Revue d'Evidence-Based Medicine



La contraception orale augmente-t-elle le risque de cancer du sein avant la ménopause ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 10 Page 152 - 153

Professions de santé


Analyse de
Kahlenborn C, Modugno F, Potter DM, Severs WB. Oral contraceptive use as a risk factor for premenopausal breast cancer: a meta-analysis. Mayo Clin Proc 2006;81:1290-302.


Question clinique
Existe-t-il un lien entre l’utilisation d’une contraception orale et le risque de survenue d’un cancer du sein avant la ménopause ?


Conclusion
Cette méta-analyse d’études cas-contrôles, ainsi qu’une étude cas-contrôles plus récente, suggèrent que l’utilisation d’une contraception orale, surtout à un jeune âge (avant la première grossesse), est liée à un risque accru de cancer du sein avant la ménopause. Une étude de cohorte suivant de jeunes consommatrices de CO et enregistrant la survenue des cancers du sein avant la ménopause est nécessaire dans les meilleurs délais. La contraception orale reste une méthode contraceptive sûre. Il faut prendre le temps d’un bon counselling, avec discussion des avantages comme des inconvénients de son utilisation, lors de sa prescription. Un suivi soigneux des jeunes femmes qui y ont recours en matière de dépistage du cancer du sein est à envisager mais ses modalités ne sont pas (encore) consensuelles.


 

Résumé

Contexte

Des facteurs de risque d’incidence accrue de cancer du sein ont été précédemment décrits : antécédents familiaux de cancer du sein, ménarche précoce, ménopause tardive, nulliparité, absence d’allaitement maternel donné. L’Organisation Mondiale de la Santé a récemment inclus les contraceptifs oraux (CO) comme les traitements hormonaux substitutifs (THS) de la ménopause parmi les carcinogènes du groupe 1.

 

Méthodologie

Synthèse méthodique et méta-analyse

Sources consultées

  • MEDLINE (Pubmed)
  • listes de référence des études et méta-analyses.

Etudes sélectionnées

  • 34 études cas-contrôles publiées depuis 1980
  • avec des femmes en pré-ménopause ou âgées de moins de 50 ans
  • ayant pris une CO durant plus de 6 mois avant leur première grossesse
  • 14 études se déroulent au départ de l’hôpital.

Population étudiée

  • inclusion : 18 105 patientes avec un cancer du sein, en comparaison avec 27 343 femmes ne présentant pas de cancer du sein
  • âge à l’inclusion variant entre 20-34 jusqu’à <50 ans
  • femmes vivant dans différents pays d’Amérique, d’Europe ou d’Asie.

Mesure des résultats

Lien entre la survenue d’un cancer du sein et l’utilisation d’une contraception orale.

 

Résultats

  • risque globalement accru avec la CO : OR sommé 1,19 (IC à 95% de 1,09 à 1,29) avec hétérogénéité des études
  • pour les nullipares ayant utilisé à un moment donné une CO : OR 1,24 (0,92 à 1,67)
  • pour les nullipares ayant utilisé une CO pendant plus de 4 ans : OR 1,29 (0,85 à 1,96)
  • pour les primi- et multipares ayant utilisé une CO à un moment donné : OR 1,29 (1,20 à 1,40)
  • pour les primi- et multipares ayant utilisé une CO avant la première grossesse : OR 1,44 (1,28 à 1,62)
  • pour les primi- et multipares ayant utilisé une CO pendant au moins 4 ans avant la première grossesse : OR 1,52 (1,26 à 1,82)
  • pour les primi- et multipares ayant utilisé une CO après la première grossesse : OR 1,15 (1,06 à 1,26).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’une utilisation d’une contraception orale s’accompagne d’un risque accru de cancer du sein, surtout en cas d’usage avant la première grossesse chez les femmes primi- et multipares.

 

Financement

National Institutes of Health.

 

Conflits d’intérêt

Non mentionnés.

 

Discussion

 

Considérations sur la méthodologie

Les auteurs de cette méta-analyse ont recours à une bonne stratégie de recherche, et les études localisées sont analysées par deux chercheurs indépendamment l’un de l’autre. Il faut souligner qu’ils n’ont trouvé que trois études cas-contrôles publiées sur les dix dernières années. L’extraction des données est faite suivant une liste de contrôle, mais la variabilité inter observateurs n’est pas mentionnée. Aucune évaluation qualitative des études originales n’est rapportée. Il existe une hétérogénéité claire parmi les études, et les auteurs ne peuvent en déterminer la cause. L’effet réel peut s’en trouver surestimé.

Comme le mentionne James (1) dans une correspondance en réaction à l’article, les auteurs ne tiennent pas compte des facteurs confondants. Un recours précoce à une contraception orale est probablement lié à des comportements à risque tels que le tabac, les grossesses non désirées, etc. Les résultats ne peuvent également être corrigés en fonction de la dose des préparations hormonales ; cette dose n’influence cependant probablement pas le risque. La plupart des femmes ont pris des pilules contenant des doses faibles d’estrogènes, mais également, dans ce cas, avec des progestagènes potentiellement plus forts. L’interprétation devient difficile : le risque de cancer est-il davantage lié à des doses plus élevées d’estrogènes ou au type de progestagène ?

 

Résultats en perspective

Une étude de cohorte récemment publiée par le Royal College of General Practitioners a suivi des femmes d’âge moyen de 29 ans à l’inclusion, jusqu’à la post-ménopause. Les auteurs de cette publication soulignent que ce terme est un des points les plus forts de leur étude, l’incidence de cancer du sein étant la plus élevée à cet âge-là (2). Cette recherche montre une diminution statistiquement significative du nombre total de cancers chez les consommatrices de CO : RR corrigé 0,88 ; IC à 95% de 0,83 à 0,94. Pour les cancers les plus fréquents, particulièrement le cancer du sein, aucune différence n’est observée entre consommatrices et non utilisatrices de CO. Etant donné un pronostic plus péjoratif du cancer du sein pré-ménopausique, il est dommage que les chercheurs n’aient pas fait de distinction pour les cancers pré- et post-ménopausiques.

Une autre étude cas-contrôles de Jernström, effectuée en Suède, évalue l’incidence de cancer du sein chez 245 femmes âgées de moins de 40 ans, ce qui correspond mieux à la question clinique soulevée par notre méta-analyse. Cette étude tient compte, et c’est intéressant, de facteurs confondants tels que l’anamnèse familiale de cancer du sein, le tabagisme et la fertilité. De plus, des données précises sont fournies quant au type de contraceptif oral utilisé. L’OR corrigé est de 2,10 (IC à 95% de 1,32 à 3,33) pour des femmes ayant utilisé une CO avant l’âge de 20 ans et de 1,63 (1,02 à 2,62) pour les femmes y ayant eu recours avant leur première grossesse. Chaque année d’utilisation avant l’âge de 20 ans est liée à un risque accru de cancer du sein à un jeune âge (3). Cette étude confirme donc les résultats de la méta-analyse évaluée.

 

Conclusion

Cette méta-analyse d’études cas-contrôles, ainsi qu’une étude cas-contrôles plus récente, suggèrent que l’utilisation d’une contraception orale, surtout à un jeune âge (avant la première grossesse), est liée à un risque accru de cancer du sein avant la ménopause. Une étude de cohorte suivant de jeunes consommatrices de CO et enregistrant la survenue des cancers du sein avant la ménopause est nécessaire dans les meilleurs délais.

La contraception orale reste une méthode contraceptive sûre. Il faut prendre le temps d’un bon counselling, avec discussion des avantages comme des inconvénients de son utilisation, lors de sa prescription. Un suivi soigneux des jeunes femmes qui y ont recours en matière de dépistage du cancer du sein est à envisager mais ses modalités ne sont pas (encore) consensuelles.

 

Références

  1. James WH. Association between oral contraceptive use and premenopausal breast cancer: mediated by hormonal confounders? Mayo Clin Proc 2007;82:385.
  2. Hannaford PC, Selvaraj S, Elliott AM, et al. Cancer risk among users of oral contraceptives: cohort data from the Royal College of General Practitioner’s oral contraception study. BMJ 2007;335:651-4.
  3. Jernström H, Loman N, Johannson OT, et al. Impact of teenage oral contraceptive use in a population-based series of early-onset breast cancer cases who have undergone BRCA mutation testing. Eur J Cancer 2005;41:2312-20.
La contraception orale augmente-t-elle le risque de cancer du sein avant la ménopause ?

Auteurs

Peremans L.
Vakgroep Eerstelijns- en Interdisciplinaire Zorg, Universiteit Antwerpen; Departement Maatschappelijke Gezondheidszorg, Vrije Universiteit Brussel
COI :

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