Revue d'Evidence-Based Medicine



Le lactobacillus prévient-il une candidose vulvo-vaginale post antibiothérapie?



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 8 Page 124 - 126

Professions de santé


Analyse de
Pirotta M, Gunn J, Chondros P et al. Effect of lactobacillus in preventing post-antibiotic vulvovaginal candidiasis: a randomised controlled trial. BMJ 2004;329:548-52.


Question clinique
Quelle est l’efficacité, versus placebo, d’un traitement local ou oral par lactobacillus après une antibiothérapie?


Conclusion
Cette étude conclut qu’un traitement de dix jours par lactobacillus (L. rhamnosus comme composante principale) ne peut prévenir une candidose vulvo-vaginale après une antibiothérapie. Il est trop tôt pour conclure qu’un tel traitement est obsolète. D’autres études sont nécessaires pour tirer des conclusions quant à l’indication du lactobacillus dans cette indication. Sur base des preuves actuellement disponibles l’utilisation de lactobacillus dans cette indication n’est pas recommandée.


 

Résumé

Contexte

Une antibiothérapie induit fréquemment une candidose vulvo-vaginale 1. Le lactobacillus est proposé pour la prévention ou pour le traitement de cette candidose 2. Il n’existe cependant pas de publication évaluant l’efficacité d’un tel traitement.

Population étudiée

Au départ de 50 pratiques de médecine générale et de 16 pharmacies australiennes, des femmes âgées de 18 à 50 ans devant suivre une antibiothérapie de courte durée ont été recrutées. Les critères d’exclusion sont: plaintes vaginales, utilisation récente d’antimycosiques vaginaux ou d’antibiotiques, déficience immunitaire et grossesse. Au total, 278 femmes avec un âge moyen de 33 à 36 ans ont été incluses. Parmi elles, 22 à 34% avaient déjà présenté une candidose vaginale après utilisation d’un antibiotique et de 23 à 24% d’entre elles présentaient, à l’inclusion dans l’étude, un Candida albicans dans le prélèvement qu’elles ont réalisé elles-mêmes.

Protocole d’étude

Cette étude randomisée, en double aveugle, contrôlée versus placebo, répartit les participantes suivant un protocole factoriel est élaboré pour une étude qui vise à évaluer simultanément deux ou davantage de facteurs/interventions/traitements. Les facteurs/interventions/traitements sont alors associés ou non différemment selon les différents (sous-)groupes de l’étude. Il est également possible, dans ce genre d’étude, d’analyser les interactions entre les facteurs/interventions/traitements étudiés.">protocole factoriel dans quatre groupes: lactobacillus oral et vaginal (n=67), lactobacillus oral et placebo vaginal (n=73), placebo oral et lactobacillus vaginal (n=70), placebo oral et placebo vaginal (n=68).Le traitement de dix jours comprend soit deux demi cuillerées à café de poudre Lactobac (L. rhamnosus et Bifidobacterium longum) par jour par voie orale, soit un pessaire à placer la nuit, contenant du Femilac (L. rhamnosus, L. delbruechii, L. acidophilus et Streptococcus thermophilus).

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la présence de symptômes de vulvo-vaginite (démangeaisons ou irritation, avec ou sans perte vaginale) avec confirmation microbiologique de Candida dans un prélèvement réalisé par la patiente ellemême. L’analyse est faite en intention de traiter.

Résultats

L’étude a été arrêtée prématurément, au vu de résultats intermédiaires ne permettant pas d’espérer une réduction significative des vulvo-vaginites. Parmi les 235 femmes avec données complètes, 55 (23% avec IC à 95% de 18 à 29) ont présenté une candidose vulvo-vaginale. Par comparaison avec le placebo, l’odds ratio de présenter une candidose vulvo-vaginale après une antibiothérapie est de 1,06 (IC à 95% de 0,58 à 1,94) pour le lactobacillus oral et de 1,38 (IC à 95% de 0,75 à 2,54) avec le lactobacillus vaginal. L’observance est importante (96% pour la prise d’antibiotique, 86% pour le lactobacillus oral et 79% pour le lactobacillus vaginal).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que leur étude ne permet pas de montrer que l’administration de lactobacillus par voie orale ou vaginale après une cure antibiotique permette de prévenir une candidose vulvo-vaginale. Ils estiment improbable que d’autres recherches montrent des résultats positifs, à moins que de nouveaux éléments de connaissance dans la pathogénie de la vulvo-vaginite ne montrent un rôle possible pour le lactobacillus.

Financement

Australian Commonwealth Department of Health and Aging, Shepherd Foundation, Royal Australian College of General Practitioners,Nutrition Care, Institut Rosell, Health Care Network et Mr. Sean Howard.

Conflits d’intérêt

M.Pirotta a reçu les substances actives, les placebo et un sponsoring pour l’étude de la part de Nutrition Care et de l’Institut Rosell.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Il est louable d’élaborer une RCT concernant un traitement courant pour lequel n’existe aucune ou insuffisamment de preuve d’efficacité. Le protocole d’étude est correct: randomisation, absence de sélection, attribution aléatoire en double aveugle dans les différents groupes (concealment of allocation), calcul de la puissance et un suivi correct. Les caractéristiques de base sont quelque peu différentes entre les groupes (13 à 24% de positivité pour le Candida, 23 à 33% d’utilisation d’estrogènes). L’analyse est faite en intention de traiter. De plus, les femmes recrutées le sont au départ de 50 pratiques de médecine générale ou via un certain nombre de pharmaciens; il s’agit donc d’une population non sélectionnée. Différents antibiotiques ont été utilisés (21 à 30% de spectre étroit). Il est dommage que l’étude ait été prématurément interrompue et que le suivi des participantes n’ait pas été plus long. La puissance calculée pour l’étude nécessitait l’inclusion minimale de 372 femmes, chiffre qui n’a pas été atteint, et cet élément peut avoir influencé les résultats.

Utilité des probiotiques

Les dernières années ont vu de nombreuses études sur l’utilité de probiotiques dans la pratique médicale. Quelques études montrent que certaines souches de lactobacillus peuvent diminuer le risque d’infection urinaire et de vaginose bactérienne 3,4. La seule conclusion que nous puissions tirer de cette étude-ci est l’absence de preuve de l’efficacité d’un traitement par lactobacillus oral ou vaginal pendant dix jours en prévention d’une candidose vaginale après une antibiothérapie. Le fait que l’étude porte sur des femmes dans les «community practices», augmente la pertinence de ses conclusions pour la pratique quotidienne. Ceci est, d’autre part, dû au fait que le groupe de femmes est varié: une partie des femmes étaient sujettes à une infection à Candida après antibiothérapie, les antibiotiques prescrits étaient différents et le Candida Albicans était parfois présent dès le départ. Si le risque de départ est plus élevé, notamment dans le groupe présentant une prédisposition, une efficacité plus grande est attendue. Un risque relatif (RR) doublé de candidose vaginale après antibiothérapie est connu pour les femmes de 36 à 40 ans (RR 6,0; IC à 95% de 2,9 à 12,5). Le risque est également différent selon l’antibiotique utilisé, notamment plus important en cas d’usage de céphalosporines 1. Il est prématuré de considérer les probiotiques comme totalement inefficaces. D’autres études sont nécessaires, particulièrement dans des groupes cibles spécifiques et avec d’autres schémas thérapeutiques avec les probiotiques avant de les considérer comme totalement obsolètes. En prévention d’une candidose vaginale après une antibiothérapie, il est certainement justifié de bien évaluer l’indication d’utilisation de cet antibiotique. Si un antibiotique est nécessaire, il faut s’attendre à ce qu’il entraîne une infection à Candida.

 

Conclusions

Cette étude conclut qu’un traitement de dix jours par lactobacillus (L. rhamnosus comme composante principale) ne peut prévenir une candidose vulvo-vaginale après une antibiothérapie. Il est trop tôt pour conclure qu’un tel traitement est obsolète. D’autres études sont nécessaires pour tirer des conclusions quant à l’indication du lactobacillus dans cette indication. Sur base des preuves actuellement disponibles l’utilisation de lactobacillus dans cette indication n’est pas recommandée.

 

Références

  1. MacDonald TM, Beardon PH, McGilchrist MM et al. The risks of symptomatic vaginal candidiasis after oral antibiotic therapy. Q J Med 1993;86:419-24.
  2. Pirotta M,Gunn J, Chondros P. ‘Not thrush again!’Women’s experience of post-antibiotic vulvovaginitis. Med J Aust 2003;179:43-6.
  3. Reid G, Jass J, Sebulsky MT, McCormick JK. Potential uses of probiotics in clinical practice. Clin Microbiol Rev 2003;16: 658-72.
  4. Reid G, Burton J, Devillard E. The rationale for probiotics in female urogenital healthcare. Med Gen Med 2004;29;6:49.
 
Le lactobacillus prévient-il une candidose vulvo-vaginale post antibiothérapie?

Auteurs

Van Royen P.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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