Revue d'Evidence-Based Medicine



Rajouter de la rosiglitazone ou majorer la dose de glipizide chez des patients âgés présentant un diabète mal contrôlé ?



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 2 Page 30 - 32

Professions de santé


Analyse de
Rosenstock J, Goldstein BJ, Vinik AI, et al; and the RESULT Study Group. Effect of early addition of rosiglitazone to sulphonylurea therapy in older type 2 diabetes patients (>60 years): the Rosiglitazone Early vs SULphonylurea Titration (RESULT) study. Diabetes Obes Metab 2006;8:49-57.


Question clinique
Quelles sont l’efficacité, la sécurité et la tolérance de l’adjonction de rosiglitazone versus augmentation progressive de la dose de sulfonylurée chez des patients plus âgés présentant un diabète de type 2 et dont la glycémie est insuffisamment contrôlée avec la sulfonylurée en monothérapie ?


Conclusion
Cette étude montre que l’ajout de rosiglitazone au glipizide améliore le contrôle métabolique et ralentit la progression de la maladie chez des patients diabétiques de type 2 âgés de plus de 60 ans. Il y a cependant des limites méthodologiques importantes et les résultats ne sont pas extrapolables vers les patients de notre pratique de médecine générale. La place de la rosiglitazone dans la stratégie thérapeutique du généraliste demeure donc trop pauvre en preuves. Une comparaison entre la rosiglitazone et le passage à l’insuline en termes d’impact sur les complications et sur le rapport coût/bénéfices fait défaut. Un passage à la rosiglitazone peut uniquement être envisagé pour les personnes qui ne supportent pas la metformine et les sulfonylurées.


 

Résumé

Contexte

La dose de sulfonylurée ou de metformine est souvent progressivement augmentée pour maintenir le contrôle glycémique. De précédentes études ont montré que la courbe dose-réponse des sulfonylurées fléchit avec le temps et l’étude UKPDS a observé, après trois ans de traitement, une nécessité pour 50% des diabétiques de recourir à plusieurs classes de médicaments pour obtenir un bon contrôle métabolique 1.

Population étudiée

Dans 48 centres nord-américains, sont recrutés 357 hommes et femmes âgés de plus de 60 ans présentant un diabète de type 2, traités depuis plus de trois mois par une dose sous-maximale de sulfonylurée et qui présentent une glycémie à jeun oscillant entre 126 et 250 mg/dl. Les personnes présentant un angor sévère et instable, une ischémie coronarienne ou une insuffisance cardiaque (NYHA classe III/IV) sont exclues. Finalement, 227 patients diabétiques d’un âge moyen d’environ 68 (ET 6) ans (70% d’hommes) sont inclus dans l’étude. Leur diabète évoluait depuis en moyenne 6,8 (ET 6) années et les valeurs moyennes pour l’IMC sont d’environ 30 (ET 5) kg/m², pour la glycémie à jeun de 168 (ET 30) mg/dl et pour l’HbA1c de 7,7% (ET 1). Parmi les participants, 99% prennent au moins un autre médicament, 57% présentent une hypertension et 47% une dyslipidémie.

Méthodologie

Etude contrôlée, randomisée en double aveugle. Après une période d’inclusion de quatre semaines, durant laquelle les participants sont traités par 10 mg de glipizide deux fois par jour et un placebo une fois par jour, les sujets sont répartis soit dans un groupe qui continue à recevoir du glipizide plus placebo (n=111), soit dans un groupe qui reçoit une fois par jour 4 mg de rosiglitazone et deux fois par jour 10 mg de glipizide (n=116). Les doses de rosiglitazone (et de placebo) et de glipizide sont augmentées progressivement, pour atteindre un maximum de 8 mg/jour pour la rosiglitazone et de 30 à 40 mg/jour pour le glipizide afin d’atteindre ainsi les objectifs de l’American Diabetes Association. Si le contrôle glycémique est insuffisant, le glipizide peut être arrêté et une insulinothérapie initiée. L’étude s’est déroulée sur une période de 24 mois.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la progression de la maladie, définie par une glycémie à jeun >180 mg/dl malgré une augmentation titrée maximale des médicaments de l’étude. Les critères d’évaluation secondaires sont : nécessité d’administrer la dose titrée maximale de glipizide ; modification de la glycémie à jeun, HbA1c, lipides sériques, résistance à l’insuline et changements pour une série de questionnaires (e.a. SF-36) après 24 mois de traitement. Les visites au service des urgences, les hospitalisations et les symptômes d’hypoglycémie sont également enregistrés. L’étude est faite en intention de traiter.

Résultats

Seuls 147 participants (90 dans le groupe rosiglitazone et 57 dans le groupe glipizide) atteignent la fin de l’étude. La maladie progresse chez 28,7% des personnes du groupe glipizide versus 2% du groupe rosiglitazone + glipizide (HR 0,048; p<0,0001). Dans le groupe rosiglitazone + glipizide, 51,3% des patients voient leur diabète contrôlé avec une dose de 4 mg de rosiglitazone et de 2 x 10 mg de glipizide et seuls 11,3% doivent recevoir une dose maximale de glipizide, versus 48,1% dans le groupe glipizide. A la fin de l’étude, la glycémie à jeun, l’HbA1c et l’insulinorésistance sont significativement plus basses dans le groupe rosiglitazone + glipizide versus groupe glipizide. Davantage de personnes du groupe glipizide sortent de l’étude en raison d’une chute du contrôle glycémique. Le nombre de sorties d’étude en raison d’effets indésirables ou de survenue d’hypoglycémie symptomatique n’est pas différent pour les deux groupes. Dans le groupe rosiglitazone + glipizide, le nombre d’hospitalisations et de visites au service des urgences est significativement moindre et la durée d’hospitalisation est significativement plus courte que dans le groupe glipizide. Le taux de satisfaction est plus grand dans le groupe rosiglitazone + glipizide, mais il n’y a pas de différence significative pour le score SF-36.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que l’ajout de rosiglitazone au glipizide chez des patients diabétiques de type 2 âgés de plus de 60 ans améliore le contrôle glycémique et ralentit la progression de la maladie comparé à une majoration de la dose de sulfonylurée. Le traitement combiné augmente le taux de satisfaction et diminue le nombre d’hospitalisations ainsi que la durée d’hospitalisation. Un ajout précoce de rosiglitazone est une option thérapeutique efficace chez des patients diabétiques âgés qui sont insuffisamment contrôlés par une sulfonylurée en monothérapie.

Financement

Non mentionné.

Conflits d’intérêt

Des employés de GlaxoSmithKline sont impliqués dans l’analyse des données. Un des auteurs est employé chez GlaxoSmithKline.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

L’étude RESULT est la première étude prospective qui compare l’efficacité de l’association de rosiglitazone et de glipizide versus glipizide seul. Le taux de sorties d’étude global, de 35% pour les deux groupes, est surprenant. Ce taux est de près de 50% pour le groupe glipizide, motivé par l’insuffisance d’efficacité du traitement. Il y a peu d’information concernant les personnes du groupe glipizide, qui, arrivées au dosage maximal, sont passées à l’insuline ; seul leur nombre (onze) est connu. Une comparaison entre le groupe rosiglitazone et le « groupe insuline » n’est donc pas possible. La population incluse n’est pas représentative de la pratique quotidienne avec des patients diabétiques. Les personnes présentant un angor sévère ou instable, une ischémie coronarienne ou une insuffisance cardiaque sévère sont exclues. Les résultats de cette étude ne sont donc pas généralisables. De plus, le critère de jugement primaire et certainement les critères secondaires sont intermédiaires. Le critère de jugement primaire laisse supposer qu’il y aurait une possibilité de moindres complications, mais nous ne disposons d’aucun élément de preuve. D’une part, le délai pour observer un épuisement thérapeutique est une donnée intéressante du point de vue physiopathologique et son résultat représente un pont possible entre la recherche et la pratique clinique. Mais d’autre part, nous ne disposons pas d’arguments pour donner à la rosiglitazone, sur base de critères intermédiaires, une nouvelle place dans la gestion médicamenteuse du diabète de type 2.         

Autres études

L’efficacité de l’association de la metformine et de la rosiglitazone a déjà été montrée dans une RCT, comparant des participants qui reçoivent soit de la rosiglitazone ajoutée à 2,5 g de metformine par jour, soit de la metformine seule. Le NST pour obtenir une HbA1c <7% n’est que de 7 2. L’efficacité de l’association de metformine et de sulfonylurée est aussi évaluée dans une étude d’observation allemande, récemment publiée, incluant 19 962 personnes présentant un diabète de type 2 mal contrôlé3. Globalement, la rosiglitazone réduit de façon significative l’HbA1c. La proportion des personnes qui ont atteint une HbA1c ≤7% augmente de 13,9% à 55,5%. Les résultats de l’étude présentée sont comparables aux résultats des autres études cliniques. L’ajout de rosiglitazone au traitement médicamenteux existant n’a par contre jamais été comparé à l’ajout d’insuline au traitement de base.

Une question primordiale dans les abondantes recherches évaluant les thiazolidinediones (glitazones), est leur impact sur la fonction de la cellule β et sur la progression de la maladie chez les diabétiques de type 2 et chez les intolérants glucidiques 4. Les preuves sont actuellement encore insuffisantes pour affirmer que la baisse de l’insulinorésistance diminue également les complications cardiovasculaires.

Effets indésirables

Les effets indésirables connus de la rosiglitazone sont les suivants : œdème périphérique, rétention hydrique, majoration d’une insuffisance cardiaque ou survenue de novo de celle-ci chez des personnes à risque et perturbation des tests hépatiques 5. Des problèmes cardiovasculaires tels qu’un risque majoré d’insuffisance cardiaque ont été également décrits pour d’autres glitazones 6,7, tout comme un œdème maculaire 8.     

Recommandations

NICE recommande l’usage d’une glitazone en association avec la metformine ou avec une sulfonylurée, uniquement chez des personnes qui n’obtiennent pas un bon contrôle glycémique sous monothérapie et qui ne peuvent prendre l’association metformine + sulfonylurée en raison d’une contre-indication spécifique ou d’effets indésirables. La glitazone ne peut pas remplacer la metformine ou la sulfonylurée si le patient supporte cette association, mais bien en cas de non obtention d’un contrôle métabolique correct 9. De précédentes analyses de Minerva arrivaient aux mêmes conclusions 6,10. La Recommandation de Bonne Pratique Diabète Sucré 11 mentionne : pour pouvoir préciser la place des glitazones, il est nécessaire de comparer les associations glitazone + metformine ou glitazone + sulfonylurée avec une autre association ou avec l’insuline, ce qui n’a pas encore été fait. 

Conclusion

Cette étude montre que l’ajout de rosiglitazone au glipizide améliore le contrôle métabolique et ralentit la progression de la maladie chez des patients diabétiques de type 2 âgés de plus de 60 ans. Il y a cependant des limites méthodologiques importantes et les résultats ne sont pas extrapolables vers les patients de notre pratique de médecine générale. La place de la rosiglitazone dans la stratégie thérapeutique du généraliste demeure donc trop pauvre en preuves. Une comparaison entre la rosiglitazone et le passage à l’insuline en termes d’impact sur les complications et sur le rapport coût/bénéfices fait défaut. Un passage à la rosiglitazone peut uniquement être envisagé pour les personnes qui ne supportent pas la metformine et les sulfonylurées.                  

 

Références

  1. Turner RC, Cull CA, Frighi V, Holman RR. Glycemic control with diet, sulfonylurea, metformin, or insulin in patients with type 2 diabetes mellitus: progressive requirement for multiple therapies (UKPDS 49). UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. JAMA 1999;281:2005-12.
  2. Fonseca V, Rosenstock J, Parwardhan R, Salzman A. Effect of metformin and rosiglitazone combination therapy in patients with type 2 diabetes mellitus. A randomised controlled trial. JAMA 2000;283:1695-702.
  3. Rosak C, Standl E, Reblin T, et al. Rosiglitazone is effective and well-tolerated in a range of therapeutic regimens during daily practice in patients with type 2 diabetes. Int J Clin Pract 2006;60:1040-7.
  4. Goldstein BJ. Closing the gap between clinical research and clinical practice: can outcome studies with thiazolidinediones improve our understanding of type 2 diabetes? Int J Clin Pract 2006;60:873-83.
  5. Glitazones and hepatic and cardiac risks. Prescrire Int 2003;12:225.
  6. van Driel M, Christiaens T. Pioglitazone pour le diabète: espoirs déçus. MinervaF 2006;5(6):86-8.
  7. Mudaliaz S, Henry RR. New oral therapy for type 2 diabetes mellitus. Diabetes Care 2004;21:518-24.
  8. Kendall C, Wooltorton E. Rosiglitazone (Avandia) and macular edema. CMAJ 2006;174:623.
  9. National Institute of Health and Clinical Exellence. Glitazones in the treatment of type 2 diabetes. NICE 2003. Technology Appraisal Guidance, no 63. (Review of current guidance no 9 and no 21).
  10. Wens J. Glitazones: een nieuwe behandeling voor diabetes type 2? Huisarts Nu (Minerva) 2000;29(10):462-4.
  11. Wens J, Sunaert P, Nobels F, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: diabetes type 2. WVVH, oktober/november 2005.

Noms de marque

Glipizide : Glibenese®, Minidiab®; Rosiglitazone : Avandia®

Rajouter de la rosiglitazone ou majorer la dose de glipizide chez des patients âgés présentant un diabète mal contrôlé ?

Auteurs

Vermeire E.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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