Analyse


Une meilleure régulation de la glycémie et une perte de poids plus importante avec le sémaglutide administré une fois par semaine au lieu de l’empagliflozine une fois par jour chez les patients atteints de diabète de type 2 ?


18 03 2022

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Lingvay I, Capehorn MS, Catarig A-M, et al. Efficacy of once-weekly semaglutide vs empagliflozine added to metformin in type 2 diabetes: patient-level meta-analysis. J Clin Endocrinol Metab 2020;105:e4593-e4604. DOI: 10.1210/clinem/dgaa577


Question clinique
Quel est l’effet de l’administration de sémaglutide 1 mg par voie sous-cutanée une fois par semaine comparée à la prise d’empagliflozine 25 mg per os une fois par jour chez les patients atteints de diabète de type 2 chez qui la metformine en monothérapie ne suffit pas pour réguler la glycémie ?


Conclusion
Cette analyse par méta-régression sur données individuelles des patients provenant de RCTs sélectionnées arbitrairement, qui a été correctement effectuée, démontre indirectement que le sémaglutide 1 mg par voie sous-cutanée une fois par semaine, comparé à l’empagliflozine 25 mg per os une fois par jour, entraîne une réduction plus importante, et ce de manière statistiquement significative, de l’HbA1c et du poids corporel chez les patients atteints de diabète de type 2 chez qui la metformine en monothérapie ne suffit pas pour réguler la glycémie. Avec une réduction de l'HbA1c de 0,6% avec le sémaglutide comparée à l'empagliflozine, une différence clinique pourrait théoriquement être montrée. Encore faudra-t-il le montrer dans une étude correctement menée d'un point de vue méthodologique.



Contexte

Les analogues du GLP-1 et les inhibiteurs du SGLT2 ont déjà fait l’objet de plusieurs discussions dans Minerva. L’étude SUSTAIN 8, une étude contrôlée randomisée multicentrique en double aveugle de bonne qualité méthodologique a montré que le sémaglutide entraînait une réduction plus importante de l’HbA1c et du poids que la canagliflozine, et ce de manière statistiquement significative, dans un groupe sélectionné de patients atteints de diabète de type 2 chez qui la metformine ne suffisait pas pour réguler la glycémie (1,2). On ne sait pas encore si ce résultat peut être extrapolé à une comparaison entre le sémaglutide et d’autres inhibiteurs du SGLT2, comme l’empagliflozine.

 

Résumé

 

Méthodologie

Comparaison indirecte avec analyse par méta-régression sur données individuelles des patients de 4 études

 

Études sélectionnées

  • 2 études randomisées contrôlées (randomized controlled trial, RCT) en double aveugle et une RCT en ouvert, comparant l’injection sous-cutanée de sémaglutide 1 mg une fois par semaine respectivement à l’injection sous-cutanée de sémaglutide 0,5 mg une fois par semaine ou à la sitagliptine 100 mg per os (SUSTAIN 2) (3), à la canagliflozine 300 mg per os (SUSTAIN 8) (4), à l’exénatide 2 mg sous-cutané (SUSTAIN 3) (5)
  • 1 RCT menée en ouvert comparant la prise orale d’empagliflozine 25 mg une fois par jour et la prise orale de sémaglutide 14 mg une fois par jour (PIONEER 2) (6).

 

Population étudiée

  • 1405 patients âgés en moyenne de 55,5 ans (ET 10,4 ans) à 57,8 ans (ET 10,0 ans), dont 47,4% à 49% de femmes, atteints de diabète de type 2, chez qui la metformine en monothérapie ne suffisait pas pour réguler la glycémie ; l’HbA1c était en moyenne de 8,2% (ET 1,0%) à 8,1% (ET 0,9%) ; le poids moyen était de 91,5 kg (ET 22,1 kg) à 91,3 kg (ET 20,1 kg).

 

Mesure des résultats

  • principal critère de jugement : modification de l’HbA1c et du poids corporel
  • critères de jugement secondaires : modification de l’IMC, du tour de taille, de la pression artérielle systolique et diastolique, des lipides et du DFG
  • analyse en intention de traiter
  • en fonction du critère de jugement, analyse par méta-régression avec correction pour tenir compte des valeurs à l’inclusion de l’HbA1c et du poids, de la durée du diabète de type 2, de la GFR, d’une hypothyroïdie, d’une insuffisance cardiaque, du statut tabagique, de l’âge, du sexe, de la race.

 

Résultats

  • le sémaglutide diminuait plus fortement, et ce de manière statistiquement significative l’HbA1c moyenne et le poids moyen par comparaison avec l’empagliflozine, avec une différence de 0,61% pour l’HbA1c (avec IC à 95% de -0,72 à -0,49) et de -1,65 kg (avec IC à 95% de -2,22 à -1,08) pour le poids ; p < 0,0001 pour les deux comparaisons
  • le sémaglutide, par comparaison avec l’empagliflozine, diminuait également de manière statistiquement significative le tour de taille, le taux de cholestérol total et le taux de cholestérol LDL (tous deux p < 0,0001) et le taux de triglycérides (p < 0,01)
  • avec l’empagliflozine, on a observé une diminution plus importante de la pression artérielle diastolique, et ce de manière statistiquement significative (p < 0,05), et une augmentation plus importante du taux de cholestérol HDL, et ce de manière statistiquement significative (p < 0,01)
  • il n’y avait pas de différence statistiquement significative entre le sémaglutide et l’empagliflozine quant à la tension artérielle systolique et la GFR.

 

Conclusion des auteurs

Cette comparaison indirecte suggère que le sémaglutide 1 mg par voie sous-cutanée une fois par semaine permet des réductions plus importantes de l’HbA1c et du poids corporel que l’empagliflozine 25 mg per os une fois par jour lorsqu’il est ajouté à la monothérapie par metformine chez les patients atteints de diabète de type 2.

 

Financement de l’étude

Novo Nordisk.

 

Conflits d’intérêt des auteurs

L’analyse et la rédaction de l’article ont été entièrement sponsorisées par Novo Nordisk

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Soulignons d’emblée qu’il ne s’agit pas d’une revue systématique. Les trois études sur le sémaglutide ont été sélectionnées arbitrairement sur la base du fait que les patients recevaient une dose fixe de metformine et que le suivi était de 52 à 56 semaines. Deux études incluaient aussi des patients qui prenaient un autre antidiabétique oral, mais ils n’ont pas été repris dans l’analyse. Ainsi, pour une étude, seuls 50% des patients inclus ont pu être utilisés. L’étude avec l’empagliflozine a été sélectionnée parce que c’était la seule étude ayant pour promoteur Novo Nordisk avec des données de patients disponibles pour l’empagliflozine qui n’avaient pas encore été directement comparées au sémaglutide dans une RCT. Immédiatement, c’était aussi la conception d’étude permettant de comparer indirectement deux molécules à partir des données individuelles de patients, alors que les études originales comparaient d’autres traitements (tels que le sémaglutide et la sitagliptine). Mais, contrairement à une analyse en réseau, il ne s’agit pas d’une comparaison indirecte de deux interventions qui ont été comparées à la même intervention dans deux études différentes (7). Une telle comparaison indirecte « non ancrée » présente donc un risque élevé de biais.

Afin d’éviter les biais au maximum, les éventuels facteurs de confusion pouvant avoir un impact sur le pronostic ou l’effet du traitement ont été identifiés avant l’analyse par méta-régression. Cette identification des facteurs de confusion potentiels s’est faite sur la base d’analyses de données statistiques, de consultations d’experts et de consultation de la littérature scientifique. En utilisant les données individuelles des patients, on pouvait apporter des corrections au niveau de chaque patient. Même si cela a été correctement réalisé, on ne peut garantir que tous les facteurs de confusion possibles aient été inclus dans l’analyse. Les caractéristiques des patients étaient comparables entre les trois études différentes portant sur le sémaglutide et entre les trois études portant sur le sémaglutide ensemble ainsi qu’entre elles et l’étude portant sur l’empagliflozine, mais, à d’autres égards, les études ne sont pas homogènes. Par exemple, il y avait une différence quant à l’insu (deux études étaient menées en ouvert et deux en double aveugle), une petite différence quant à la durée du suivi et une différence quant au critère de jugement principal pour l’HbA1c et le poids (56 semaines dans les trois études portant sur le sémaglutide et 26 semaines dans l’étude portant sur l’empagliflozine).

 

Interprétation des résultats

Le sémaglutide, par comparaison avec l’empagliflozine, a entraîné une diminution plus importante, et ce de manière statistiquement significative, de l’HbA1c de 0,61% et du poids corporel de 1,65 kg après deux ans. Avec une réduction de l'HbA1c de 0,6% avec le sémaglutide comparée à l'empagliflozine, une différence clinique pourrait théoriquement être montrée. Encore faudra-t-il le montrer dans une étude correctement menée d'un point de vue méthodologique. Les résultats sont globalement cohérents avec ceux d’une précédente méta-analyse en réseau comparant le sémaglutide à divers inhibiteurs du SGLT2 (8) et avec ceux des études primaires SUSTAIN 8 (4) et PIONEER 2 (5) comparant le sémaglutide respectivement à la canagliflozine et à l’empagliflozine.

 

Que disent les guides pour la pratique clinique ?

Dans son guide de pratique clinique, l’American Diabetes Association (9), par consensus, fait la recommandation suivante : après la metformine en première intention, si une seconde molécule est ajoutée, prendre en compte la comorbidité cardiovasculaire et rénale. Chez les patients atteints de diabète de type 2 présentant une maladie cardiovasculaire athéroscléreuse établie ou des signes de risque cardiovasculaire élevé, une maladie rénale établie ou une insuffisance cardiaque, on recommande un inhibiteur du SGLT2 ou un analogue du GLP-1, indépendamment de l’HbA1c et en tenant compte des facteurs spécifiques au patient (niveau de certitude des données probantes : A). Dans l’algorithme associé, les analogues du GLP-1 sont plutôt recommandés chez les patients présentant une maladie cardiovasculaire ou un risque élevé de maladie cardiovasculaire, tandis que les inhibiteurs du SGLT2 sont plutôt recommandés chez les patients présentant une insuffisance cardiaque (et une fraction d’éjection réduite) ou une néphropathie chronique (avec ou sans maladie cardiovasculaire établie). Ces recommandations sont étayées par une récente revue parue dans The Lancet qui tient compte des données probantes les plus récentes (10).

 

Conclusion de Minerva

Cette analyse par méta-régression sur données individuelles des patients provenant de RCTs sélectionnées arbitrairement, qui a été correctement effectuée, démontre indirectement que le sémaglutide 1 mg par voie sous-cutanée une fois par semaine, comparé à l’empagliflozine 25 mg per os une fois par jour, entraîne une réduction plus importante, et ce de manière statistiquement significative, de l’HbA1c et du poids corporel chez les patients atteints de diabète de type 2 chez qui la metformine en monothérapie ne suffit pas pour réguler la glycémie. Avec une réduction de l'HbA1c de 0,6% avec le sémaglutide comparée à l'empagliflozine, une différence clinique pourrait théoriquement être montrée. Encore faudra-t-il le montrer dans une étude correctement menée d'un point de vue méthodologique.

 

 

Références 

  1. Goderis G. Une meilleure régulation de la glycémie avec l’association sémaglutide + metformine plutôt que canagliflozine + metformine ? Minerva bref 16/10/2020.
  2. Lingvay I, Catarig AM, Frias JP, et al. Efficacy and safety of once-weekly semaglutide versus daily canagliflozin as add-on to metformin in patients with type 2 diabetes (SUSTAIN 8): a double-blind, phase 3b, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:834-44. DOI: 10.1016/S2213-8587(19)30311-0
  3. Ahrén B, Masmiquel L, Kumar H, et al. Efficacy and safety of once-weekly semaglutide versus once-daily sitagliptin as an add-on to metformin, thiazolidinediones, or both, in patients with type 2 diabetes (SUSTAIN 2): a 56-week, double-blind, phase 3a, randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2017;5:341-54. DOI: 10.1016/S2213-8587(17)30092-X
  4. Lingvay I, Catarig AM, Frias JP, et al. Efficacy and safety of once-weekly semaglutide versus daily canagliflozin as add-on to metformin in patients with type 2 diabetes (SUSTAIN 8): a double-blind, phase 3b, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019;7:834-44. DOI: 10.1016/S2213-8587(19)30311-0
  5. Ahmann AJ, Capehorn M, Charpentier G, et al. Efficacy and safety of once-weekly semaglutide versus exenatide ER in subjects with type 2 diabetes (SUSTAIN 3): a 56-week, open-label, randomized clinical trial. Diabetes Care 2018;41:258-66. DOI: 10.2337/dc17-0417
  6. Rodbard HW, Rosenstock J, Canani LH, et al; PIONEER 2 Investigators. Oral semaglutide versus empagliflozin in patients with type 2 diabetes uncontrolled on metformin: the PIONEER 2 trial. Diabetes Care 2019;42:2272-81. DOI: 10.2337/dc19-0883
  7. Chevalier P. Méta-analyse en réseau : comparaisons directes et indirectes. MinervaF 2009;8(10):148.
  8. Sharma R, Wilkinson L, Vrazic H, et al. Comparative efficacy of once-weekly semaglutide and SGLT-2 inhibitors in type 2 diabetic patients inadequately controlled with metformin monotherapy: a systematic literature review and network meta-analysis. Curr Med Res Opin 2018;34:1595-1603. DOI: 10.1080/03007995.2018.1476332
  9. Diabetes Association. 9. Pharmacologic approaches to glycemic treatment: standards of medical care in diabetes-2019. Diabetes Care 2019;42(Suppl 1):S90-S102. DOI: 10.2337/dc19-S009
  10. Brown E, Heerspink HJ, Cuthbertson DJ, Wilding JP. SGLT2 inhibitors and GLP-1 receptor agonists: established and emerging indications. Lancet 2021;398:262-76. DOI: 10.1016/S0140-6736(21)00536-5

 




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