Analyse


Dabigatran versus warfarine pour le traitement des thromboembolies veineuses ?


15 04 2015

Professions de santé

Analyse de
Schulman S, Kakkar AK, Goldhaber SZ; RE-COVER II Trial Investigators. Treatment of acute venous thromboembolism with dabigatran or warfarin and pooled analysis. Circulation 2014;129:764-72.


Conclusion
Dans cette étude randomisée contrôlée dont les résultats ont été groupés avec ceux d’une étude antérieure, comparant l’utilisation du dabigatran versus warfarine en post traitement initial d’une thromboembolie veineuse symptomatique avec une HBPM, il n’y a pas de différence statistiquement significative quant au taux de récidive de TEV entre les deux groupes. Il n’y a pas non plus de différence statistiquement significative observée pour le taux d’hémorragies majeures dans l’analyse groupée. Il manque enfin, à l’heure actuelle, d’études de comparaison directe des NAOs entre eux.


 

Une analyse publiée dans Minerva (1) de l’étude RE-COVER I (2) montrait une non infériorité du dabigatran versus warfarine en prévention d’une récidive de thromboembolie veineuse (TEV) symptomatique à 6 mois, post traitement initial de 10 jours par héparine. Le bénéfice clinique net restait incertain et le coût élevé. Une méta-analyse publiée en 2012 (3) et commentée dans Minerva (4) a confirmé un risque accru probable de survenue d’infarctus du myocarde ou de syndrome coronarien aigu sous dabigatran, déjà suspecté dans d’autres études. En prévention d’une récidive de TEV post durée de traitement anticoagulant habituellement recommandée, les études RE-MEDY et RE-SONATE, également commentées dans Minerva (5,6), ont montré que la poursuite du dabigatran était favorable versus placebo (au risque de davantage d’hémorragies), mais qu’une non-infériorité, en prévention de la récidive de TEV, versus warfarine, restait à confirmer. Récemment enfin, une méta-analyse confirmait un risque globalement accru de saignements gastro-intestinaux pour les NAOs versus comparateurs, pour une population à faible risque de saignement (modulé selon l’indication de prescription et selon la molécule concernée) (7,8).

Dans la présente étude RE-COVER II randomisée contrôlée (9) en double aveugle et double placebo (Engl : dubble dummy) comparant l’utilisation du dabigatran à la posologie de 2*150 mg/jour, versus warfarine, après 5 à 11 premiers jours sous HBPM (héparine à bas poids moléculaire) ou héparine non-fractionnée, chez des patients présentant une TEV symptomatique, la récidive de TEV a été identique dans les deux groupes : 2,3% (30/1279) sous dabigatran versus 2,2% (28/1289) sous warfarine. La survenue d’évènements hémorragiques importants : 15 patients (1,2%) sous dabigatran versus 22 (1,7%) sous warfarine (HR de 0,69 avec IC à 95% de 0,36 à 1,32), sans différence statistiquement significative. Le nombre de décès, d’effets indésirables, et de syndromes coronariens aigus étaient identiques dans les deux groupes. Pour l’analyse regroupée entre RE-COVER I et II, les résultats montrent une récidive de TEV identique dans les deux groupes (HR de 1,09 avec IC à 95% de 0,76 à 1,57). Pour la survenue d’évènements hémorragiques importants, le HR est de 0,73 (avec IC à 95% de 0,48 à 1,11) et pour tous évènements hémorragiques, le HR est de 0,70 (avec IC à 95% de 0,61 à 0,79).

Cet article, dont les auteurs sont les chercheurs impliqués dans l’étude RE-COVER I (et financées par la firme qui produit la molécule), reprend les résultats de RE-COVER I et de l’étude RE-COVER II et en propose une analyse groupée. La question de recherche n’apparait que relativement peu novatrice eut égard aux enjeux actuels pour ce qui concerne les NAO’s. Les 208 centres dans 31 pays ayant participé à RE-COVER I ont participé à RE-COVER II : un risque d’essaimage (10) était suspecté pour RE-COVER I et reste d’actualité mais l’influence sur les résultats est possiblement moindre avec cette analyse groupée. Les résultats montrent un taux similaire de récidive de TEV du dabigatran versus warfarine. Pour ce qui concerne les effets indésirables : la différence de risque pour le dabigatran versus warfarine est non significative : -0,6% (avec IC à 95% de -1,6% à +0,3%). On note cependant une différence statistiquement significative (HR de 0,67 avec IC à 95% de 0,56 à 0,81) en faveur du dabigatran lorsqu’on prend simultanément en compte hémorragies majeures et mineures. Une méta-analyse publiée en 2014 (11) confirme que les NAOs, en général, semblent aussi efficaces et probablement plus sûrs que les traitements conventionnels des TEV et ce à travers un large panel de patients différents. Cette conclusion n’est pas corrélée par l’étude analysée ici et d’autres études, notamment en fonction des populations étudiées (âges, GFR, etc.). On notera subsidiairement que l’adhésion des patients aux NAOs, malgré l’absence de monitoring, semble identique à celle des autres traitements (12).

En ce qui concerne leur efficacité ou leurs effets indésirables, il manque d’études de comparaison directe des NAOs entre eux. En effet dans une étude de comparaison indirecte très récente, dont la qualité méthodologique est difficile à évaluer, si le taux de récidive des TEV et la mortalité toutes causes confondues entre les différents NAOs ne semblent pas diverger, l’apixaban semble associé à un taux moins important de saignements (majeurs et mineurs) que les autres NAOs (13).

 

Conclusion

Dans cette étude randomisée contrôlée dont les résultats ont été groupés avec ceux d’une étude antérieure, comparant l’utilisation du dabigatran versus warfarine en post traitement initial d’une thromboembolie veineuse symptomatique avec une HBPM, il n’y a pas de différence statistiquement significative quant au taux de récidive de TEV entre les deux groupes. Il n’y a pas non plus de différence statistiquement significative observée pour le taux d’hémorragies majeures dans l’analyse groupée. Il manque enfin, à l’heure actuelle, d’études de comparaison directe des NAOs entre eux.

 

Références

  1. Chevalier P. Dabigatran pour la thromboembolie veineuse. Minerva online 28/08/2010.
  2. Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al; RE-COVER Study Group. Dabigatran versus warfarin in the treatment of acute venous thromboembolism. N Engl J Med 2009;361:2342-52.
  3. Uchino K, Hernandez AV. Dabigatran association with higher risk of acute coronary events. Arch Intern Med 2012;172:397-402.
  4. Chevalier P. Dabigatran et risque coronarien accru. Minerva online 28/04/2012.
  5. La Rédaction Minerva. Dabigatran pour prolonger un traitement préventif secondaire d’une thromboembolie veineuse. Minerva online 28/05/2013.
  6. Schulman S, Kearon C, Kakkar AK, et al; RE-MEDY Trial Investigators; RE-SONATE Trials Investigators. Extended use of dabigatran, warfarin, or placebo in venous thromboembolism. N Engl J Med 2013;368:709-18.
  7. La Rédaction Minerva. Saignements gastro-intestinaux avec les NAOs. Minerva online 15/02/2014.
  8. Holster IL, Valkhoff VE, Kuipers EJ, Tjwa ET. New oral anticoagulants increase risk for gastrointestinal bleeding - a systematic review and meta-analysis. Gastroenterology 2013;145:105-12.
  9. Schulman S, Kakkar AK, Goldhaber SZ; RE-COVER II Trial Investigators. Treatment of acute venous thromboembolism with dabigatran or warfarin and pooled analysis. Circulation 2014;129:764-72.
  10. Chevalier P. Etudes pour rire mais pour prescrire. [Editorial] MinervaF 2009;8(1):1.
  11. Gómez-Outes A, Terleira-Fernández AI, Lecumberri R, et al. Direct oral anticoagulants in the treatment of acute venous thromboembolism: a systematic review and meta-analysis. Thromb Res 2014134:774-82.
  12. Chatterjee S, Sardar P, Giri KS, et al. Treatment discontinuations with new oral agents for long-term anticoagulation: insights from a meta-analysis of 18 randomized trials including 101,801 patients. Mayo Clin Proc 2014;89:896-907.
  13. Mantha S, Ansell J. Indirect comparison of dabigatran, rivaroxaban, apixaban and edoxaban for the treatment of acute venous thromboembolism. J Thromb Thrombolysis 2015;39:155-65.

 

 

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Auteurs

Duyver C.
Centre Académique de Médecine Générale, UCL
COI :

Verstraete B.
Centre Académique de Médecine Générale, Université Catholique de Louvain
COI :

Glossaire

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