Revue d'Evidence-Based Medicine



Éradication de l'hélicobacter pylori avant l'utilisation d'un AINS (anti-inflammatoire non-stéroïdien)?



Minerva 2002 Volume 1 Numéro 9 Page 29 - 30

Professions de santé


Analyse de
Chan FKL, To KF, Wu JCY, et al. Eradication of Helicobacter pylori and risk of peptic ulcers in patients starting long-term treatment with non-steroidal anti-inflammatory drugs : a randomized trial. Lancet 2002;359:9-13.


Conclusion
Pour chaque patient avec antécédent d’ulcère ou avec une dyspepsie modérée, en cas d’administration d’AINS on doit prendre en compte les risques de lésions ulcéreuses. Un facteur qui fait sensiblement augmenter ce risque est la présence d’Helicobacter dans l’estomac. Son éradication n’évite cependant pas tous les ulcères. Nous ne pouvons pas encore parler de consensus pour mettre cette éradication en pratique chez tous les utilisateurs d’AINS, mais bien d’une possibilité thérapeutique qui devrait être confirmée par des recherches complémentaires. Pour ce motif, il faut maintenir comme première recommandation un traitement au paracétamol et un traitement de mobilisation chez tous les patients arthrosiques (et non seulement chez des patients atteints d’arthrose avec un haut risque d’ulcère), avant de prescrire un AINS.


Minerva « en bref » vous propose de brefs commentaires sur des publications sélectionnées par le comité de rédaction de Minerva. Des études intéressantes et pertinentes pour les médecins généralistes qui ne doivent pas ou ne peuvent pas être discutées dans un cadre plus large trouvent leur place dans cette rubrique. Chaque sélection est brièvement résumée et accompagnée de quelques commentaires faits par un référent. La rédaction de Minerva vous en souhaite une agréable lecture.

Résumé

Ces dernières années, dans le cadre d’une prévention de lésions ulcéreuses, une éradication a été proposée à des patients présentant un Helicobacter pylori (Hp positif ) et devant recevoir des AINS. Au vu des résultats contradictoires antérieurs, Chan et collaborateurs ont conduit une RCT pour des patients arthrosiques, nouveaux utilisateurs d’AINS, Hp positifs et qui présentaient une dyspepsie modérée ou avaient des antécédents prouvés d’ulcères peptiques. Ces 102 patients ont pris de l’oméprazole pendant une semaine, avec un antibiotique ou un placebo. Du diclofénac à la dose de 100 mg par jour (sous forme retard) a également été administré pendant 6 mois à tous les participants.

La fréquence d’ulcère visualisé à l’endoscopie, pendant ou à la fin de ces 6 mois, était de 12 % dans le groupe avec éradication et de 34 % dans le groupe placebo (p = 0,0085). Un ulcère compliqué (symptomatique ou avec saignement) est apparu à raison de 4 % dans le groupe à éradication et de 27 % dans le groupe placebo (p = 0,0026).

Cette étude montre que chez les patients arthrosiques, Hp positifs, présentant une dyspepsie ou des antécédents d’ulcère, le risque d’ulcère visualisé à l’endoscopie ainsi que le risque d’ulcère avec complications diminuent si, lors de l’instauration d’un traitement de longue haleine avec un AINS, un traitement d’éradication de l’Helicobacter est prescrit.

Discussion

Il s’agit ici d’une étude bien menée au point de vue méthodologique (aléatoire et en double aveugle) chez des patients (ayant un âge moyen de 62 ans, c’est à noter) avec un risque flagrant d’ulcère et entamant un traitement par AINS pour des plaintes articulaires. La conclusion de cette étude semble claire et pourtant, des réticences à transposer ceci dans la pratique persistent. En premier lieu, il est difficile de distinguer ce groupe à risque par une anamnèse précise ou une sérologie Hp. Le test respiratoire à l’urée a été utilisé, mais celui-ci est, chez nous, plus difficile à pratiquer et plus cher qu’une sérologie Hp. Deuxièmement, on peut se poser la question du rôle respectif que jouent l’Hélicobacter pylori d’un côté, les AINS de l’autre, dans les lésions ulcéreuses, sans oublier que l’acidité gastrique reste toujours le facteur primordial indispensable dans la genèse d’un ulcère. Pour répondre à cette question, un groupe de chercheurs canadiens a publié une méta-analyse dans le même numéro du Lancet 1. Des 463 articles identifiés, ils en ont éliminé 95 %, de telle sorte que leur méta-analyse se fonde sur 25 études valides. Ils sont arrivés à la conclusion que l’ulcère peptique survient plus fréquemment chez des utilisateurs d’AINS qui sont Hp positifs (42 %) que chez ceux qui sont Hp négatifs (26 %). Ensuite, ils ont découvert que dans les études cas-contrôles, les utilisateurs d’AINS qui ont une infection Hp, ont 61 fois plus de chance de développer un ulcère que des personnes Hp négatives qui n’utilisaient pas d’AINS. Il semble en effet, qu’il ne soit pas question d’un processus indépendant par lequel les deux facteurs augmentent séparément le risque d’un ulcère peptique ou d’un saignement, mais que ces deux facteurs ont un effet additif sur la survenue de lésions ulcéreuses compliquées ou non.

Une étude européenne 2 est arrivée à la conclusion que pour les utilisateurs chroniques d’AINS, cette relation entre Helicobacter pylori, AINS et ulcère ne pouvait être démontrée. D’après Chan, il s’agit bien ici de 2 groupes à risque différents (utilisation nouvelle versus chronique). La raison de cette différence de risque n’est pas encore claire. Nous butons ici sur un problème fondamental : nous constatons un ensemble de relations, mais nous ne pouvons pas en expliquer les exceptions.

Le lecteur critique reste alors sur sa faim et le médecin généraliste se pose toujours la question : « mon patient répond-il à ce profil de risque ? ». La présente méta-analyse nous donne malgré tout plus de certitudes en ce qui concerne la synergie entre l’infection à l’Helicobacter et les AINS dans la survenue d’un ulcère peptique et confirme une recommandation précédente proposant une éradication de l’Helicobacter à des patients ayant des antécédents d’ulcère peptique. Cette recommandation est toujours pertinente dans le cas d’un traitement de longue durée avec des AINS.

 

Conclusion

Pour chaque patient avec antécédent d’ulcère ou avec une dyspepsie modérée, en cas d’administration d’AINS on doit prendre en compte les risques de lésions ulcéreuses.
Un facteur qui fait sensiblement augmenter ce risque est la présence d’Helicobacter dans l’estomac. Son éradication n’évite cependant pas tous les ulcères.
Nous ne pouvons pas encore parler de consensus pour mettre cette éradication en pratique chez tous les utilisateurs d’AINS, mais bien d’une possibilité thérapeutique qui devrait être confirmée par des recherches complémentaires.
Pour ce motif, il faut maintenir comme première recommandation un traitement au paracétamol et un traitement de mobilisation chez tous les patients arthrosiques (et non seulement chez des patients atteints d’arthrose avec un haut risque d’ulcère), avant de prescrire un AINS.

 

Conflits d’intérêt/financement

Cette recherche a été financée par l’université de Hong Kong. Les conflits d’intérêt ne sont pas mentionnés.

 

Références

  1. Huang J, Sridhar S, Hunt RH. Role of Helicobacter pylori infection and non-steroidal anti-inflammatory drugs in peptic-ulcer disease : a meta-analysis. Lancet 2002;359:14-22.
  2. Hawkey CJ, Tulassay Z, Szczepanski L, et al. Randomised controlled trial of Helicobacter pylori eradication in patients on non-steroidal anti-inflammatory drugs : HELP NSAIDs study. Helicobacter eradication for lesion prevention. Lancet 1998;352:1016-21.
  3. Malfertheiner P, Megraud F, O’Morain C, et al. Current European concepts in the management of Helicobacter pylori infection : the Maastricht Consensus Report. The European helicobacter pylori study group (EHPSG). Eur J Gastroenterol Hepatol 1997;9:1-2.
Éradication de l'hélicobacter pylori avant l'utilisation d'un AINS (anti-inflammatoire non-stéroïdien)?

Auteurs

Ferrant L.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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