Analyse


Aide à l’arrêt du tabagisme : diminution progressive du tabagisme et varénicline ?


15 10 2015

Professions de santé

Analyse de
Ebbert JO, Hughes JR, West RJ, et al. Effect of Varenicline on Smoking Cessation Through Smoking Reduction. JAMA 2015;313:687-94.


Conclusion
Cette étude multicentrique, multinationale, de bonne qualité méthodologique, montre que chez des patients qui ont l’intention d’arrêter de fumer dans une période d’1 à 3 mois, la varénicline, associée à un accompagnement intensif, aide à réduire le nombre de cigarettes fumées et augmente la probabilité d’arrêter complètement de fumer, versus placebo, à condition de respecter les mises en garde et les précautions d’emploi de la molécule. Les effets indésirables de la varénicline sont nombreux, fréquents, et parfois graves.


 

Des guides de pratique clinique pour l’arrêt du tabagisme conseillent comme méthode la plus efficace pour arrêter de fumer, du moins chez les fumeurs suffisamment motivés, l’arrêt radical à partir d’une date préalablement fixée (1,2). Dans la pratique clinique, nous sommes toutefois confrontés à des fumeurs qui ne songent pas encore à arrêter de fumer (3). Pour ce groupe de personnes, il est conseillé de diminuer la consommation de tabac (l’objectif ultime étant l’arrêt complet). Les arguments en faveur d’une diminution du tabagisme ont déjà été discutés précédemment dans Minerva (4). La diminution du tabagisme peut être facilitée par des mesures comportementales, des moyens pharmacologiques ou les deux (5). L’efficacité des préparations de substitution nicotinique associées à un service de conseils a déjà été montrée dans une méta-analyse ne rassemblant toutefois que 7 études (6).

Une étude randomisée menée en double aveugle, contrôlée par placebo, multinationale, multicentrique (61 centres dans 10 pays), publiée en 2015 (7) a examiné l’efficacité et la sécurité de la varénicline dans l’arrêt du tabagisme en passant par une diminution du tabagisme. 1510 fumeurs (≥ 18 ans) consommant ≥ 10 cigarettes par jour et ayant une valeur de CO > 10 ppm, qui, au cours de l’année précédente, étaient restés abstinents moins de 3 mois, mais avaient l’intention d’arrêter de fumer endéans 1 à 3 mois, ont été inclus. Il y avait un grand nombre de critères d’exclusion, parmi lesquels le risque de suicide au cours des 2 dernières années, un trouble psychiatrique grave au cours des 12 mois précédents, la BPCO, une affection cardiovasculaire ou cérébrovasculaire au cours des 2 mois précédents.

Tous les patients ont reçu comme consigne de diminuer le nombre de cigarettes fumées de 50% pour la semaine 4, de 75% pour la semaine 8 et d’arrêter complètement pour la semaine 12. Les patients bénéficiaient du soutien d’un service de conseils d’une durée maximale de 10 minutes au cours de 18 rencontres personnelles et de 10 contacts téléphoniques. Le groupe intervention (n = 760) a en outre reçu de la varénicline pendant 24 semaines suivant le schéma posologique habituel (1 x 0,5 mg/jour pendant 3 jours, 2 x 0,5 mg/jour pendant 4 jours, puis 2 x 1 mg/jour).

Le nombre de cigarettes fumées à la semaine 4 a diminué de 50% chez 47,1% des patients du groupe intervention versus 31,1% des patients du groupe témoin (différence de 16% avec IC à 95% de 11,2% à 20,9%) et de 75% chez 26,3% des patients du groupe intervention versus 15,1% des patients du groupe témoin (différence de 11,3% avec IC à 95% de 7,2% à 15,3%) à la semaine 8. Au cours des 10 dernières semaines du traitement (semaines 15 à 24) (critère de jugement primaire), l’arrêt du tabagisme confirmé par la valeur de CO a été observé chez 32,1% des patients du groupe intervention versus 6,9% des patients du groupe témoin (différence de 25,2% avec IC à 95% de 21,4% à 29%). De la semaine 21 à la semaine 52, l’arrêt du tabagisme confirmé par la valeur de CO a été observé chez 27% des patients du groupe intervention versus 9,9% des patients du groupe témoin (différence de 17,1% avec IC à 95% de 13,3% à 20,9%). La plupart des effets indésirables (principalement des nausées et des vomissements, des rêves anormaux, de l’insomnie, de la constipation et une prise de poids) étaient plus fréquents dans le groupe varénicline (82,3%) que dans le groupe témoin (72,5%). Il n’y avait toutefois pas de différence statistiquement significative quant aux effets indésirables graves (3,7% versus 2,2% ; p = 0,07) ni quant à l’augmentation du score de dépression (22,5% versus 19,5% ; p = 0,16).

Il s’agit d’une étude qui a été correctement menée d’un point de vue méthodologique, avec évaluation biochimique de l’arrêt du tabagisme, période de suivi suffisamment longue, accompagnement intensif, relevé exhaustif des effets indésirables connus, analyse statistique en intention de traiter, dans laquelle les patients sortis de l’étude ont été considérés comme des fumeurs. Cependant, le grand nombre de critères d’inclusion et d’exclusion limite l’extrapolabilité des résultats à la pratique de médecine (générale) mais est cohérent avec les mises en garde et précautions d’emploi de la notice. La comparaison entre la varénicline et une substitution nicotinique aurait été complémentaire du point de vue clinique. Enfin, nous voulons encore souligner le fait que seulement un quart des patients du groupe intervention a atteint 75% de réduction du tabagisme. Cela confirme l’interprétation de ne passer par une diminution du tabagisme que dans des circonstances exceptionnelles et de d’abord motiver les fumeurs à arrêter de manière radicale, même ceux qui sont dubitatifs à ce sujet.              

 

Conclusion

Cette étude multicentrique, multinationale, de bonne qualité méthodologique, montre que chez des patients qui ont l’intention d’arrêter de fumer dans une période d’1 à 3 mois, la varénicline, associée à un accompagnement intensif, aide à réduire le nombre de cigarettes fumées et augmente la probabilité d’arrêter complètement de fumer, versus placebo, à condition de respecter les mises en garde et les précautions d’emploi de la molécule. Les effets indésirables de la varénicline sont nombreux, fréquents, et parfois graves.

 

 

Références 

  1. American Cancer Society: Guide to Quitting Smoking. Last revised : 2.6.2014.
  2. Fiore MC, Jaén CR, Baker TB, et al. Treating Tobacco Use and Dependence: 2008 Update. U.S. Department of Health and Human Services 2008.
  3. National Institute for Health and Care Excellence. Smoking: tobacco harm-reduction approaches overview. NICE Pathways 2014.
  4. Boudrez H. Fumer: arrêter subitement ou progressivement ? MinervaF 2013;12(6):71-2.
  5. Tobacco: harm-reduction approaches to smoking. NICE guidelines [PH45] 2013.
  6. Moore D, Aveyard P, Connock M, et al. Effectiveness and safety of nicotine replacement therapy assisted reduction to stop smoking: systematic review and meta-analysis. BMJ 2009;338:b1024.
  7. Ebbert JO, Hughes JR, West RJ, et al. Effect of Varenicline on Smoking Cessation Through Smoking Reduction. JAMA 2015;313:687-94.

 


Auteurs

Boudrez H.
psycholoog-tabacoloog, Universiteit Gent
COI :

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