Revue d'Evidence-Based Medicine



Le changement de mode de vie améliore la fonction érectile chez les hommes obèses



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 5 Page 74 - 76

Professions de santé


Analyse de
Esposito K, Giugliano F, Di Palo C et al. Effect of lifestyle changes on erectile dysfunction in obese men. A randomized controlled trial. JAMA 2004;291:2978-84.


Question clinique
Quel est l’effet, sur la fonction érectile, de l’amaigrissement et de l’augmentation de l’activité physique chez des hommes obèses présentant des troubles de la puissance sexuelle?


Conclusion
Cette étude semble montrer que, chez des hommes obèses, âgés de moins de 50 ans, ne présentant pas de comorbidité, un homme sur trois retrouve une puissance sexuelle complète grâce à un accompagnement prolongé, intensif et personnalisé lui permettant d’atteindre un mode de vie plus sain (notamment perte de poids et davantage d’exercices physiques). L’influence d’autres facteurs qui améliorent la puissance sexuelle, telle que l’arrêt du tabac, n’a cependant pas été étudiée dans cette étude.


 

Résumé

Contexte

Les hommes obèses (BMI >28,7 kg/m2) ont 30% de risque supplémentaire de présenter des troubles de l’érection par rapport aux hommes du même âge qui ont un poids normal (BMI <25) 1. Par ailleurs, 79% des hommes présentant un problème d’érection sont obèses 2. La perte de poids et l’augmentation des exercices physiques pourraient améliorer la fonction érectile.

Population étudiée

Le service de consultation diététique ambulatoire d’un hôpital universitaire de Naples a recruté 140 hommes obèses. Ils sont âgés de 35 à 55 ans et présentent une dysfonction érectile (score ≤ 21 sur l’International Index of Erectile Function, IIEF-score). Le diabète sucré, la maladie cardiovasculaire et l’hypertension constituent les critères d’exclusion. Finalement, 110 hommes obèses d’un âge moyen de 43 ans présentant un mode de vie sédentaire (moins d’une heure d’exercice physique par semaine) sont inclus. Leur BMI moyen est de 36,7 et leur score fonctionnel érectile moyen de 13,7. Un tiers est fumeur.

Méthodologie

Les sujets participants à cette étude randomisée, en simple aveugle, sont répartis en deux groupes. Les hommes inclus dans le groupe d’intervention (n=55) reçoivent des instructions personnalisées d’un diététicien et d’un consultant en activités physiques. Ils tiennent un journal et se rencontrent mensuellement au sein de petits groupes. En outre, un accompagnement psychologique est proposé. Le groupe contrôle (n=55) reçoit des informations tous les deux mois quant à une alimentation saine et à la pratique d’exercices physiques. L’étude se déroule sur deux ans.

Mesure des résultats

Une comparaison est faite du changement moyen du score IIEF dans les deux groupes, entre le début et la fin du suivi. L’analyse est faite en intention de traiter. Par ailleurs, les modifications de pression artérielle, des concentrations de cytokines, de CRP, de cholestérolémie, de triglycéridémie, de glycémie et d’insulinémie sont également enregistrées.

Résultats

Trois hommes sont perdus de vue dans chacun des groupes. Quatre hommes inclus dans le groupe d’intervention et cinq dans le groupe contrôle ont eu recours à des médicaments pour améliorer la fonction érectile pendant la durée de l’étude. Après deux ans, le BMI moyen a chuté de 36,9 à 31,2 (différence de -5,7; p<0,001) dans le groupe intervention et de 36,4 à 35,7 (différence de - 0,7; p=0,19) dans le groupe contrôle. Les activités physiques se sont également accrues de façon significative dans le groupe intervention (p<0,001).Le score IIEF moyen est monté de 13,9 à 17,0 (p<0,001) dans le groupe intervention et est resté inchangé dans le groupe contrôle. Dix-sept hommes du groupe d’intervention (31%) ont atteint un score IIEF de 22 ou plus contre trois (5%) dans le groupe contrôle. L’analyse multivariée a permis de montrer que la perte de poids, l’augmentation de l’activité physique et la chute de la CRP sont associées à une amélioration de la fonction érectile.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le changement de style de vie est associé à une amélioration de la fonction sexuelle chez un tiers des hommes obèses présentant des troubles de l’érection.

Financement

Second University of Napels.

Conflits d’intérêt

Non mentionné. Le sponsor n’a pas été impliqué dans l’élaboration de la méthodologie et dans le suivi de l’étude ni dans l’interprétation de ses résultats.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

La force de cette étude réside d’une part en sa sélection rigoureuse d’une population homogène d’hommes obèses présentant un trouble de l’érection et, d’autre part, en une attribution aléatoire bien menée entre deux bras. Le secret de cette attribution n’est cependant pas optimal en matière de respect du caractère aveugle. Comme les patients étaient au courant du groupe dans lequel ils aboutissaient, le terme d’aveugle ne peut être utilisé pour les personnes incluses. Ceci vaut également pour les membres de l’équipe de recherche impliqués dans l’intervention. Le caractère aveugle est, par contre, bien respecté pour le personnel technique (logistique et laboratoire). Nous pouvons donc considérer que, dans cette étude, le caractère aveugle concerne les paramètres de poids et les mesures de laboratoire. La détermination des scores d’érection s’est faite par les réponses à un questionnaire complété par le patient même et la durée des activités physiques hebdomadaires mentionnée dans un journalier par les patients également. Ces critères de jugement ne sont donc pas aveugles. Quel est l’impact du caractère partiellement aveugle sur la fiabilité des résultats? Il est plausible que ceci influence les réponses données par les sujets. L’amélioration de la fonction érectile pourrait être attribuée au contexte (motivant) des sessions de groupe et moins aux interventions jugées principales (perte de poids et davantage d’exercices). La réalisation de sessions de groupe «placebo» (une rencontre des participants sans but précis) dans le groupe contrôle également, aurait pu permettre de faire une distinction entre les effets de la dynamique de groupe et les changements biologiques. Il est aussi dommage que les hommes du groupe intervention ont eu des contacts plus nombreux avec le centre de référence par rapport au groupe contrôle: tous les mois durant la première année versus tous les deux mois durant toute la durée de l’étude. Cette structure de suivi peut influencer l’intervention (un accompagnement personnalisé pour obtenir un mode de vie plus sain). Le respect intégral du caractère aveugle est évidemment impossible pour de telles études d’intervention.

Groupe sélectif

Du point de vue cardiovasculaire, les critères d’évaluation sont bien choisis et permettent une analyse rigoureuse. Néanmoins, un paramètre biologique important n’est pas pris en compte: le comportement tabagique des participants et son évolution sur les deux ans. En outre, un certain nombre de paramètres sociologiques sont manquants: la préférence sexuelle, le degré de satisfaction concernant le bien-être sexuel et le fait d’avoir ou non des relations sexuelles. Il est fort plausible que les hommes fort satisfaits sur ce plan, évaluent leurs performances péniennes plus favorablement que ceux qui ne sont pas satisfaits sur le plan sexuel. Le bien-être sexuel est fort associé au degré de satisfaction de la relation sexuelle en cours, même dans un groupe avec partenaires multiples 3. Il est dommage que ces deux paramètres (relation et bien-être sexuel) ne soient ni mesurés ni investigués, de sorte que nous ne pouvons pas évaluer leur impact sur les critères de jugement. De surcroît, le groupe étudié n’est pas vraiment représentatif des hommes obèses présentant un trouble érectile rencontrés en pratique générale. Une comorbidité est, dans la pratique, souvent associée et ce sont précisément ces hommes-là qui ont été exclus de l’étude.La motivation des hommes de cette étude est très élevée, comme le montre un remarquable suivi: seuls trois perdus de vue (5%) dans chaque groupe. Une telle motivation et une observance aussi stricte pour atteindre de meilleures conditions de vie sont difficilement comparables à la motivation moyenne des personnes obèses d’une pratique de médecine générale.

Un mode de vie sain est curatif

Cette étude reste cependant fort précieuse. Elle montre, de façon non équivoque, qu’un mode de vie sain agit non seulement en prévention, mais peut également être curatif. Les 31% d’hommes qui ont atteint une fonction érectile presque parfaite dans le groupe intervention seront, pour ce motif, fort motivés pour poursuivre leur nouveau mode de vie plus sain. L’intervention décrite sur le mode de vie présente de toutes façons un haut rendement avec un NNT = 1/RAR *100.">NNT de 4! Une alternative certainement valable aux médicaments pour l’impuissance disponibles présentement sur le marché. Néanmoins l’ingestion d’une pilule présente un moindre effort pour la plupart des hommes obèses, que de s’impliquer dans un programme intensif pour améliorer leur mode de vie. C’est le point faible de cette étude. Est-il réaliste de motiver des hommes obèses pour un tel accompagnement personnalisé? En effet, une prise en charge légère (telle que celle appliquée dans le groupe contrôle) n’a pas apporté de résultat, ni sur le plan biologique (perte de poids, diminution des paramètres d’inflammation), ni sur la fonction érectile.

Conclusions

Cette étude semble montrer que, chez des hommes obèses, âgés de moins de 50 ans, ne présentant pas de comorbidité, un homme sur trois retrouve une puissance sexuelle complète grâce à un accompagnement prolongé, intensif et personnalisé lui permettant d’atteindre un mode de vie plus sain (notamment perte de poids et davantage d’exercices physiques). L’influence d’autres facteurs qui améliorent la puissance sexuelle, telle que l’arrêt du tabac, n’a cependant pas été étudiée dans cette étude.

 

Références

  1. Bacon CG, Mittleman MA, Kawachi I et al. Sexual function in men older than 50 years of age: results from the Health Professionals Follow-up Study. Ann Intern Med 2003;139:161-8.
  2. Walczak MK,Lokhandwala N, Hodge MB,Guay AT.Prevalence of cardiovascular risk factors in erectile dysfunction. J Gend Specif Med 2002;5:19-24.
  3. Sensoa. De tevredenheid van seropositieve personen in Vlaanderen. Een enquête in 2002. www.sensoa.be
 
Le changement de mode de vie améliore la fonction érectile chez les hommes obèses

Auteurs

Avonts D.
Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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