Analyse


Que penser des interventions psychologiques comme alternative ou comme traitement d’appoint aux antidépresseurs pour prévenir la récidive de la dépression ?


18 12 2021

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien, Psychologue
Analyse de
Breedvelt JJ, Brouwer ME, Harrer M, et al. Psychological interventions as an alternative and add-on to antidepressant medication to prevent depressive relapse: systematic review and meta-analysis. Br J Psychiatry 2020:1-8. DOI: 10.1192/bjp.2020.198


Conclusion
Cette synthèse méthodique et méta-analyse de 11 études randomisées contrôlées de qualité méthodologique indéterminée montre que, chez les patients présentant un risque accru de rechute de dépression, il n’y a pas de différence quant au risque de rechute entre la poursuite du traitement par antidépresseurs et l’arrêt ou la diminution progressive des médicaments en association avec une psychothérapie. Lorsque les antidépresseurs sont associés à une psychothérapie, le risque de récidive est plus faible que si l’on se contente de continuer les antidépresseurs.



La dépression majeure est associée à un taux de récidive élevé. Après un premier épisode, 35 à 60% des patients rechutent (1,2), et, après chaque rechute, le risque augmente de 16% (2). Pour réduire le risque de récidive, il est donc recommandé de poursuivre le traitement par antidépresseurs pendant au moins 6 mois et, chez les personnes à risque accru de rechute, pendant au moins 2 ans (3). En pratique, cependant, les patients se demandent souvent s’il est possible de diminuer ou même d’arrêter leurs antidépresseurs. D’où la question de savoir dans quelle mesure les interventions psychologiques peuvent être un outil de prévention des rechutes après l’arrêt ou la diminution progressive des antidépresseurs. En 2010, Minerva a discuté des résultats d’une étude randomisée contrôlée qui montrait que la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience était une alternative possible à la poursuite du traitement antidépresseur pour la prévention des récidives chez les patients souffrant de dépression récurrente (4,5).

 

Une récente synthèse méthodique et méta-analyse a examiné l’effet des interventions psychologiques comme alternative (après l’arrêt des antidépresseurs ou au cours de leur diminution progressive) ou comme traitement d’appoint aux antidépresseurs par rapport au traitement antidépresseur à long terme pour prévenir la récidive de la dépression (6). À partir de quatre bases de données (Embase, la bibliothèque Cochrane, PubMed et PsychInfo), complétées par des listes de références et de précédentes synthèses méthodiques, deux chercheurs, indépendamment l’un de l’autre, ont sélectionné 11 études randomisées contrôlées totalisant 1559 patients. L’âge moyen était de 40 à 62 ans, et la plupart des patients inclus présentaient un risque élevé de récidive (54% des études avaient inclus des patients ayant ≥ 3 épisodes de dépression dans leurs antécédents, 27% ≥ 2 et 18% ≥ 1). L’extraction des données a été effectuée par trois investigateurs, de même que l’évaluation de la qualité méthodologique. Pour ce faire, ils ont utilisé 6 (des 9) domaines de l’outil Cochrane « risque de biais », complétés par 6 critères choisis arbitrairement (tels qu’analyse en intention de traiter, groupes égaux…). On ne sait pas dans quelle mesure ces critères supplémentaires avaient été validés. Il faut donc porter un regard critique sur l’affirmation des auteurs selon laquelle 7 études sont de haute qualité méthodologique parce qu’elles présentent un faible risque de biais pour au moins 6 des 12 critères. En raison de la nature de l’intervention, il était difficile voire impossible de mener ces études en aveugle, et, dans toutes les études, le risque de biais de performance était élevé ou indéterminé. Pour les autres domaines de l’outil Cochrane « risque de biais », le risque de biais était également souvent élevé ou incertain. Dans un tiers des études, la randomisation n’était pas en insu du chercheur qui devait évaluer la récidive de la dépression avec un instrument de diagnostic clinique (l’un des critères d’inclusion).

Il n’y avait pas de différence statistiquement significative quant au risque de rechute entre les interventions psychologiques sans médicament et les antidépresseurs seuls (RR de 1,02 avec IC à 95% de 0,84 à 1,25 ; p = 0,85 ; N = 6 études ; n = 948 ; I² = 51%). Pour ce résultat, le test d’Egger n’a pas permis d’identifier de biais de publication. Une analyse de sous-groupe de 5 études (n = 840) qui comparaient la diminution progressive des antidépresseurs associée à une psychothérapie par rapport à des antidépresseurs en monothérapie n’a pas non plus pu montrer un risque de rechute statistiquement significatif. Cependant, une méta-analyse de 7 études (n = 611) qui comparaient l’association d’une intervention psychologique avec des antidépresseurs par rapport à des antidépresseurs seuls a pu montrer une diminution du risque de rechute statistiquement significative de 15% (RR de 0,85 avec IC à 95% de 0,74 à 0,97 ; p = 0,01). Il peut y avoir eu un biais de publication, mais cela n’a eu aucune influence sur le résultat. En raison du petit nombre d’études, il n’a pas été possible d’effectuer une analyse de sous-groupes selon le type d’intervention psychologique. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour déterminer quelle intervention est la plus efficace pour prévenir les rechutes (thérapie cognitivo-comportementale, thérapie cognitivo-comportementale basée sur la pleine conscience, thérapie interpersonnelle). Enfin, mentionnons également que seules deux études ont été menées dans un cabinet de médecine générale (au Royaume-Uni).

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Pour éviter les récidives après un premier épisode de dépression majeure, il est recommandé de poursuivre le traitement antidépresseur pendant au moins six mois après une bonne réponse au traitement initial (5). Les patients qui ont des antécédents récents de dépression récurrente (où ils ont éprouvé d’importantes difficultés de fonctionnement), qui présentent des symptômes résiduels ou qui ont des antécédents d’épisodes dépressifs sévères ou prolongés, chez qui une rechute aurait des conséquences graves (par exemple, tentative de suicide, perte de fonction, incapacité à travailler…) présentent un risque accru de rechute, et il est recommandé de poursuivre le traitement à la même dose pendant au moins deux ans (5).

 

Conclusion

Cette synthèse méthodique et méta-analyse de 11 études randomisées contrôlées de qualité méthodologique indéterminée montre que, chez les patients présentant un risque accru de rechute de dépression, il n’y a pas de différence quant au risque de rechute entre la poursuite du traitement par antidépresseurs et l’arrêt ou la diminution progressive des médicaments en association avec une psychothérapie. Lorsque les antidépresseurs sont associés à une psychothérapie, le risque de récidive est plus faible que si l’on se contente de continuer les antidépresseurs.

 

 

Références 

  1. Eaton WW, Shao H, Nestadt G, et al. Population-based study of first onset and chronicity in major depressive disorder. Arch Gen Psychiatry 2008;65:513-20. DOI: 10.1001/archpsyc.65.5.513. Erratum in: Arch Gen Psychiatry 2008;65:838.
  2. Solomon DA, Keller MB, Leon AC, et al. Multiple recurrences of major depressive disorder. Am J Psychiatry 2000;157:229-33. DOI: 10.1176/appi.ajp.157.2.229
  3. Pieters G. Prévention d’une rechute de dépression par une thérapie cognitive basée sur la pleine conscience ? MinervaF 2010;9(3):32-3.
  4. Kuyken W, Byford S, Taylor RS, et al. Mindfulness-based cognitive therapy to prevent relapse in recurrent depression. J Consult Clin Psychol 2008;76:966-78. DOI: 10.1037/a0013786
  5. Depressie bij volwassenen. Ebpracticenet. Domus Medica 2/03/2014. Laatste update: 25/03/2016.
  6. Breedvelt JJ, Brouwer ME, Harrer M, et al. Psychological interventions as an alternative and add-on to antidepressant medication to prevent depressive relapse: systematic review and meta-analysis. Br J Psychiatry 2020:1-8. DOI: 10.1192/bjp.2020.198

 


Auteurs

Catthoor K.
psychiater psychosezorg ZNA PZ Stuivenberg, voorzitter Vlaamse Vereniging voor Psychiatrie
COI :

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