Revue d'Evidence-Based Medicine



Bas de contention de confection en prévention du syndrome post-thrombotique



Minerva 2005 Volume 4 Numéro 7 Page 110 - 112

Professions de santé


Analyse de
Prandoni P, Lensing AWA, Prins MH et al. Below-knee elastic compression stockings to prevent the postthrombotic syndrome. Ann Intern Med 2004;141:249-56.


Question clinique
Le port de bas de contention de confection durant les deux années qui suivent une thrombose veineuse profonde (TVP) symptomatique prévient-il le syndrome postthrombotique?


Conclusion
Cette étude semble montrer que, chez des patients présentant une thrombose veineuse profonde proximale, le port de bas de contention de confection durant deux ans, en complément d’un traitement initial par anticoagulant, réduit d’environ la moitié le risque de syndrome post-thrombotique.


 

Résumé

Contexte

De 20 à 50% des sujets présentant une thrombose veineuse profonde proximale manifestent au fil du temps des complications post-thrombotiques 1. Ces complications ont un impact important sur leur qualité de vie 2. Une précédente étude a montré que, en sus du traitement anticoagulant, le port de bas de contention réalisés sur mesure pouvait diminuer l’incidence d’un syndrome post-thrombotique 3.

Population étudiée

Un service de médecine interne d’un hôpital universitaire italien a recruté et inclus 180 patients âgés en moyenne de 62 ans, personnes présentant pour la première fois une TVP proximale confirmée par échographie avec compression. Les critères d’exclusion sont une récidive ipsilatérale de TVP, une TVP bilatérale, un ulcère de jambe préexistant ou des signes d’insuffisance veineuse chronique, une espérance de vie limitée et des contre-indications au port de bas de contention (par exemple une insuffisance artérielle périphérique).

Protocole d’étude

Cette étude clinique, contrôlée, randomisée, répartit les patients, une semaine après leur hospitalisation, soit dans un groupe portant durant la journée un bas de contention au niveau de la jambe (n=90), bas disponible en cinq mesures différentes, d’un coût d’environ 35 euro et exerçant une pression de 30 à 40 mmHg au niveau de la cheville, soit dans un groupe contrôle exempt de ce port (n=90). Un traitement par antivitamine K est également initié en hospitalisation, pour une durée de trois mois au moins. Les patients sont revus après trois et six mois et ensuite tous les six mois.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est la survenue (et la sévérité) d’un syndrome post-thrombotique, mesuré à l’aide d’une échelle de référence. En comparaison avec le membre inférieur controlatéral, cinq symptômes (douleur, crampes, sensation de lourdeur, prurit, picotements) et six signes objectifs (oedème prétibial, induration de la peau, hyperpigmentation, nouvelles varices, érythème et douleur à la pression sur le mollet) sont scorés de 0 à 3. Un «syndrome post-thrombotique sévère» est défini comme étant la présence d’un ulcère veineux ou d’un score d’au moins 15 constaté lors de deux visites consécutives.Pour un «syndrome post-thrombotique modéré», un score situé entre 5 et 14 lors de deux visites consécutives est nécessaire. L’analyse est faite en intention de traiter, l’incidence cumulative est calculée et une analyse en régression suivant le modèle de risques proportionnels de Cox est réalisée.

Résultats

La durée moyenne de suivi est de 50,5 mois dans le groupe intervention et atteint 47,5 mois dans le groupe contrôle. Dans le groupe intervention, six patients arrêtent le traitement en raison de prurit, d’érythème, d’inconfort ou de problèmes d’utilisation. Finalement, 78 patients dans le groupe intervention portent leurs bas durant au moins 80% de la journée durant les deux ans et la majorité des patients continue à les porter après deux ans de suivi. Dans le groupe contrôle, 12 patients portent également des bas de contention. Dans les deux groupes, environ 65 patients ont un INR situé entre 2 et 3 pour 70% des mesures effectuées. Dans le groupe contrôle, 15 patients prennent un AINS ou de l’aspirine pour six dans le groupe intervention. Après deux ans de suivi, dans le groupe contrôle, 44 sujets sur 90, pour 23 dans le groupe intervention, présentent des complications post-thrombotiques (voir tableau). Le syndrome post-thrombotique est sévère chez dix patients du groupe contrôle et chez trois patients du groupe intervention. Une récidive de thrombo-embolie est observée chez douze patients dans le groupe intervention et chez treize dans le groupe contrôle. L’incidence cumulée de «syndrome post-thrombotique sévère» est de 3,5% (IC à 95% de 0 à 7,3) dans le groupe intervention et de 11,7% (IC à 95% de 4,8 à 18,6) dans le groupe contrôle. Après correction pour les caractéristiques de base, le rapport de hasards désigne le risque relatif de survenue d’un résultat dans une analyse réalisée à l’aide du modèle de régression de Cox. Il s’agit d’un risque relatif « instantané » tenant compte de la durée de présence dans l’étude.">rapport de hasards pour le syndrome post-thrombotique est de 0,49 (IC à 95% de 0,29 à 0,84; p=0,011) à l’avantage du groupe intervention, avec un NST de 4,3 (IC à 95% de 2,8 à 10,8). Seuls la récidive d’une TVP ipsilatérale et l’âge sont liés à la survenue d’un syndrome postthrombotique: HR 3,32 (IC à 95% de 1,04 à 10,62; p=0,04) pour la récidive de TVP et HR 1,36 (IC à 95% de 1,15 à 1,60; p=0,003) pour toute augmentation d’âge d’une tranche de dix ans.

 

Tableau: incidence cumulée (avec IC à 95%) d’un syndrome post-thrombotique après six mois, un an ou deux ans, chez les porteurs ou non porteurs de bas de contention.

 

Pas de bas de contention (n=90)

Bas de contention

(n=90)

Après 6 mois

40,0% (29,9 - 50,1)

21,1% (12,7 - 29,5)

Après 1 an

46,7% (36,4 - 57,0)

22,2% (13,8 - 30,7)

Après 2 ans

49,1% (38,7 - 59,4)

24,5% (15,6 - 33,4)

 

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent que des complications post-thrombotiques surviennent chez presque la moitié des patients présentant une thrombose veineuse profonde proximale et que le port de bas de contention (aux mesures standard) au niveau de la jambe peut réduire cette fréquence de 50% environ.

Financement

New Medical Service, Linea Flebologica Flebysan, Rovigo, Italie.

Conflits d’intérêt

Aucun n’est mentionné. Le sponsor n’est pas impliqué dans la récolte des données, leur analyse et interprétation ni dans la publication de l’article.

 

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Cette étude inclut uniquement des patients présentant une thrombose veineuse profonde proximale prouvée. Etant donné la nature de l’intervention, cette étude est ouverte.Les auteurs ont cependant fait de leur mieux pour limiter les biais. Lors de la randomisation, les patients recevaient le message d’une absence de preuve d’efficacité des bas.Les consultations de suivi étaient assurées, chaque fois, par d’autres chercheurs indépendants et les patients avaient comme directive de ne leur donner aucun renseignement sur leur traitement et de se présenter au contrôle sans leurs bas. Les questionnaires de score ont été analysés par un comité indépendant non impliqué dans l’étude clinique et ignorant le traitement appliqué. Une échelle validée, bénéficiant d’une sensibilité et d’une spécificité élevées et d’un bon coefficient de concordance entre observateurs est utilisée, avec une corrélation correcte par rapport aux inconvénients encourus par les patients dans leur vie quotidienne 4. Un golden standard de référence pour la mesure des séquelles post-thrombotiques n’est pas (encore) disponible et la variation entre observateurs pour les mesures invasives de circulation veineuse est trop importante 5.

Efficacité de bas de contention

Une thrombose veineuse profonde peut entraîner une occlusion veineuse persistante, une destruction des valvules, occasionner la formation d’oedème et une réduction de la microcirculation. En comprimant la circulation veineuse superficielle, les bas de contention renforcent l’activité de pompe du triceps sural et améliorent le flux antérograde 5. Deux autres études évaluent l’efficacité des bas de contention.L’étude de Brandjes, la seule à être reprise dans le chapitre de Clinical Evidence concernant le syndrome post-thrombotique 3,6, arrive à la même conclusion que celle de Prandoni qui est analysée ici. Elle montre également une réduction de l’incidence de syndrome post-thrombotique (de 47% à 20% pour les formes légères à modérées et de 23% à 11% pour les formes sévères). La seule différence substantielle est l’utilisation de bas réalisés sur mesure dans l’étude de Brandjes.L’étude réalisée par Ginsberg 7 ne montre pas de différence en termes de douleur et de gonflement, mais la population étudiée est différente. Elle inclut des patients avec une insuffisance valvulaire veineuse un an après une TVP, reprenant ainsi donc des patients avec une TVP asymptomatique et un risque plus faible de syndrome postthrombotique. Le groupe contrôle de cette étude porte des bas «placebo» (deux fois trop grands) mais il n’est pas exclu qu’ils exercent une pression suffisante au niveau des mollets chez certains patients. En outre, les «vrais» bas utilisés assuraient une contention moins forte que celle des bas employés dans les autres études.L’absence de différence de résultat observée entre les deux groupes de cette dernière étude est probablement liée à ces particularités. Une récente synthèse Cochrane 8, qui somme les résultats de ces trois études dans une méta-analyse, conclut que les bas de contention thérapeutiques (aussi bien sur mesure que de confection) réduisent l’incidence du syndrome post-thrombotique (OR 0,31; CI à 95% de 0,20 à 0,48) et des formes sévères de celui-ci (OR 0,39; IC à 95% de 0,20 à 0,76). Le meilleur moment pour initier le port de bas de contention après une TVP, la poursuite de ce port au-delà de deux ans, le type de bas et la force de contention des bas restent des questions ouvertes après ces études.

Observance importante

Malgré des résultats d’étude fort encourageants, le port de bas de contention n’est pas systématiquement prescrit lors du traitement d’une TVP (enquête auprès de 700 généralistes hollandais) 9.C’est d’autant plus regrettable que plusieurs études semblent indiquer une observance supérieure à 80%. Les motifs de non observance tels qu’inconfort esthétique, chaleur et douleur lors du port des bas, prurit vespéral lors de leur retrait, peuvent en outre être anticipés 10.

 

Conclusions

Cette étude semble montrer que, chez des patients présentant une thrombose veineuse profonde proximale, le port de bas de contention de confection durant deux ans, en complément d’un traitement initial par anticoagulant, réduit d’environ la moitié le risque de syndrome post-thrombotique.

 

Références

  1. Prandoni P, Lensing AW, Cogo A et al. The long-term clinical course of acute deep venous thrombosis. Ann Intern Med 1996;125:1-7.
  2. Kahn SR, Hirsch A, Shrier I. Effect of post-thrombotic syndrome on health-related quality of life after deep venous thrombosis. Arch Intern Med 2002;162:1144-8.
  3. Brandjes DPM, Büller HR, Heijboer H et al. Randomised trial of effect of compression stockings in patients with symptomatic proximal-vein thrombosis. Lancet 1997;349:759–62
  4. Villalta S, Bagatella P,Piccioli A et al. Assessment of validity and reproducibility of a clinical scale for the post-thrombotic syndrome. Haemostasis 1994;24(Suppl 1):157.
  5. Kolbach DN. Klinische aspecten van het post-trombotisch syndroom. Tromnibus 2003;31:25-8.
  6. Fitzmaurice D, Hobbs R, McManus R.Thromboembolism. Compression stockings. Clin Evid 2004;12:298.
  7. Ginsberg JS, Hirsh J, Julian J et al. Prevention and treatment of postphlebitic syndrome: results of a 3-part study. Arch Intern Med 2001;161:2105-9.
  8. Kolbach DN, Sandbrink MWC, Hamulyak K et al. Nonpharmaceutical measures for prevention of post-thrombotic syndrome. The Cochrane Database of Systematic Reviews 2003, Issue 3.
  9. van der Velde EF, Kraaijenhagen RA, van Weert HC et al. Survey of the management of deep vein thrombosis in general practice in the Netherlands. Ned Tijdschr Geneeskd 2000;57:133-4.
  10. van der Veer G, Eekhof JAH,Walma EP. NHG-Standaard Varices. Huisarts Wet 1993;36:23-30.
Bas de contention de confection en <strong><a style="font-size:medium" data-toggle="popover" data-trigger="hover" title="prévention" data-content="Trois niveaux de prévention peuvent être distingués. La prévention primaire englobe toutes les interventions ou activités visant à la prévention d’une maladie. Ces interventions visent les facteurs étiologiques de la maladie, par exemple l’arrêt du tabac pour éviter le cancer du poumon ou la vaccination pour prévenir des maladies infectieuses. La prévention secondaire vise à influencer favorablement l’évolution d’une maladie par un diagnostic précoce, par exemple par un dépistage de l’hypertension ou par une recherche de cas de diabète sucré. La prévention tertiaire vise à améliorer la santé des personnes souffrant d’une maladie (chronique) en accélérant la guérison ou en évitant des complications. L’administration d’acide acétylsalicylique après un accident vasculaire cérébral ou le contrôle de la glycémie ainsi que l’éducation de la personne diabétique sont des exemples de prévention tertiaire.">prévention</a></strong> du syndrome postthrombotique



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