Analyse


Etendre les indications du dispositif intra-utérin au levonorgestrel chez des femmes jeunes


23 02 2022

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Schwartz BI, Alexander M, Breech LL. Levonorgestrel intrauterine device use for medical indications in nulliparous adolescents and young adults. J Adolesc Health 2021;68:357-63 DOI: 10.1016/j.jadohealth.2020.05.041


Question clinique
Quels sont les bénéfices et risques associés à l’utilisation chez les adolescentes nullipares et jeunes adultes d’un DIU au levonorgestrel pour des indications médicales non contraceptives ?


Conclusion
Cette étude descriptive, de faible qualité méthodologique en raison de son protocole observationnel, de sa population sélectionnée, des potentiels conflits d’intérêts et d’un manque de données à long terme, suggère que les DIU au levonorgestrel présentent un rapport bénéfices-risques plutôt favorable lorsqu’ils sont utilisés à visée non contraceptive pour différentes conditions médicales chez les nullipares < ou = à 22 ans. Ces observations vont dans le sens des recommandations actuelles. Au vu du faible nombre de jeunes patientes encore porteuses d’un DIU après 5 ans dans cette étude, il existe un doute sur leur bonne tolérance à long terme. De nouvelles études plus solides sont donc nécessaires.



 

Contexte

Une analyse de Minerva (1) publiée en 2013 montrait qu’un dispositif intra-utérin (DIU) au lévonorgestrel était un traitement plus efficace contre les métrorragies et leurs conséquences sur la qualité de vie que des soins courants (2). Selon une étude de cohorte (3) de bonne qualité méthodologique analysée par Minerva (4) en 2016, il s’avère que cette méthode contraceptive à longue durée d’action assure une meilleure continuité de la contraception et est financièrement rentable chez les femmes jeunes. Cependant, selon une étude finlandaise sur registres publiée en 2016 (5) et analysée par Minerva (6), l’utilisation de ces DIU est associée à un risque de cancer du sein significativement plus élevé tant pour les formes canalaires (x 1,2) que lobulaires (x 1,33). Concernant l’utilisation des DIU pour des indications non contraceptives, les données, notamment de sécurité, manquent encore (7).

 

 

Résumé

 

Population étudiée

  • les auteurs ont examiné la base de données d’un centre de soins tertiaires pédiatriques (Le Cincinnati Children's Hospital Medical Center) (7)
  • ils ont recensé 231 DIU, placés entre le 01 juillet 2004 et le 30 juin 2014, chez 219 femmes nullipares âgées de 22 ans ou moins, dont l’indication primaire principale pour la pose du DIU au levonorgestrel est non contraceptive (ex : ménométrorragies, dysménorrhée et douleurs abdominales chroniques); toutes les patientes ont reçu la pose d’un (ou plusieurs) DIU au levonorgestrel 52 mg, dont la durée d’utilisation est de 5 ans
  • les critères d’exclusion étaient une indication primaire de pose de DIU à visée contraceptive, les échecs de pose de DIU, les poses de DIU chez des personnes en situation de handicap physique, intellectuel ou développemental.

 

Protocole d’étude

  • étude descriptive et rétrospective
  • à partir de ces données recueillies sur dossier, les auteurs ont procédé à une analyse statistique descriptive.

 

Mesures des résultats

  • les auteurs ont observé l’occurrence de plusieurs effets : l’évolution du flux menstruel, présence ou non de douleurs abdominales ou pelviennes associées, taux de continuation chaque année, survenue d’aménorrhée année par année, autres effets secondaires survenus après la pose : grossesse, PID (endéans 20 jours de pose), expulsion, malposition et perforation utérine (endéans les 6 semaines après la pose).

 

Résultats

  • 81% des patientes avaient moins de saignements menstruels 1 an après la pose du DIU; 3% ont eu une augmentation des saignements
  • parmi les femmes ayant des dysménorrhées ou des douleurs pelviennes avant pose du DIU, 79% ont eu une amélioration à 1 an, 7% ont eu une aggravation des douleurs et 46 patientes ont eu un traitement pour majoration de saignements ou de douleurs pelviennes au-delà de la visite de contrôle à 6 semaines
  • le taux de continuation à un an était de 86% (sur les 171 patientes pour lesquelles des données de suivi étaient disponibles) ; le taux de continuation diminuait annuellement pour atteindre 35% à 5 ans
  • la moitié des patientes étaient en aménorrhée à 1 an et 13% à 2 ans
  • l’effet secondaire le plus fréquent était la présence de douleurs abdominales, pelviennes et des crampes pour 18% des patientes à 1 an, en diminution chaque année ; il y a eu 5% d’expulsion, dont 5 cas d’expulsion partielle et 6 expulsions complètes, ainsi que 1% de PID. Aucune perforation utérine ou grossesse n’ont été constatées.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que cette étude apporte des données probantes montrant que les DIU au levonorgestrel sont des traitements efficaces, bien tolérés, et sans danger pour les saignements menstruels chez les femmes jeunes nullipares, y compris les jeunes adolescentes et les celles qui n’ont jamais été sexuellement actives. Ils concluent que cette méthode est une excellente option en première ligne pour des indications à visée contraceptive et non contraceptive chez les femmes jeunes et les adolescentes, indépendamment de leur âge, leur parité et leur activité sexuelle.

 

Discussion

Évaluation de la méthodologie (validité interne)

Ce protocole descriptif rapporte l‘occurrence d’effets sans donner d’indications sur les répercussions fonctionnelles et la qualité de vie des patientes porteuses de ces DIU (ex : nombre de jours d’incapacité de travail pour saignements utérins après la pose du DIU etc). Certains critères de jugement sont subjectifs et auto-rapportés comme l’intensité des douleurs et l’évolution du flux menstruel. Aucune échelle validée n’a été utilisée pour évaluer ces 2 critères, rendant difficile l’évaluation de la pertinence clinique des différences observées.

La grille de qualité de Newcastle-Ottawa a été utilisée pour contrôler les biais. Un évaluateur unique a sélectionné les cas en lisant les dossiers médicaux pour assurer une cohérence et une surveillance. Le nombre de cas éligibles est représentatif de toutes les poses de DIU survenues dans l’hôpital durant la période étudiée. Les résultats sont comparés à toute la population de l’hôpital tertiaire ayant eu une pose de DIU pour une indication primaire non contraceptive et non à la population générale. L’étude définit clairement si l’intervention est survenue précédemment ou non, et de manière répétée ou non. Les critères démographiques de la population étudiée, les indications de pose de DIU, le lieu de pose, l’activité sexuelle, les comorbidités et la prise antérieure de contraceptifs hormonaux ont été analysés. La même méthode d’extraction des données a été utilisée pour l’ensemble de la population. La durée d’analyse a été suffisante pour étudier les effets attendus. Des données de suivi à 5 ans ne sont pas disponibles pour l’ensemble des critères de jugement étudiés mais pour 74% (171/231) des participantes pour le taux de continuation après 1an, 59% (138/231) pour les changements des saignements menstruels, et 31% (72/231) pour les dysménorrhées. Il est à noter que le taux de perdues de vue est important : ainsi, après 5 ans, les données de suivi ne sont plus disponibles que pour 46 patientes ; parmi celles-ci, seules 35% (soit 16 patientes) ont encore un DIU. Ceci remet évidemment en question la bonne tolérance des DIU sur le long terme.

A souligner également, le financement de l’étude assuré par Bayer, principal fabriquant des DIU au levonorgestrel. Ceci représente bien évidemment un risque de conflit d’intérêt notable.

 

Évaluation des résultats de l'étude (validité externe)

Aucun intervalle de confiance n’est donné pour préciser les résultats. La population étudiée n’est pas comparable à celle présente en première ligne car elle est issue d’un hôpital tertiaire, 61,5% des DIU ont été placés au bloc opératoire dans le cadre d’une intervention sous anesthésie générale. Le contexte socio-économique de ces personnes variait : 57,1% avaient une assurance privée, 38,1% une assurance publique et 1,7% ont payé elles-mêmes leur intervention.

Les résultats avancés par cette étude sont cohérents avec ceux obtenus dans d’autres guides de bonne pratique. Selon un guide HAS (8), les DIU au levonorgestrel sont utilisables chez les femmes jeunes en cas de saignements utérins abondants moyennant une mise en garde suffisante sur les effets secondaires possibles. Des précautions devraient être prises lors de la pose souvent douloureuse chez les nullipares. Selon un guide FSRH (9), les DIU au levonorgestrel sont des traitements validés des ménorragies et pourraient présenter des bénéfices secondaires sur les dysménorrhées secondaires liées à l’endométriose et à l’adénomyose.

 

Que disent les guides de pratique clinique?

Un guide FSRH (10) met en garde les soignants car leurs idées préconçues sur la pose et les risques du DIU pourrait être un obstacle à l’accès de cette contraception chez les femmes jeunes nullipares. En analysant toutes les données disponibles à ce jour, moins de 1% des poses de DIU sont suivies de complications. Aucune étude à ce jour ne recommandait un type de DIU particulièrement pour les femmes jeunes nullipares. L’âge et la parité ne doivent plus être les arguments faisant renoncer, à eux seuls, à la pose d’un DIU en l’absence d’autre contre-indication chez les femmes âgées de moins de 20 ans.

 

Conclusion de Minerva

Cette étude descriptive, de faible qualité méthodologique en raison de son protocole observationnel, de sa population sélectionnée, des potentiels conflits d’intérêts et d’un manque de données à long terme, suggère que les DIU au levonorgestrel présentent un rapport bénéfices-risques plutôt favorable lorsqu’ils sont utilisés à visée non contraceptive pour différentes conditions médicales chez les nullipares < ou = à 22 ans. Ces observations vont dans le sens des recommandations actuelles. Au vu du faible nombre de jeunes patientes encore porteuses d’un DIU après 5 ans dans cette étude, il existe un doute sur leur bonne tolérance à long terme. De nouvelles études plus solides sont donc nécessaires.

 

 

Références 

  1. La redaction Minerva. Stérilet avec lévonorgestrel pour les ménorragies: confirmation. Minerva bref 15/11/2013.
  2. Gupta J, Kai J, Middleton L, et al; ECLIPSE Trial Collaborative Group. Levonorgestrel intrauterine system versus medical therapy for menorrhagia. N Engl J Med 2013;368:128-37. DOI: 10.1056/NEJMoa1204724
  3. O’Neil-Callahan M, Peipert JF, Zhao Q, et al. Twenty-four-month continuation of reversible contraception. Obstet Gynecol 2013;122:1083-91. DOI: 10.1097/AOG.0b013e3182a91f45
  4. Verougstraete A. Contraception réversible de longue durée= méthode de choix? Minerva bref 07/04/2016.
  5. Soini T, Hurskainen R, Grenman S, et al. Levonorgestrel-releasing intrauterine system and the risk of breast cancer: a nationwide cohort study. Acta Oncol 2016;55:188-92. DOI: 10.3109/0284186X.2015.1062538
  6. Sculier JP. Dispositifs intra-utérins au lévonorgestrel et risque de cancer du sein? Minerva bref 15/09/2016.
  7. Schwartz BI, Alexander M, Breech LL. Levonorgestrel intrauterine device use for medical indications in nulliparous adolescents and young adults. J Adolesc Health 2021;68:357-63. DOI: 10.1016/j.jadohealth.2020.05.041
  8. Haute Autorité de Santé. Contraception chez la femme adulte et de l'adolescente en âge de procréer (hors post-partum et post-IVG). Saint-Denis La Plaine: HAS, 2019.
  9. FSRH Clinical Effectiveness Unit. FSRH clinical guideline: Contraceptive choices for young people. March 2010, amended May 2019. Available at: www.fsrh.org/standards-and-guidance/documents/cec-ceu-guidance-young-people-mar-2010/ (accessed 10 January 2022).
  10. FSRH Clinical Effectiveness Unit. FSRH clinical guideline: Intrauterine contraception. April 2015, amended September 2019. Available at: https://www.fsrh.org/standards-and-guidance/documents/ceuguidanceintrauterinecontraception/ (accessed 10 January 2022).

 




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