Revue d'Evidence-Based Medicine



Exercices pour le syndrome fémoro-patellaire douloureux



Minerva 2010 Volume 9 Numéro 8 Page 94 - 95

Professions de santé


Analyse de
van Linschoten R, van Middelkoop M, Berger MY, et al. Supervised exercise therapy versus usual care for patellofemoral pain syndrome: an open label randomised controlled trial. BMJ 2009;339:b4074.


Question clinique
Quelle est l’efficacité d’un traitement basé sur des exercices supervisés en comparaison avec un traitement classique chez des jeunes adultes présentant un syndrome fémoro-patellaire douloureux ?


Conclusion
Cette étude évaluant un programme d’exercices versus soins habituels chez des jeunes adultes avec un syndrome fémoro-patellaire douloureux et recrutés par un médecin généraliste, montre un bénéfice pour certains critères sans conclusion possible quant à la pertinence clinique de l’amélioration observée.


 

Contexte

Il n’existe pas de consensus pour la prise en charge du syndrome fémoro-patellaire douloureux (SFPD). Certains médecins sont attentistes (« wait and see attitude ») favorisant le repos et limitant les mouvements provoquant la douleur. D’autres favorisent un traitement à base d’exercices (renforcement des quadriceps,…). Une méta-analyse de Heintjes et coll. (1) a montré de faibles preuves d’un bénéfice de tels exercices sur la douleur et des preuves contradictoires quant au bénéfice fonctionnel. Une RCT évaluant l’intérêt de tels exercices versus des soins habituels pour ces deux critères était la bienvenue.

 

Résumé

Population étudiée

  • 131 patients âgés de 14 à 40 ans : âge moyen 24 ans (ET 8,2), 36% d’hommes ; recrutés dans des pratiques de médecine générale ou dans des centres médicaux pour sportifs aux Pays-Bas
  • critères d’inclusion : SFPD d’une durée minimum de deux mois et maximum de deux ans ; SFPD défini par la présence d’au moins 3 symptômes parmi les suivants : douleur à la montée ou descente d’escalier, à l’accroupissement, à la course, en pédalant, en position assise avec les genoux fléchis pendant longtemps, grippage rotulien, test rotulien positif
  • exclusion : ostéoarthrite du genou, tendinopathie patellaire, maladie d’Osgood Schlatter, ou toute autre atteinte pathologique du genou ou ancien trauma ou opération du genou.

Protocole d’étude

  • étude multicentrique, randomisée et contrôlée
  • intervention : série d’exercices standardisés, supervisée par un kinésithérapeute, avec intensité croissante adaptée individuellement et en fonction de la douleur ; associée à des exercices à domicile sur une période de trois mois (n= 65)
  • versus soins courants (n=66)
  • informations standardisées complémentaires dans les 2 groupes : manuel à propos du SFPD, de son bon pronostic, de la nécessité de limiter les exercices qui provoquent la douleur et de l’importance de réaliser des contractions isométriques des quadriceps de manière quotidienne
  • analyse en intention de traiter.
Programme d’exercices : échauffement général sur bicyclette ergométrique, puis exercices musculaires statiques et dynamiques pour le quadriceps, les adducteurs et les fessiers.

 

Mesure des résultats

Critères de jugement primaires (mesurés à 3 et à 12 mois de suivi) :

  • récupération perçue en comparaison avec le début de l’étude (mesurée au moyen d’une échelle de Likert à 7 points allant de « récupération complète » à « dégradation complète »)
  • (in)capacité fonctionnelle (mesurée au moyen de l’échelle fémoro-patellaire de Kujala sur 100 points allant de « incapacité totale » à « pleinement fonctionnel »)
  • intensité de la douleur au repos et en activité (échelle numérique de 10 points allant de 0 (pas de douleur) à 10 points (douleur insupportable)). 

Résultats

  • critères primaires
    • après trois mois,
      • réduction de la douleur au repos supérieure dans le groupe intervention : différence ajustée -1,07 (IC à 95% de -1,92 à -0,22 ; p=0,01) au repos et -1,00 (IC à 95% -1,91 à -0,08 ; p=0,03) à l’effort
      • capacité fonctionnelle supérieure dans le groupe intervention : différence ajustée de 4,92 (IC à 95% de 0,14 à 9,72 ; p=0,04)
      • récupération perçue par le patient : pas de différence mais supériorité dans le groupe intervention si prise en compte des signes d’amélioration même minimes : NST de 3,6
    • après douze mois
      • réduction de la douleur supérieure dans le groupe intervention : -1,29 (IC à 95% de -2,16 à -0,42 ; p<0,01) au repos et -1,19 (IC à 95% -2,22 à –0,16 ; p=0,02) à l’effort
      • capacité fonctionnelle : pas de différence significative
      • récupération perçue par le patient : pas de différence significative.
  • patients recrutés par un médecin généraliste uniquement (et non par un médecin du sport) : différence significative versus placebo pour les scores de douleur et de fonction à 3 et 12 mois.
  • consommation d’AINS oral ou topique : 2 à 4 fois plus importante dans le groupe contrôle.

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que chez des patients recrutés en médecine générale, le traitement du syndrome fémoro-patellaire douloureux est plus efficace quand il est  basé sur des exercices supervisés par rapport à une prise en charge classique pour ce qui concerne la douleur et les aspects fonctionnels à court et à long terme. Cependant, il n’y a pas de différence significative en faveur de ces exercices en termes de récupération telle que perçue par le patient.

Financement 

ZON-MW (organisation néerlandaise pour la recherche et le développement en soins de santé).

 

Conflits d’intérêt 

Aucun n’est déclaré.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette RCT bénéficie d’un bon protocole. Les auteurs ont prévu une stratification initiale suivant l’âge du patient et le mode de recrutement (médecin généraliste ou médecin du sport) avec randomisation bien aléatoire. Ils ont réalisé des analyses en régression pour différentes variables pronostiques et ajusté les analyses pour les valeurs initiales et les facteurs pronostiques possibles. Plusieurs limites sont cependant à souligner : absence de double aveugle (difficile voire impossible pour des exercices) sans évaluation en insu, rôle de supervision du kinésithérapeute avec attention portée à ses patients, augmentation de la motivation possible dans le groupe intervention (effet Hawthorne). Ces trois limites sont d’autant plus importantes que l’évaluation des trois critères primaires est faite par le patient lui-même, sur questionnaire. Une remarque peut être également faite sur la pose du diagnostic de SFPD, les chercheurs n’ayant en effet pas supervisé les médecins dans leur appréciation diagnostique. Le diagnostic repose sur un choix entre différents critères de sensibilité et de spécificité non connues, ce qui peut entraîner une variabilité importante dans la conclusion diagnostique entre les différents praticiens.

Interprétation des résultats

Cette étude ne nuance que partiellement les résultats de la méta-analyse de Heintjes (1) qui ne concerne que des exercices de renforcement du quadriceps (N=12, n= 697, de 18 à 112 patients par étude). Dans cette étude-ci, les résultats montrent, après 3 ou 12 mois, une amélioration pour ce qui concerne la douleur et la capacité fonctionnelle dans le groupe intervention. La pertinence clinique de la différence statistiquement significative n’est cependant pas évaluée pour ces deux critères et la différence de sensation subjective  d’amélioration des symptômes douloureux n’est, elle, pas statistiquement significative. Elle ne devient significative dans le groupe intervention qu’en prenant en compte aussi les améliorations minimes. Les patients enrôlés par les médecins généralistes (n=101) bénéficient des exercices en termes d’amélioration de la douleur et de la fonction alors que ceux enrôlés par les médecins du sport (n=30) non. Le large intervalle de confiance ne permet pas d’exclure une observation de ce phénomène par hasard ; une des hypothèses est fournie par une récente revue systématique (2) qui montre une variabilité importante des croyances et des attitudes des médecins généralistes face à l’utilité des exercices dans le cadre du traitement du genou douloureux chronique.

Après 12 mois, l’ensemble des patients éprouvaient une sensation subjective d’amélioration  sans différence significative entre les groupes. Ceci pourrait laisser penser que les symptômes peuvent se résoudre spontanément avec le temps ; la littérature montre cependant que ce n’est pas le cas, une évolution vers la chronicisation étant plutôt de mise (3). Une étude prospective récente montre que la persistance des symptômes douloureux après une année ainsi qu’un mauvais score de base de capacité fonctionnelle sont les facteurs de mauvais pronostic les plus significatifs (4). Les stratégies visant à prévenir la chronicité des symptômes devraient donc être mises en place précocement dans l’espoir de pouvoir améliorer le pronostic. Plusieurs études posent en effet le problème de l’intrication des facteurs psychologiques (fear-avoidance beliefs), forts prédictifs semble-t-il en termes de douleur et de capacité fonctionnelle (5). Il faut également observer qu’il n’y a pas, dans cette étude, de différence significative entre les deux groupes quant à un recours à des cotraitements à l’exception de 2 à 3 fois plus d’AINS oral et quatre fois plus d’AINS topique dans le groupe contrôle, différence constante pendant toute la durée du suivi.

Une autre étude analysée dans Minerva (6) montrait un intérêt à court terme (6 semaines) mais non à plus long terme (12 et 52 semaines) d’un recours à des orthèses plantaires moulées préfabriquées versus kinésithérapie ou orthèses factices pour un syndrome fémoro-patellaire douloureux chez des adultes.

Enfin la présente étude envisagée sous l’angle économique, montre un bénéfice des exercices prescrits en terme de coût-efficacité, et ce principalement en raison de la réduction de l’absentéisme engendré par le SFPD sur le lieu de travail (7) ; une extrapolabilité à la population belge reste à évaluer.

Pour la pratique

Nous n’avons pas trouvé de guide de pratique concernant la prise en charge d’un syndrome fémoro-patellaire douloureux. Une précédente méta-analyse (1) de petites études contrôlées mais non nécessairement randomisées, concernait essentiellement des exercices de renforcement du quadriceps et concluait à des preuves limitées de l’efficacité de tels exercices en termes de réduction de la douleur, mais à des résultats contradictoires en ce qui concerne l’amélioration fonctionnelle. Cette étude-ci évalue un programme d’exercices supervisés beaucoup plus vaste et montre, pour les patients recrutés par un médecin généraliste, une amélioration de pertinence clinique non évaluée pour la douleur et pour les aspects fonctionnels mais pas pour la récupération perçue par le patient… qui s’absente cependant moins de son travail grâce à la pratique des exercices. Nous ne disposons donc toujours pas de preuves suffisantes pour faire des recommandations.

 

Conclusion

Cette étude évaluant un programme d’exercices versus soins habituels chez des jeunes adultes avec un syndrome fémoro-patellaire douloureux et recrutés par un médecin généraliste, montre un bénéfice pour certains critères sans conclusion possible quant à la pertinence clinique de l’amélioration observée.

 

Références

  1. Heintjes E, Berger MY, Bierma-Zeinstra SM, et al. Exercise therapy for patellofemoral pain syndrome. Cochrane Database Syst Rev 2003, Issue 4:
  2. Cottrell E, Roddy E, Foster NE. The attitudes, beliefs and behaviours of GPs regarding exercise for chronic knee pain: a systematic review. BMC Fam Pract 2010;11:4.
  3. Nimon G, Murray D, Sandow M, Goodfellow J. Natural history of anterior knee pain: a 14- to 20-year follow-up of nonoperative management. J Pediatr Orthop 1998;18:118-22.
  4. Collins NJ, Crossley KM, Darnell R, Vicenzino B. Predictors of short and long term outcome in patellofemoral pain syndrome: a prospective longitudinal study. BMC Musculoskelet Disord 2010;11:11.
  5. Piva SR, Fitzgerald GK, Wisniewski S, Delitto A. Predictors of pain and function outcome after rehabilitation in patients with patellofemoral pain syndrome. J Rehabil Med 2009;41:604-12.
  6. Chevalier P. Syndrome fémoropatellaire : orthèse plantaire ou physiothérapie ? MinervaF 2010;9(3):34-5.
  7. Tan SS, van Linschoten RL, van Middelkoop M, et al. Cost-utility of exercise therapy in adolescents and young adults suffering from the patellofemoral pain syndrome. Scand J Med Sci Sports 2009, Aug 23 [Epub ahead of print].
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