Analyse


Dans l’exacerbation aiguë de BPCO, que penser de la prescription d’antibiotiques déterminée en fonction du taux de CRP ?


15 03 2021

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Butler CC, Gillespie D , White P, et al. C-reactive protein testing to guide antibiotic prescribing for COPD exacerbations. N Engl J Med 2019;381:111-20. DOI: 10.1056/NEJMoa1803185


Conclusion
Cette étude randomisée, contrôlée, en ouvert, multicentrique, qui a été menée correctement d’un point de vue méthodologique, chez des patients atteints de BPCO qui ont consulté leur médecin généraliste pour une exacerbation aiguë de la BPCO montre que moins d’antibiotiques sont prescrits et utilisés lorsque la décision de prescrire ou non des antibiotiques s’appuie sur le résultat d’un test rapide de détermination du taux de CRP. Cette réduction de la consommation d'antibiotiques n'est pas associée à une diminution de l'état de santé lié à la BPCO.



Nous fondant sur une synthèse méthodique de la Collaboration Cochrane, nous avons conclu dans Minerva que l’utilité des antibiotiques dans le traitement des exacerbations aiguës de BPCO chez les patients ambulants était faible et incertaine (1,2). Nous avons aussi signalé que de nouvelles études étaient nécessaires pour identifier les signes cliniques et les biomarqueurs qui pouvaient aider à estimer l’avantage éventuel des antibiotiques dans une exacerbation de BPCO (1). La protéine C réactive (CRP), en tant que protéine de la phase aiguë, peut étayer le diagnostic d’exacerbation aiguë de BPCO (3). La réponse CRP se produit assez rapidement après l’inflammation, mais la CRP est un marqueur inflammatoire relativement aspécifique ; elle peut augmenter autant dans des pathologies aiguës que chroniques, et elle n’indique pas nécessairement une infection (bactérienne). Ce marqueur a toutefois l’avantage d’être facilement disponible, éventuellement même comme test sur le lieu de soins.

 

Une étude randomisée, contrôlée, en ouvert, multicentrique (4) a comparé deux stratégies de traitement, selon qu’il était ou non tenu compte du résultat quantitatif d’un test rapide de détermination du taux de CRP, chez 649 patients BPCO connus ayant consulté leur médecin généraliste pour une exacerbation aiguë de la BPCO avec présence d’au moins un critère d’Anthonisen* (5). Si la CRP était supérieure à 40 mg/l ou supérieure à 20mg/l avec présence d’expectorations purulentes, il était recommandé de prescrire un antibiotique. Un antibiotique n’était pas recommandé pour une CRP < 20 mg/l. L’âge moyen des patients inclus était de 68,1 ans (ET 9,42 ans) ; 11% étaient au stade GOLD I, 55% au stade II, 28% au stade III et 6% au stade IV ; 45% présentaient trois critères d’Anthonisen, 31% en présentaient deux, et 24% un seul. Respectivement 2 et 4 semaines après la randomisation, les patients ont été invités à remplir le Clinical COPD Questionnaire (questionnaire clinique sur la BPCO) et à déclarer leur utilisation d’antibiotiques (critères de jugement principaux). Le taux d’abandon était faible, de sorte que la puissance était suffisante pour démontrer une différence dans ces critères de jugement principaux. Dans le groupe dosage de CRP, un test rapide de détermination de la CRP a été réalisé chez 97,5% des patients, et il était inférieur à 20 mg/l dans 76% des cas. Lors de la première consultation des patients de ce groupe, des antibiotiques ont été prescrits respectivement chez 32,8% de ceux ayant une CRP < 20 mg/l, chez 84,2% de ceux ayant une CRP se situant entre 20 et 40 mg/l et chez 94,7% de ceux ayant une CRP > 40 mg/l.

On a observé, après 4 semaines de suivi, un moindre recours aux antibiotiques dans le groupe dosage de CRP que dans le groupe contrôle (150/263 (57%) contre 212/274 (77,4%) ; RC de 0,31 avec IC à 95% de 0,20 à 0,47). La différence en termes d’utilisation des antibiotiques n’était statistiquement significative que chez les patients avec au moins deux critères d’Anthonisen. Tant lors de la première consultation que pendant la période de 4 semaines après la randomisation, les prescriptions d’antibiotiques étaient moins nombreuses, et ce de manière statistiquement significative, dans le groupe dosage de CRP que dans le groupe contrôle (critères de jugement secondaires). Après deux semaines, le score au Clinical COPD Questionnaire (critère de jugement primaire) était meilleur, et ce de manière statistiquement significative, dans le groupe dosage de CRP que dans le groupe contrôle (-0,19 point avec IC à 90% de -0,33 à -0,05), preuve de la non-infériorité, mais cette différence n'était cliniquement pas pertinente. L’analyse des deux critères de jugement principaux a été conduite selon un modèle d’analyse en intention de traiter modifiée (incluant tous les patients randomisés pour qui le résultat était connu). En raison de la conception de l’étude en ouvert, nous devons également prendre en compte le fait que ne pas recevoir d’antibiotiques en cas de taux de CRP faible pourrait inciter le patient à demander un avis supplémentaire lors d’une nouvelle consultation. On n’a pas observé de différence entre les deux groupes quant au nombre de consultations chez le médecin généraliste et chez le spécialiste. Il n’y avait pas non plus de différence cliniquement pertinente concernant le nombre de diagnostics de pneumonie, l’utilisation d’autres médicaments comme des glucocorticoïdes oraux, l’état général et la microbiologie des expectorations. Après six mois, l’évolution ne paraissait pas différente non plus en termes d’hospitalisation ou de prise de médicaments.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Il n’est généralement pas indiqué de prescrire des antibiotiques en cas d’exacerbation aiguë d’une BPCO (GRADE 1A). Les indications des antibiotiques sont les suivantes : stade GOLD D ; maladie généralisée sévère et fièvre > 38 °C ; nette augmentation du volume d’expectorations très purulentes (GRADE 2C) ; amélioration insuffisante après deux à quatre jours malgré une bronchodilatation maximale et la prise de glucocorticoïdes oraux ; CRP > 40 mg/l ou CRP 20-40 mg/l + présence d’expectorations purulentes (6).

 

Conclusion

Cette étude randomisée, contrôlée, en ouvert, multicentrique, qui a été menée correctement d’un point de vue méthodologique, chez des patients atteints de BPCO qui ont consulté leur médecin généraliste pour une exacerbation aiguë de la BPCO montre que moins d’antibiotiques sont prescrits et utilisés lorsque la décision de prescrire ou non des antibiotiques s’appuie sur le résultat d’un test rapide de détermination du taux de CRP. Cette réduction de la consommation d'antibiotiques n'est pas associée à une diminution de l'état de santé lié à la BPCO.

 

*augmentation de la dyspnée, augmentation du volume des expectorations, augmentation de la purulence des expectorations.

 

 

Références 

  1. Verbakel JY. Quelle est l’utilité des antibiotiques dans les exacerbations de BPCO ? Minerva bref 15/10/2019.
  2. Vollenweider DJ, Frei A, Steurer-Stey CA, et al. Antibiotics for exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2018, Issue 10. DOI: 10.1002/14651858.CD010257.pub2
  3. Hurst JR, Donaldson GC, Perera WR, et al. Use of plasma biomarkers at exacerbation of chronic obstructive pulmonary disease. Am J Respir Crit Care Med 2006;174:867-74. DOI: 10.1164/rccm.200604-506OC
  4. Butler CC, Gillespie D , White P, et al. C-reactive protein testing to guide antibiotic prescribing for COPD exacerbations. N Engl J Med 2019;381:111-20. DOI: 10.1056/NEJMoa1803185
  5. Anthonisen NR, Manfreda J, Warren CP, et al. Antibiotic therapy in exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Ann Intern Med 1987;106:196-204. DOI: 10.7326/0003-4819-106-2-196
  6. BAPCOC. Guide belge de traitement anti-infectieux en pratique ambulatoire. Edition 2021, disponible sur le site www.cbip.be.

Auteurs

Van Braeckel E.
dienst Longziekten, UZ Gent
COI :

Claus B.
Vakgroep Farmaceutische Analyse, Faculteit Farmaceutische Wetenschappen, UGent; Apotheek, UZ Gent
COI :

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