Revue d'Evidence-Based Medicine



Vaccination HPV en prévention du cancer du col



Minerva 2007 Volume 6 Numéro 2 Page 20 - 23

Professions de santé


Analyse de
Harper DM, Franco EL, Wheeler CM, et al. Sustained efficacy up to 4.5 years of a bivalent L1 virus-like particle vaccine against human papillomavirus types 16 and 18: follow-up from a randomised control trial. Lancet 2006;367:1247-55.


Question clinique
Quelles sont, à long terme, l’efficacité et la sécurité d’un vaccin contre le papillomavirus humain (HPV), types 16 et 18, chez des femmes âgées de 15 à 25 ans, en prévention des infections à HPV et des lésions précancéreuses du col de l’utérus ?


Conclusion
Cette étude montre qu’un vaccin bivalent HPV-16/18 est efficace et sûr en termes de prévention des infections à HPV jusqu’à 4,5 ans après la vaccination. Le suivi est cependant trop court pour pouvoir évaluer l’impact complet d’une vaccination généralisée sur l’incidence de cancer du col. En outre, la meilleure stratégie de vaccination n’est pas claire, ni les groupes cibles, ni les conséquences pour une contamination par d’autres sérotypes. Le rapport coût/efficacité en Belgique n’est également pas connu. Pour toutes ces raisons, la place de ce vaccin HPV-16/18 reste à déterminer.


 

Résumé

Contexte

Différentes études ont montré l’existence d’un lien causal entre une infection persistante à papillomavirus humain, surtout de types 16 et 18, et la survenue d’un cancer du col utérin. Les premiers résultats, à court terme, montraient, grâce à ce vaccin, une réduction de l’incidence et de la persistance des infections et de survenue de lésions précancéreuses d’au moins 90% 1-3. Pour être efficace, une protection de longue durée est cependant nécessaire.

Population étudiée

En 2001, 28 centres situés au Canada, aux E.-U. et au Brésil ont recruté 1 113 femmes en bonne santé, d’un âge moyen de 20,5 (ET 2,8) ans. Les critères d’inclusion sont : avoir eu moins de six partenaires, absence d’anamnèse de Pap-test anormal ou de chirurgie du col, absence de traitement en cours pour des condylomes acuminés, séronégativité pour les HPV-16 et 18 et absence de portage de l’ADN d’HPV de type 14 à haut risque2.

Protocole d’étude

Cette étude multicentrique, en double aveugle, randomisée, contrôlée versus placebo, répartit les femmes dans deux groupes : le premier reçoit trois doses (aux mois 0, 1 et 6) d’un vaccin HPV-16/18 bivalent (n=560), le second trois injections de placebo (n=553). Après un premier suivi de 0 à 27 mois 2, l’observation a été poursuivie durant un an. Durant cette période, tous les six mois, des échantillons sériques et des frottis de col ont été prélevés chez 776 patientes.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est l’efficacité du vaccin dans la prévention de nouvelles infections à HPV-16/18. Les critères de jugement secondaires sont : l’efficacité du vaccin dans la prévention d’infections à HPV-16/18 persistantes, de lésions cytologiques associées à une infection à HPV-16/18, et d’infections à HPV à haut risque autre que les HPV 16-18. L’incidence d’infection à HPV-16/18 associée à des lésions histologiques est étudiée post hoc. La réponse immunitaire au vaccin et sa sécurité à long terme sont également étudiées. Les analyses sont faites aussi bien en intention de traiter doit être complétée par une imputation de ces résultats manquants dans les différents bras d’étude.">intention de traiter que par protocole.

Résultats

Un total de 732 femmes est observé durant une période moyenne de 47,7 (ET 3,4) mois. Plus de 98% des femmes effectivement vaccinées restent séropositives pour les HPV 16 et 18 jusqu’à 42 mois en moyenne après un schéma de vaccination complet. En analyse en intention de traiter, le vaccin présente, durant cette période, une efficacité contre l’incidence d’infection à HPV 16 et 18 de 94,4% (IC à 95% de 77,9 à 99,3; p<0,0001), contre une infection persistante à 6 mois de 95,2% (IC à 95% de 69,6 à 99,9; p<0,0001), contre une infection persistante à 12 mois de 100% (IC à 95% de 57,0 à 100,0; p=0,0007). Sur le suivi total de 47,7 mois, le vaccin montre une efficacité de 100% (IC à 95% de 42,4 à 100,0; p=0,0035) en termes de prévention des néoplasies cervicales intraépithéliales (CIN). Une protection contre des lésions associées à d’autres sérotypes à haut risque est également observée (efficacité de 58,7%; IC à 95% de 1,3 à 84,4; p=0,0315). Une protection croisée avec les sérotypes 45 et 31 semble être présente avec une efficacité respective de 94,2% (IC à 95% de 63,3 à 99,9) et de 54,5% (IC à 95% de 11,5 à 77,7). Davantage d’effets indésirables sont rapportés dans le groupe vaccination (98 vs 65, sans analyse statistique). Pas de différence entre les groupes pour les effets indésirables sévères.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que le vaccin HPV-16/18, 4,5 ans après son administration, garde une forte immunogénéité et une sécurité persistantes, et protège contre les infections à HPV-16/18 et les lésions cervicales associées. Une protection croisée est même observée.

Financement

GlaxoSmithKline Biologicals.

Conflits d’intérêt

Quatre auteurs sont employés par GlaxoSmithKline et trois autres ont des liens financiers avec cette société. Le premier auteur est contractuellement lié avec Merck&Co et 3M.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

A l’avantage de cette étude, la description précise des procédures, des techniques de laboratoire, du diagnostic anatomopathologique et des tests statistiques. Les informations concernant la population étudiée ont été prépubliées 2. La mention soigneuse des résultats contribue à la crédibilité d’une étude réalisée par un partenaire intéressé (le producteur du vaccin). Les chercheurs ont réussi à obtenir un taux de réponse important, ce qui représente souvent un problème lorsque le suivi de l’étude est prolongé. Outre les analyses sérologiques, cytologiques et biochimiques, une comparaison est réalisée entre les groupes pour certains co-facteurs importants dans la survenue d’infections à HPV. Cette comparaison est cependant présentée de façon sommaire, avec assez bien de données omises. Le critère de jugement primaire, la prévention de nouvelles infections à HPV-16/18, est d’une pertinence limitée ; une forte majorité de ces infections sont éliminées spontanément par l’organisme. Ce qu’un vaccin doit démontrer, c’est un effet protecteur contre les lésions cervicales, observation moins convaincante dans cette étude. Une réduction claire du nombre de lésions cytologiques est observée, mais il s’agit d’un nombre total faible. Le délai nécessaire pour développer de telles lésions est plus important que la durée du suivi ; la prévention de la survenue de lésions cervicales est, pour cette raison, décrite comme un critère secondaire. L’efficacité dans ce domaine devra donc encore être confirmée lors d’un suivi de plus longue durée. L’autre critère secondaire, la prévention de survenue d’infections persistantes, est bien pertinent ; les infections persistantes sont un facteur prédictif important de survenue d’une dysplasie de haut grade. Un effet protecteur du vaccin dans ce domaine est un critère intermédiaire acceptable, même s’il s’agit à nouveau d’un nombre limité de cas, avec donc de larges intervalles de confiance.

Pertinence de l’étude

En Belgique, le cancer du col utérin occupe la huitième place des cancers nouvellement diagnostiqués après les cancers du sein, du colon, de l’utérus, du rectum, des poumons, de l’ovaire et le lymphome non Hodgkinien. Chaque année, un peu plus de cent femmes meurent, en Belgique, des suites d’un cancer du col 4. Au niveau mondial, selon l’OMS, l’incidence annuelle de cancer du col est de 500 000, le deuxième cancer en fréquence chez la femme, après celui du sein 5. La prévention secondaire d’un cancer du col au moyen d’un frottis de col est, en principe, une stratégie utile, les lésions étant diagnostiquées à un stade précoce. Les décès liés à un cancer du col surviennent principalement dans les groupes qui ne participent pas à ce type de dépistage 6. La vaccination contre l’HPV, une forme de prévention primaire, est une option attirante pour cette raison, avec un avantage potentiel, s’il est possible qu’elle soit effectuée dans des groupes ne se soumettant pas au dépistage. L’intégration du dépistage HPV dans les protocoles actuels de dépistage cytologique est intéressant surtout si des lésions histologiques sont observées. Un dépistage général fait l’objet de débats ; cinq études randomisées importantes tentent actuellement, en Europe, de répondre à cette question. Elles sont cependant organisées dans des pays avec dépistage organisé et la question de l’inférence des résultats de ces études à la population belge reste posée. Le dépistage HPV est-il une alternative coût/efficace par rapport à la vaccination ? C’est peu probable, la majorité des infections HPV disparaissant spontanément et ne provoquant pas de cancer du col. Une infection mise en évidence entraînera par contre une augmentation des contacts pour dépistage, beaucoup d’insécurité inutile et peut-être également un traitement, avec les coûts inhérents.

Pour la pratique

L’observation, au-delà d’une protection contre les HPV 16 et 18, d’une protection contre l’HPV-45 (94,2%; IC à 95% de 63,3 à 99,9) et contre l’HPV-31 (54,5%; IC à 95% de 11,5 à 77,7) est un effet secondaire inattendu et favorable. La réponse immunitaire contre le HPV était réputée sérotype spécifique. Sur base de ces résultats, un vaccin efficace le serait théoriquement même à 80% dans la prévention de tous les cas de cancer du col, à condition qu’il assure une protection sur une période suffisamment longue. Cette extrapolation se base sur l’épidémiologie des sérotypes de HPV en cas de cancer du col 7. Ce raisonnement est correct mais reste une considération théorique. Les effets indésirables de la vaccination sont minimes dans cette étude. Des effets systémiques, tels que céphalées ou fatigue, ne sont pas plus fréquents dans le groupe vaccination que sous placebo. Les femmes vaccinées se plaignent cependant un peu plus fréquemment de symptômes locaux légers à modérés, de douleur, rougeur et gonflement 8. Les auteurs concluent que leurs résultats ouvrent la voie à une vaccination largement répandue de la vaccination HPV ; c’est aller un pas trop loin. La durée de suivi est trop courte pour déterminer l’efficacité du vaccin.

Questions non résolues

Trop de questions demeurent également sans réponse. L’introduction d’un vaccin contre certains sérotypes viraux ne va-t-elle pas ouvrir une niche pour d’autres types de virus 9 ? La protection est-elle à vie ? Un booster (ou plusieurs) sera-t-il (seront-ils) nécessaire(s) et dans quel délai ? L’âge précis de la vaccination (pour quel groupe cible ?) n’est pas encore déterminé par consensus 10. En plus des filles, les garçons doivent-ils être vaccinés ? Des simulations sur ordinateur ont calculé, aux E.-U. que la vaccination des fillettes lors de leur douzième année, entraînerait une réduction de 61% de l’incidence de cancer du col de l’utérus. La vaccination des garçons n’apporterait qu’une réduction supplémentaire de 2,2% mais avec un surcoût fort important et ne semble donc pas indiquée 11. De tels résultats ne sont cependant pas transposables dans des pays sans dépistage du cancer du col. Des questions demeurent également au sujet de l’information aux patients et concernant l’impact de la vaccination. Le vaccin sera-t-il accepté par les parents et par les enfants 12,13 ?. Quels messages adresser aux patients, la proposition de vaccination insistant sur le fait qu’une infection de survenue fréquente, sexuellement transmissible, cause le cancer du col utérin ? Cette vaccination modifiera-t-elle le comportement, les personnes vaccinées se sentant mieux protégées et s’exposant à des activités sexuelles plus à risque avec les conséquences possibles au niveau des autres MST ? Les femmes vaccinées participeront-elles encore aux examens gynécologiques systématiques, alors qu’une partie substantielle des sérotypes viraux à haut risque ne sont pas inclus dans le vaccin ? Les femmes qui développeront malgré tout un cancer se sentiront-elles stigmatisées ? Malgré ces questions pertinentes, l vaccin HPV quadrivalent a été accepté tant par la FDA aux E.-U. (juin 2006) que par l’EMEA en Europe (septembre 2006) et est désormais disponible en Belgique.

Conclusion

Cette étude montre qu’un vaccin bivalent HPV-16/18 est efficace et sûr en termes de prévention des infections à HPV jusqu’à 4,5 ans après la vaccination. Le suivi est cependant trop court pour pouvoir évaluer l’impact complet d’une vaccination généralisée sur l’incidence de cancer du col. En outre, la meilleure stratégie de vaccination n’est pas claire, ni les groupes cibles, ni les conséquences pour une contamination par d’autres sérotypes. Le rapport coût/efficacité en Belgique n’est également pas connu. Pour toutes ces raisons, la place de ce vaccin HPV-16/18 reste à déterminer.

 

Références

  1. Koutsky LA, Ault KA, Wheeler CM, et al. A controlled trial of a human papillomavirus type 16 vaccine. N Engl J Med 2002;347:1645-51.
  2. Harper DM, Franco EL, Wheeler C, et al. Efficacy of a bivalent L1-viruslike particle vaccine in prevention of infection with human papillomavirus types 16 and 18 in young women: a randomised controlled trial. Lancet 2004;364:1757-65.
  3. Villa LL, Costa RL, Petta CA, et al. Prophylactic quadrivalent human papillomavirus (types 6, 11, 16, 18) L1 virus-like particle vaccine in young women: a randomised double-blind placebo-controlled multicentre phase II efficacy trial. Lancet Oncol 2005;6:271-8.
  4. Vlaams Agentschap Zorg en Gezondheid. www.wvc.vlaanderen.be/gezondheidsindicatoren.
  5. Parkin DM, Pisani P, Ferlay J. Estimates of the worldwide incidence of 25 major cancers in 1990. Int J Cancer 1999;80:827-41
  6. Baay MF, Verhoeven V, Avonts D, Vermorken JB. Risk factors for cervical cancer development: what do women think? Sex Health 2004;1:145-9
  7. Munoz N, Bosch FX, de Sanjose S, et al. Epidemiologic classification of human papillomavirus types associated with cervical cancer. N Engl J Med 2003;348:518-27.
  8. Koutsky LA, Harper DM. Chapter 13: Current findings from prophylactic HPV vaccine trials. Vaccine 2006;24(Suppl 3):S114-21.
  9. Garnett GP, Waddell HC. Public health paradoxes and the epidemiological impact of an HPV vaccine. J Clin Virol 2000;19:101-11.
  10. Shaw AR. Human papillomavirus vaccines in development: if they're successful in clinical trials, how will they be implemented? Gynecol Oncol 2005;99(3 Suppl 1):S246-8.
  11. Taira AV, Neukermans CP, Sanders GD. Evaluating human papillomavirus vaccination programs. Emerg Infect Dis 2004;10:1915-23.
  12. Olshen E, Woods ER, Austin SB, et al. Parental acceptance of the human papillomavirus vaccine. J Adolesc Health 2005;37:248-51.
  13. Zimet GD. Improving adolescent health: focus on HPV vaccine acceptance. J Adolesc Health 2005;37(6 Suppl):S17-23.

 

Noms de marque

Amantadine: Amantan®; Rimantadine: non disponible en Belgique; Zanamivir: Relenza®; Oseltamivir: Tamiflu®

Vaccination HPV en prévention du cancer du col

Auteurs

Baay M.
Vakgroep Oncologie en Bloedziekten, Universiteit Antwerpen
COI :

Verhoeven V.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Universiteit Antwerpen
COI :

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