Revue d'Evidence-Based Medicine



Exacerbation de BPCO : des corticostéroïdes pendant combien de temps ?



Minerva 2015 Volume 14 Numéro 5 Page 55 - 56

Professions de santé


Analyse de
Walters JA, Tan DJ, White CJ, Wood-Baker R. Different durations of corticosteroid therapy for exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease. Cochrane Database Syst Rev 2014, Issue 12.


Question clinique
Chez des adultes présentant une exacerbation de BPCO, une corticothérapie systémique de courte durée (maximum 7 jours) est-elle aussi efficace et plus sûre qu’une corticothérapie systémique de durée habituelle de plus de 7 jours ?


Conclusion
Cette synthèse avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique ne montre pas une moindre efficacité ni de différences au point de vue des effets indésirables entre une cure courte (3 à 7 jours) de corticostéroïdes systémiques et une cure plus longue (10 à 15 jours) en cas d’exacerbation d’une BPCO de grade sévère ou très sévère.


Que disent les guides de pratique clinique ?
Dans les derniers guidelines publiés en 2015 (GOLD), en cas d’exacerbation d’une BPCO, après échec des mesures concernant la bronchodilatation, c’est une cure de 5 jours d’un corticostéroïde systémique qui est recommandée, et plus de 10 à 14 jours comme précédemment recommandées. La méta-analyse ici analysée conforte cette recommandation, au vu de l’absence de différence d’effet entre les 2 types de cure, mais en confirmant que ces conclusions pourraient être remises en question par de nouvelles études de bonne qualité méthodologique.



Contexte

Les recommandations du BAPCOC concernant les exacerbations de BPCO publiées en 2009 (1) recommandaient de s’assurer en premier lieu de l’adéquation de la technique d’inhalation, et ensuite, par étape et si nécessaire, de renforcer le traitement bronchodilatateur, d’augmenter les doses ou la fréquence d’administration, de modifier la forme d’administration et, en cas de réponse restant insuffisante, d’ajouter un corticostéroïde oral, la prednisolone 40 mg par jour (équivalent de 32 mg de méthylprednisolone) durant 10 jours. Dans la dernière version publiée en 2015 des guidelines GOLD (2), les auteurs soulignent l’insuffisance des données pour conclure avec certitude sur la durée d’un traitement par corticostéroïdes tout en recommandant une cure de 40 mg/j de prednisolone pendant 5 jours afin de réduire les effets indésirables. Les auteurs de la synthèse méthodique de 2011 sur laquelle ces guidelines de GOLD fondaient leur incertitude publient en 2014 (3) une mise à jour.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique avec méta-analyse

Sources consultées

Études sélectionnées

  • RCTs comparant différentes durées de corticostéroïdes systémiques : cures ≤ 7 jours ou > 7 jours) avec standardisation des autres interventions (bronchodilatateurs et antibiotiques)
  • exclusion des études incluant des patients avec une ventilation assistée, de l’asthme ou une autre pathologie respiratoire
  • inclusion de 8 RCTs dont 5 en milieu hospitalier.

Population étudiée

  • total de 582 patients (529 en milieu hospitalier, 28 à 296 par étude)
  • âge moyen de 65 à 73 ans, 58 à 84% d’hommes
  • stade de BPCO : sévère à très sévère (critères spirométriques GOLD)
  • cure courte de corticostéroïdes systémiques : de 3 à 7 jours
  • cure longue de corticostéroïdes systémiques : de 10 à 15 jours
  • corticostéroïdes utilisés : prednisolone orale (N=5) à 30 mg/j ou à dose dégressive, corticostéroïde intraveineux dans 2 études
  • exacerbation aiguë de BPCO = toute association d’une augmentation de la dyspnée, du volume des expectorations, de la purulence des crachats, de la toux ou des sibilances.

Mesure des résultats

  • critères de jugement primaires :
    • échec de traitement (recours à un traitement additionnel) sur un suivi de 10 à 14 jours
    • rechute : nouvelle exacerbation aiguë ou hospitalisation liée à la BPCO sur 14 à 180 jours de suivi
    • effet indésirable (gastro-intestinal, saignement, reflux gastrointestinal, insuffisance cardiaque congestive, ischémie coronarienne, trouble du sommeil, fracture, dépression) sur 10 à 180 jours de suivi
  • autres critères cliniques :
    • hyperglycémie sur un suivi de 3 à 14 jours
    • mortalité sur 14 à 180 jours de suivi
    • durée d’hospitalisation sur 3 à 14 jours de suivi
    • QoL sur 30 jours de suivi.

Résultats

  • critères primaires : voir tableau
  • autres critères cliniques : hyperglycémie, durée d’hospitalisation, QoL et mortalité : tous les résultats sont non significatifs.

Tableau. Résultats comparés pour les différents critères de jugement entre une cure courte et une cure longue de corticostéroïdes systémiques avec le nombre d’études (N), le nombre total de patients pour ces études (n), l’effet relatif en OR avec IC à 95%, le score GRADE de preuve.

Critère

N (et n)

OR (IC à 95%)

GRADE

Échec de traitement

4 (457)

0,72 (0,36 à 1,46)

modéré

Rechute

4 (478)

1,04 (0,7 à 1,56)

modéré

Effets indésirables

5 (503)

0,88 (0,46 à 1,7)

faible

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que les informations apportées par une nouvelle large étude augmentent leur certitude qu’un traitement de 5 jours de corticostéroïdes oraux est probablement suffisant pour des adultes présentant une exacerbation aiguë de BPCO et cette synthèse suggère que la probabilité est faible que des cures plus courtes (ou d’environ 5 jours) de corticostéroïdes systémiques donnent de moins bons résultats que des cures plus longues (10 à 14 jours).

Financement

Breathe Well Centre of Research Excellence, Université de Tasmanie (Australie) pour un soutien logistique et le NHMRC (Australie) en aide à la branche australienne du Cochrane Airways Group.

Conflits d’intérêt

Le quatrième auteur était le chercheur principal d’une des études incluses.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La méthodologie rigoureuse de cette synthèse est classique des publications de la Cochrane Collaboration avec une recherche exhaustive effectuée dans différentes bases de données, de manière indépendante par au moins 2 auteurs, une évaluation du risque de biais de sélection, de performance, de mesure et de migration (avec un risque faible pour les études incluses dans les différentes méta-analyses). Les auteurs ont également recherché une hétérogénéité (test I2 entre autres) et effectué des analyses de sensibilité en modèle d’effets aléatoires pour les risques de biais et facteurs confondants potentiels.

Cette méthodologie rigoureuse contraste avec les très nombreuses limites des études incluses, limites reconnues par les auteurs de la synthèse. 5 des 8 études sélectionnées n’ont pas été entièrement publiées. Seules 4 études sont clairement en double aveugle, une étant clairement en non aveugle (participants et investigateurs). La durée du suivi dans les études est (trop) courte et variable, mais aussi non précisée dans 4 études. Les critères d’inclusion des patients dans les études ne sont pas homogènes et souvent ils sont mal décrits, notamment au niveau de la définition d’une exacerbation.

Interprétation des résultats

Les résultats pour tous les critères de jugement choisis présentent des intervalles de confiance fort larges, donc une imprécision qui diminue la pertinence clinique de ces résultats.

Par exemple, pour le critère de jugement primaire ‘échec de traitement’, sur 1000 patients, 22 de moins sont en échec pour une cure courte versus longue mais avec un IC à 95% allant de 51 en moins à 34 en plus.

La seule étude sur une population conséquente (314 patients) incluse (3), avec une puissance suffisante, montre une non infériorité d’une cure de 5 jours versus une cure de 14 jours sur un critère de délai de nouvelle exacerbation, mais avec, à nouveau, un IC à 95% bien large : HR de 0,95 avec un IC à 95% de 0,66 à 1,37. La borne de non infériorité était fixée dans cette étude à 15% d’exacerbations maximum en plus pour une cure courte (65% versus 50%, soit un HR de 1,515).

Il faut souligner la rareté des données au point de vue population incluse dans cette synthèse, malgré la fréquence de cette situation clinique. Les données sont imprécises et notamment de faible qualité pour ce qui concerne une éventuelle différence pour la survenue d’effets indésirables.

Les résultats observés ne peuvent également pas être extrapolés à de nombreux patients présentant une exacerbation de BPCO et qui ont été exclus des études reprises : des patients sous assistance respiratoire, des patients avec une BPCO non sévère.

Toutes ces considérations nous font rejoindre les conclusions des auteurs eux-mêmes : nous considérons beaucoup de preuves disponibles comme étant de qualité modérée en raison de leur imprécision ; de futures recherches pourraient avoir un impact important sur notre niveau de confiance dans les estimations de l’efficacité ou pourraient modifier cette évaluation. D’autres études comparant les corticoïdes systémiques en courte cure versus durée de cure plus longue pour traiter une exacerbation aiguë de BPCO restent nécessaires.

 

Conclusion de Minerva

Cette synthèse avec méta-analyse de bonne qualité méthodologique ne montre pas une moindre efficacité ni de différences au point de vue des effets indésirables entre une cure courte (3 à 7 jours) de corticostéroïdes systémiques et une cure plus longue (10 à 15 jours) en cas d’exacerbation d’une BPCO de grade sévère ou très sévère.

 

Pour la pratique

Dans les derniers guidelines publiés en 2015 (GOLD) (2), en cas d’exacerbation d’une BPCO, après échec des mesures concernant la bronchodilatation, c’est une cure de 5 jours d’un corticostéroïde systémique qui est recommandée, et plus de 10 à 14 jours comme précédemment recommandées. La méta-analyse ici analysée conforte cette recommandation, au vu de l’absence de différence d’effet entre les 2 types de cure, mais en confirmant que ces conclusions pourraient être remises en question par de nouvelles études de bonne qualité méthodologique.

 

 

Références 

  1. Elinck K, Vints A, Sibille Y, Gérard B. Prise en charge des exacerbations aiguës de BPCO en pratique ambulatoire. BAPCOC 2009.
  2. From the Global Strategy for the Diagnosis, Management and Prevention of COPD, Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease (GOLD) 2015. Available from: http://www.goldcopd.org/
  3. Leuppi JD, Schuetz P, Bingisser R, et al. Short-term vs conventional glucocorticoid therapy in acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease: the REDUCE randomized clinical trial. JAMA 2013;309:2223-31.

 

 




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