Revue d'Evidence-Based Medicine



Efficacité des interventions pour le contrôle du poids chez l’enfant



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 10 Page 116 - 117

Professions de santé


Analyse de
Whitlock EP, O’Connor EA, Williams SB, et al. Effectiveness of weight management interventions in children: a targeted systematic review for the USPSTF. Pediatrics 2010;125:e396-e418.


Question clinique
Quels sont les bénéfices et les inconvénients des interventions comportementales et pharmacologiques pour le contrôle du poids chez les enfants et adolescents en surpoids ou obèses ?


Conclusion
Cette synthèse de la littérature concerne des études récentes, relativement hétérogènes, montrant globalement un intérêt surtout d’interventions comportementales modérément (26 à 75 heures) à fort (> 75 heures) intensives en termes de réduction de l’IMC chez des enfants et adolescents en surpoids ou obèses. Ces interventions nécessitent la collaboration d’équipes multidisciplinaires formées.


 

Contexte

L’obésité chez l’enfant peut provoquer des problèmes physiques (hypertension artérielle, anomalies de la glycorégulation, complications orthopédiques) ou psychiques (détresse psychologique) et représente un facteur prédictif important d’obésité et de morbi-mortalité associée chez l’adulte (1). Contrairement à la situation chez l’adulte, nous disposions de très peu de preuves de l’efficacité d’interventions pour le contrôle du poids chez l’enfant et l’adolescent en surpoids. Des recherches ont été publiées ces cinq dernières années concernant des interventions comportementales (avec ou sans médicament chez l’adolescent). Une nouvelle synthèse de la littérature était nécessaire.

 

Résumé

Méthodologie

Synthèse méthodique

Sources consultées

  • synthèse réalisée en 2005 par les mêmes auteurs et synthèses méthodiques de NICE et de l’AHRQ
  • pour la mise à jour 
    • bases de données Ovid MEDLINE, PsycINFO, the Education Resources Information Center, DARE, bases de données Cochrane (jusqu’en juin 2008)
    • consultation des listes de références des autres synthèses et études et des recommandations d’experts
  • recherche limitée à la littérature en anglais.

Etudes sélectionnées

  • 15 études (sur 369 articles pris en considération) évaluant l’efficacité et la sécurité en première ligne de soins d’un traitement sur le poids, sur les comorbidités liées au poids et ses désavantages
  • les interventions comportementales et cognitives incluent une modification de l’alimentation, de l’activité physique, impliquent les parents ou la famille entière particulièrement pour les jeunes enfants
  • critères d’inclusion des études : liste détaillée prédéterminée (en annexe de la publication originale) des critères pour la population, le protocole, le contexte, le type d’intervention, les critères de jugement
  • critères d’exclusion : e.a. troubles alimentaires, obésité secondaire, projets dans le cadre d’écoles ou d’une hospitalisation.

Population étudiée

  • études comportementales : 1 258 enfants et adolescents âgés de 4 à 18 ans en surpoids (IMC > percentile 85 pour l’âge et le sexe) ou obèses (IMC > percentiles 95 à 97)
  • études comportementales + médicament : 1 294 adolescents obèses âgés de 12 à 18 ans.

Mesure des résultats

  • taille de l’effet sur le poids exprimée en Différence Moyenne Standardisée (DMS) pour la méta-analyse, toutes les études ne mentionnant pas l’IMC et les changements d’IMC
  • différence en IMC kg/m² donnée pour certaines études originales individuellement.

Résultats

  • les interventions comportementales (9 RCTs et 2 études cliniques contrôlées) détaillées d’intensité moyenne à élevée (N = 3 ; durée des interventions de 35,75 à 97,5 heures) sont les plus efficaces : DMS -1,01 (IC à 95% de -1,24 à -0,78) et différence d’IMC de 1,9 à 3,3 kg/m² à 12 mois versus autres interventions ; preuves limitées du maintien du bénéfice dans les 12 mois après la fin de l’intervention ; résultats pour des critères autres que l’IMC (pression artérielle, valeurs lipidiques, etc.) peu fiables ; pas de preuve de survenue d’effets indésirables (sauf peut-être une légère augmentation du risque de lésion lors des activités physiques)
  • les interventions comportementales de (très) faible intensité (N = 3 RCTs, moins de 10 heures) montrent un bénéfice à court terme (DMS -0,39 (IC à 95% de -0,66 à -0,11)), non maintenu à 6 mois dans la seule étude le mentionnant
  • association d’un médicament à des interventions comportementales chez l’adolescent (N = 7 RCTs) : bénéfice faible (0,85 kg/m²) pour l’orlistat (N = 2, n = 579, de 12 à 18 ans) ou modéré (2,6 kg/m²) pour la sibutramine (N = 5 ; n= 715, de 12 à 18 ans) ; pas d’évaluation après l’arrêt du médicament ; effets indésirables de sévérité variable.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que, ces dernières années, la recherche pour la gestion du poids chez les enfants et adolescents obèses a progressé en qualité et quantité. Malgré des lacunes importantes, les résultats actuels étayent des bénéfices au moins à court terme d’interventions comportementales détaillées d’intensité moyenne à élevée chez des enfants et adolescents obèses.

Financement 

AHRQ (Agency for Healthcare Research and Quality) qui n’est intervenu ni dans le protocole ni dans la réalisation ni dans l’écriture de cette synthèse.

Conflits d’intérêt 

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette synthèse bénéficie d’une approche rigoureuse : recherche exhaustive dans la littérature, dans plusieurs bases de données, critères d’inclusion et d’exclusion précis et détaillés, sélection et évaluation de la qualité méthodologique (sur critères spécifiques au type d’étude) par 2 chercheurs indépendamment l’un de l’autre, exclusion des études de mauvaise qualité, extraction des données et réalisation d’un tableau de preuves (evidence table) vérifiées par un deuxième chercheur, synthèse quantitative des résultats sauf présence d’une hétérogénéité (contexte, âge, type d’intervention, critères de jugement, durée de suivi). Les auteurs soulignent dans leur discussion que les approches thérapeutiques restent hétérogènes et qu’il serait utile de dupliquer les études dont les résultats se sont montrés favorables. Il y a, entre autres, une variation importante dans la durée totale des interventions, par exemple un étalement des séances sur 15 à 48 mois pour les 4 études avec évaluation 12 mois après la fin de l’intervention.

Interprétation des résultats

Les interventions d’intensité modérée à élevée sont conduites en ambulatoire mais dans des centres de soins spécialisés (cliniques de prise en charge de l’obésité chez l’enfant). Ce sont ces dernières interventions qui sont les plus efficaces en termes de réduction de poids, un bénéfice pour d’autres critères étant mal établi. Pour les interventions de faible intensité, le bénéfice en termes de perte de poids est faible, non prouvé maintenu à 6 mois, sans donnée probante pour d’autres critères. Une des publications analysées dans cette synthèse concerne une intervention avec une équipe de soutien intervenant essentiellement par voie de mail ou de soutien téléphonique. La faisabilité de ce type de projet au niveau belge devrait être évaluée, tout comme son efficacité en cas de mise en œuvre. D’une manière générale, le rapport coût/efficacité de toutes ces interventions devrait être aussi estimé.

Les effets indésirables de ces interventions comportementales ont été peu étudiés (rapportés dans moins de la moitié des études) mais il n’y a pas de preuve d’un retentissement sur la croissance ni de survenue de troubles pathologiques de l’alimentation ou mentaux.

Pour les médicaments en ajout à l’intervention comportementale, l’évaluation est simple : sibutramine retirée du commerce pour des raisons de sécurité, bénéfice faible et temporaire (limité à la durée d’administration) de l’orlistat chez l’adolescent (non indiqué chez l’enfant). Les effets indésirables de l’orlistat, initialement identifiés comme limités à des troubles digestifs (2) se sont révélés potentiellement plus sévères : interactions (par malabsorption) avec d’autres médicaments, risque de pancréatite et de néphropathie (3).

Mise en perspective

Les interventions comportementales pour le contrôle du poids chez les enfants et les adolescents doivent être placées dans une approche plus globale par étapes, avec une intensité variable de l’intervention en fonction de l’ampleur de l’excès de poids, de l’âge et du niveau de maturité, des risques pour la santé et de la motivation (4). L’approche commence par des messages de prévention chez les jeunes enfants avec poids normal et se prolonge dans des interventions du contrôle du poids de plus en plus intensives en fonction du degré d’obésité de l’enfant et des problèmes de santé qui y sont liés. Dans une perspective de santé publique, il est important aussi de ne pas se limiter au seul critère du poids (ou IMC) pour évaluer le bénéfice d’interventions comportementales visant à modifier les habitudes de vie et de promouvoir de tels programmes aussi en dehors du cadre de la relation médecin-patient. Par exemple, une intervention de promotion de l’activité physique en milieu scolaire (enfants de 7 à 11 ans) en Suisse (5) montre un bénéfice de celle-ci en termes de moyenne pour les facteurs composant le syndrome métabolique, pour l’IMC qui est diminué, pour la capacité à l’effort qui est augmentée chez ces 502 enfants dont 25 à 29% étaient en surpoids.

Pour la pratique

La RBP belge concernant l’obésité chez l’enfant (1) recommande, sur base d’un faible niveau de preuve, une association d’interventions comportementales (approches centrées sur la famille et/ou sur l’enfant) avec modification des comportements alimentaires, lutte contre la sédentarité et encouragement de l’activité physique générale quotidienne.

La synthèse de la littérature analysée ici apporte des preuves complémentaires de l’intérêt d’interventions comportementales modérément à fort intensives en termes de diminution de l’IMC chez des enfants et des adolescents.

 

Conclusion

Cette synthèse de la littérature concerne des études récentes, relativement hétérogènes, montrant globalement un intérêt surtout d’interventions comportementales modérément (26 à 75 heures) à fort (> 75 heures) intensives en termes de réduction de l’IMC chez des enfants et adolescents en surpoids ou obèses. Ces interventions nécessitent la collaboration d’équipes multidisciplinaires formées.

 

Références

  1. Niesten L, Bruwier G. Recommandations de Bonne Pratique. L’obésité chez l’enfant. SSMG 2007.
  2. Orlistat. Gare à la précipitation. Rev Prescr 1999;19:243.
  3. Orlistat sans ordonnance : interactions, pancréatites, néphropathies, etc. Rev Prescr 2010;30:187.
  4. Barlow SE; Expert Committee. Expert committee recommendations regarding the prevention, assessment, and treatment of child and adolescent overweight and obesity: summary report. Pediatrics 2007;120(suppl 4):S164-S92.
  5. Kriemler S, Zahner L, Schindler C, et al. Effect of school based physical activity programme (KISS) on fitness and adiposity in primary schoolchildren: cluster randomised controlled trial. BMJ 2010;340:c785.
Efficacité des interventions pour le contrôle du poids chez l’enfant



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