécifique, tels que des patients immunodéprimés, des patients VIH, des patients atteints de pneumopathie chronique ou des patients résidant en institution. Les études portant sur la pneumonie nosocomiale ou le diagnostic d’un agent pathogène spécifique (comme le mycoplasme ou la légionelle) ont également été exclues.

Une courbe ROC a été utilisée pour visualiser la précision diagnostique des différents biomarqueurs. L’aire sous la courbe (ASC) était de 0,8 (avec IC à 95% de 0,78 à 0,85) pour la CRP, de 0,78 (avec IC à 95% de 0,74 à 0,81) pour la leucocytose et de 0,77 (avec IC à 95% de 0,74 à 0,81) pour la PCT. Dans l’ensemble, on a observé, tant avec la CRP qu’avec la PCT, une augmentation de la force probante (rapport de vraisemblance positif (LR+)) et une diminution de la force excluante (1/LR-) lorsque l’on utilisait des valeurs seuils plus élevées. On avait ainsi un LR+ de 5,79 (avec IC à 95% de 3,49 à 9,07 ; N = 6 études) pour une CRP > 100 mg/l et un LR+ de 8,25 (avec IC à 95% de 1,85 à 28,20 ; N = 4 études) pour une PCT > 0,5 µg/l. Pour une CRP < 20 mg/l, le LR- était de 0,32 (avec IC à 95% de 0,21 à 0,45 ; N = 6 études) soit une force excluante (1/LR-) de 3,12 (avec IC à 95% de 2,22 à 4,76). Pour exclure une pneumonie, la PCT a obtenu un moins bon score que la CRP pour diverses valeurs seuils. Le LR- était ainsi de 0,39 (avec IC à 95% de 0,20 à 0,63 ; N = 3 études) pour une PCT < 0,1 µg/l. Une leucocytose de 9,5 à 10,5 x 109 globules blancs/l avait un LR+ de seulement 3,15 (avec IC à 95% de 2,46 à 3,97) et un LR- défavorablement élevé de 0,54 (avec IC à 95% de 0,42 à 0,66) (N = 5 études).

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

D’après les recommandations de la Société néerlandaise des médecins généralistes (NHG), chez un adulte modérément malade chez qui l’on suspecte une pneumonie sur la base de l’anamnèse et de l’examen clinique (constatation d’une toux nouvellement apparue ou s’aggravant, avec signes d’essoufflement (dyspnée, tachypnée), tachycardie, respiration sifflante, douleur thoracique ou anomalies à l’auscultation pulmonaire et symptômes généraux comme de la fièvre > 38 °C, de la transpiration, des céphalées, de la diarrhée ou des douleurs musculaires), il est utile de réaliser un test rapide de détermination du taux de CRP (10,11). En cas de CRP < 20 mg/l, un traitement antibiotique n’est pas indiqué car il s’agit très probablement d’une infection respiratoire non compliquée (10,11). En cas de CRP > 100 mg/l, on est sans doute devant une pneumonie, et il est donc indiqué de prescrire des antibiotiques (10,11). Si le taux de CRP se situe entre 20 et 100 mg/l, on envisagera un antibiotique en présence d’autres facteurs de risque d’évolution compliquée (âge > 75 ans, insuffisance cardiaque, BPCO sévère, diabète sucré insulino-dépendant, affection neurologique, insuffisance rénale sévère, immunodéficience) (10).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique et méta-analyse d’études de cohortes prospectives, de qualité bonne à modérée, comparant la valeur diagnostique de différents biomarqueurs et celle de la radiographie des poumons ou du scanner du thorax chez des patients présentant des symptômes d’infection respiratoire aiguë et/ou une suspicion de pneumonie, montre que la valeur diagnostique d’un taux de CRP < 20 mg/l semble être supérieure à celle de la PCT ou de la leucocytose pour exclure une pneumonie. Les résultats de cette synthèse méthodique et méta-analyse ne modifient pas les guides de pratique clinique actuels.

 

 

Références 

  1. Hopstaken RM, Muris JW, Knottnerus JA, et al. Contributions of symptoms, signs, erythrocyte sedimentation rate, and C-reactive protein to a diagnosis of pneumonia in acute lower respiratory tract infection. Br J Gen Pract 2003;53:358-64.
  2. Coenen S. Le diagnostic de pneumonie. MinervaF 2004;3(2):24-6.
  3. Van Vugt SF, Broekhuizen BD, Lammens C, et al; GRACE consortium. Use of serum C reactive protein and procalcitonin concentrations in addition to symptoms and signs to predict pneumonia in patients presenting to primary care with acute cough: diagnostic study. BMJ 2013;346:f2450. DOI: 10.1136/bmj.f2450
  4. De Sutter A. Limiter la prescription d’antibiotiques en mesurant la CRP et par un apprentissage de la communication ? MinervaF 2010;9(6):70-1.
  5. Cals JW, Butler CC, Hopstaken RM, et al. Effect of point of care testing for C reactive protein and training in communication skills on antibiotic use in lower respiratory tract infections: cluster randomised trial. BMJ 2009;338:b1374. DOI: 10.1136/bmj.b1374
  6. Verbakel JY. Administrer des antibiotiques selon le dosage de procalcitonine : stratégie sûre ? MinervaF 2018;17(8):103-6.
  7. Schuetz P, Wirz Y, Sager R, et al. Effect of procalcitonin-guided antibiotic treatment on mortality in acute respiratory infections: a patient level meta-analysis. Lancet Infect Dis 2018;18:95-107. DOI: 10.1016/S1473-3099(17)30592-3
  8. Taylor R, Jones A, Kelly S, et al. A review of the value of procalcitonin as a marker of infection. Cureus 2017;9: e1148. DOI: 10.7759/cureus.1148
  9. Ebell M, Bentivegna M, Cai X, et al. Accuracy of biomarkers for the diagnosis of adult community-acquired pneumonia: a meta-analysis. Acad Emerg Med 2020;27:195-206. DOI: 10.1111/acem.13889
  10. Verheij TJ, Hopstaken RM, Prins JM, et al. Acuut hoesten. NHG-Standaard (M78) 2011.
  11. Pneumopathie. Duodecim Medical Publications. Dernière mise à jour 20/03/2017. Dernière révision contextuelle: 14/04/2019.

 

 

 




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