Revue d'Evidence-Based Medicine



RMN



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 8 Page 128 - 130

Professions de santé


Analyse de
Jarvik G, Hollingworth W, Martin B et al. Rapid magnetic resonance imaging vs radiographs for patients with low back pain. A randomised controlled trial. JAMA 2003;289:2810-8.


Question clinique
La réalisation d'un examen "rapide" par Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) apporte-t-elle de meilleurs résultats cliniques et est-elle coût/efficace par rapport à un examen radiographique conventionnel en cas de lombalgie?


Conclusion
Cette étude semble montrer, dans un groupe hétérogène de patients présentant une lombalgie, une absence d'avantage d'un examen par RMN "rapide" par rapport à une radiographie. Elle ne permet aucune conclusion quant à l'utilité d'une imagerie chez des patients lombalgiques.


 

Résumé

Contexte

Actuellement, un examen "rapide" par RMN (en première intention) chez des patients atteints de lombalgie peut être avantageux, offrant plus rapidement un diagnostic définitif, ce qui permet de rassurer le patient ou de le référer plus rapidement. Par ailleurs, cette technique peut mettre en évidence des variantes anatomiques, ce qui peut entraîner des interventions inutiles avec des conséquences dommageables pour le patient et une augmentation des coûts.

Population étudiée

L'étude inclut des patients adressés pour lombalgie dans quatre centres d'imagerie à Seattle (E.U.). Sont exclus les patients présentant une anamnèse de traumatisme dorsal aigu, de chirurgie lombaire ou de contre-indication pour une RMN ou une radiographie. Finalement, 380 patients d'un âge moyen de 53,2 ans (ET 14,7) ont été inclus, dont 187 adressés par un interniste général ou un médecin généraliste.Pour 6% d'entre eux, il s'agissait du premier épisode de lombalgie. Chez 70%, la douleur irradiait jusque dans la cuisse et chez 45% jusqu'en dessous du genou. Les caractéristiques de départ étaient semblables dans les deux groupes.

Protocole d'étude

Les patients sont aléatoirement répartis soit dans un groupe radiographie (n=190) soit dans un groupe RMN (n=190). Dans le groupe radiographie, un cliché latéral et un cliché antéro-postérieur sont réalisés. Dans le groupe RMN,des images T2 moyen rapides sagittales et axiales sont réalisées.Les patients sont interrogés par téléphone ou par écrit tous les trois mois et invités en consultation après douze mois.

Mesure des résultats

Le critère de jugement primaire est le status fonctionnel, mesuré à l'aide du Roland back pain disability scale modifié 1. Les critères de jugement secondaires sont: douleur, état de santé, absentéisme au travail, satisfaction et réassurance du patient. Pour l'évaluation économique, un questionnaire était trimestriellement complété par le patient avec tous ses coûts médicaux (consultations, hospitalisations, médicaments, temps pour les soins et transports).

Résultats

Après douze mois, 337 (89%) des 380 patients remplissent l'échelle de Roland. L'examen par RMN ou par radiographie conventionnelle apporte pratiquement des résultats identiques. Le score moyen diminue de 12,81 vers 8,75 dans le groupe radiographie et de 13,63 vers 9,34 dans le groupe RMN.La différence moyenne de diminution est donc de -0,59 (IC à 95% de -1,69 à 0,87; p=0,53).Aucune différence non plus en termes de douleur, état de santé global, absentéisme au travail ou satisfaction du patient.

Pas davantage de différence dans le nombre d'interventions chirurgicales (10 dans le groupe RMN versus 4 dans le groupe radiographie; p=0,06), ni dans les coûts médicaux.

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu'un examen (rapide) par RMN en première intention et une radiographie conventionnelle apportent des résultats presque similaires pour des patients présentant une lombalgie en première ligne de soins. Quoique les médecins et les patients préfèrent la RMN dans les conditions de l'étude, un remplacement d'une radiographie par une RMN comme imagerie en première ligne n'apporte que peu de bénéfice aux patients. Cette modification pourrait même entraîner une augmentation des coûts en induisant davantage d'interventions chirurgicales chez ces patients.

Financement

Agency for Healthcare Research and Quality et National Institute for Arthritis and Musculoskeletal and Skin Diseases.

Conflits d'intérêt

Non mentionnés.

Discussion

Considérations sur la méthodologie

Quelques remarques importantes sont à faire sur la méthodologie de cette étude. En premier lieu, les patients de cette étude constituent un groupe hétérogène. La seule constante est la référence par des médecins qui jugeaient de la nécessité d'une imagerie pour évaluer la lombalgie. La durée de la lombalgie était variable et n'est même pas clairement mentionnée dans l'article. De plus, des patients avec lombalgie non spécifique étaient tout aussi bien inclus que des patients présentant une douleur lomboradiculaire. En deuxième lieu, la valeur du diagnostic était mesurée par rapport à l'efficacité thérapeutique. La valeur d'une étude diagnostique doit cependant reposer sur la capacité du test à montrer la présence d'une affection précise plutôt que des résultats subjectifs concernant le patient tel que l'état de santé général.

Ensuite, les médecins référents étaient aussi bien des spécialistes (internistes généraux) que des médecins généralistes. Les patients inclus étaient cependant qualifiés de "primary care patients". Ceci ne correspond pas à des patients en première ligne chez nous. Les résultats ne sont donc pas transférables, les données couvrant des champs différents.

Une recherche dans la littérature nous montre que les études diagnostiques comparant radiographie et RMN sont principalement réalisées par les auteurs de cette étude.Peu ou pas d'autres centres se sont intéressés à cette problématique.

RMN "rapide"

Le groupe RMN a bénéficié d'un examen rapide, ce qui signifie que le nombre de clichés et la durée de ceux-ci ont été réduits. Deux clichés standards seulement étaient exigés, un sagittal et un axial T2 moyens. En Belgique, un troisième cliché est également réalisé (un T1 moyen). La durée totale d'examen n'atteint que deux minutes dans cette étude. La durée normale de la prise d'un cliché standard s'étale sur deux minutes. Une durée plus courte diminue la résolution des images, mais les auteurs estiment que les images étaient de qualité suffisante pour poser un diagnostic.

Pertinence d'une imagerie en cas de lombalgie?

Cette étude élude la question de l'utilité d'une imagerie médicale de la colonne lombaire en cas de lombalgie. Chez des patients présentant une lombalgie non spécifique, cette imagerie médicale n'a aucune utilité 2. Elle n'est également pas nécessaire chez des patients présentant une lombalgie aiguë de courte durée (moins de six semaines) en l'absence d'affection systémique ou de plaintes neurologiques progressives 3. Le coût d'une radiographie lombaire atteint 63,03 euro (dont 23,23 euro pour la consultation). Le coût d'une RMN conventionnelle est au moins trois fois plus élevé. Dans une recherche ultérieure, les auteurs ont réalisé une étude coût-efficacité. Celle-ci montre, aux Etats Unis, un coût triple et un investissement de temps triple pour une RMN versus radiographie 4. Au vu de la fréquence des lombalgies, il faut être conscient que tout changement dans l'approche diagnostique et thérapeutique de celles-ci aura un impact sur les coûts des soins de santé.

 

Conclusion

Cette étude semble montrer, dans un groupe hétérogène de patients présentant une lombalgie, une absence d'avantage d'un examen par RMN "rapide" par rapport à une radiographie. Elle ne permet aucune conclusion quant à l'utilité d'une imagerie chez des patients lombalgiques.

 

Références

  1. Roland M, Morris R. A study of the natural history of back pain. Part 1: Development of a reliable and sensitive measure of disability in low back pain. Spine 1983;8:141-4.
  2. Dewachter J. Faut-il demander une radiographie en cas de lombalgie? MinervaF 2003;2(3):50-1.
  3. Jarvic JG,Deyo RA. Diagnostic evaluation of low back pain with emphasis on imaging. Ann Intern Med 2002;137:586-97.
  4. Gray DT, Hollingworth W, Blackmore CC et al. Conventional radiography, rapid MR imaging and conventional MR imaging for low back pain: activity-based costs and reimbursement. Radiology 2003;227:669-80.
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