Revue d'Evidence-Based Medicine



Weight Watchers versus efforts personnels



Minerva 2004 Volume 3 Numéro 8 Page 122 - 124

Professions de santé


Analyse de
Heshka S, Anderson JW, Atkinson RL et al.Weight loss with self-help compared with a structured commercial program. A randomised trial. JAMA 2003;289:1792-8.


Question clinique
Un programme commercial d'amaigrissement permet-il de perdre plus de poids que des efforts personnels?


Conclusion
Cette étude montre qu'un programme commercial d'amaigrissement (Weight Watchers) possède une efficacité supérieure à celle d'un programme limité d'efforts personnels. Ce programme "Weight Watchers" suit les sujets régulièrement et comporte les trois piliers sur lesquels doit reposer la prise en charge de l'obésité: un suivi d'un régime équilibré, une modification de comportement et davantage d'exercices physiques. Des participants motivés pour un tel programme spécifique atteignaient une réduction moyenne de poids de 5% et maintenaient cette réduction après deux ans. Aucune comparaison n'est faite entre ce programme et un traitement actif couplé à un suivi en médecine générale.


 

Résumé

Contexte

Les régimes et les programmes d'exercice permettent un amaigrissement chez environ 13% des hommes et 5% des femmes. Un BMI compris dans les limites normales (20 à 25) est rarement atteint et la perte de poids est souvent rapidement annulée. Des programmes commerciaux d'amaigrissement sont souvent proposés comme étape suivante, mais, à ce jour, rarement sérieusement évalués. Cette étude évalue le programme du plus grand fournisseur de programmes d'amaigrissement aux E.U.,"Weight Watchers International".

Population étudiée

Des hommes et des femmes avec BMI compris entre 27 et 40 kg/m² sont recrutés dans six centres cliniques aux Etats Unis. Etaient exclus: les personnes avec une glycémie >140 mg/dl ou des triglycérides >1 000 mg/dl, avec une fonction hépatique ou rénale perturbée, avec une anamnèse de trouble psychiatrique ou d'abus d'alcool, ou les sujets qui avaient récemment suivi un programme d'amaigrissement ou débuté des médicaments pour maigrir. Au total, 65 hommes et 358 femmes ont été inclus. Leur âge moyen était de 45 ans (ET 10),leur BMI moyen variait de 33,6 dans le groupe efforts personnels (ET 3,7) à 33,8 dans le groupe "Weight Watchers"(ET 3,4) et leur poids moyen était respectivement de 93,1 (ET 14,4) kg et 94,2 (ET 13,1) kg. Les groupes d'intervention étaient semblables pour l'âge, le sexe, le BMI initial et les facteurs de risque cardiovasculaire.

 

Protocole d'étude

Cette étude randomisée multicentrique inclut 423 patients répartis en deux groupes. Dans le groupe efforts personnels (n=212), les participants bénéficiaient de deux consultations diététiques d'une durée de vingt minutes chacune et de dépliants ou autre matériel d'aide au régime et à la pratique d'exercices.Le groupe Weight Watchers (n=211) avait le loisir de participer gratuitement à un programme commercial d'amaigrissement, avec rencontre hebdomadaire dirigée d'environ une heure, composé d'un programme d'alimentation et d'exercices tout comme d'une thérapie comportementale cognitive. Les participants étaient évalués à 3, 6, 12, 18 et 24 mois.

Mesure des résultats

La perte de poids représentait le critère de jugement primaire. Les critères secondaires étaient le BMI, le tour de taille, le pourcentage de graisse, des paramètres cliniques (pression artérielle) et biologiques (glycémie et lipides) et la qualité de vie évaluée au moyen du SF36 et de l'Impact of Weight on Quality of Life Questionnaire (IWQOLLite).

Résultats

Au terme des deux ans, 150 participants (71%) du groupe commercial et 159 (75%) du groupe efforts personnels terminent l'étude. Sur base d'une analyse en intention de traiter, la perte moyenne de poids des participants au groupe commercial est supérieure à celle enregistrée dans le groupe efforts personnels, aussi bien après un an (-4,3 versus -1,3 kg; p<0,001) qu'après deux ans (-2,9 versus -0,2 kg; p<0,001).Après deux ans, 16% des participants au groupe commercial versus 6% dans le groupe efforts personnels (p=0,005) atteignent une réduction de poids d'au moins 10%. Le nombre de sujets atteignant une perte de poids comprise entre 5 et 10% n'est pas significativement différent entre les deux groupes (18% versus 15%; p=0,57). Le tour de taille et le BMI diminuent plus chez les participants du groupe commercial (respectivement –2,4 cm versus –0,6 cm; p=0,02 et -1,1 versus –0,2; p<0,001).Aucune différence significative n'est observée entre les groupes pour les paramètres cliniques et la qualité de vie. Ces paramètres sont cependant corrélés dans les deux groupes à la perte de poids. Celle-ci était proportionnelle à la participation déclarée des sujets au programme commercial (p<0,05).

Conclusion des auteurs

Les auteurs concluent qu’un programme commercial d'amaigrissement apporte une perte de poids limitée mais cependant supérieure à celle obtenue uniquement avec des efforts personnels.

Financement

Weight Watchers International.

Conflits d'intérêt

Le sponsor est intervenu dans le protocole d'étude mais non dans la récolte des résultats et dans leur analyse. Le Dr. Anderson a reçu un soutien financier de Weight Watchers. Un autre auteur est un collaborateur du sponsor. Les auteurs ont également des liens avec l'industrie de l'alimentation et certaines firmes pharmaceutiques.

 

Discussion

Importance de cette étude

En Belgique également, le surpoids et l'obésité représentent un problème de santé important: dans la tranche d'âge située entre 35 et 59 ans, un peu plus de 28% des femmes et 49% des hommes ont un surpoids. L'obésité atteint elle, respectivement 13% et 14% 1. Cette étude montre un effet favorable d'un programme commercial d'amaigrissement par rapport à un counseling et à des efforts personnels (self-help). En contraste avec de nombreuses études chez des patients obèses 2, cette étude présente une méthodologie de qualité correcte: un calcul préalable de la taille de l'échantillon, une bonne randomisation, une analyse en intention de traiter, et un suivi de deux ans. Il est bien sûr quasi impossible de respecter le double-aveugle lors du suivi de telles interventions. Seule une étude coûts-efficience aurait pu spécifier davantage la valeur de cette étude.

Cette étude concerne un programme commercial (Weight Watchers) qui englobe les trois piliers d'une bonne prise en charge du traitement de l'obésité 3. Nous ne pouvons donc probablement pas en extrapoler les résultats à d'autres programmes commerciaux qui utilisent également souvent d'autres interventions, comme des régimes déséquilibrés.

Effet sur les risques pour la santé

Après un an, une réduction moyenne du poids corporel de 5% est obtenue dans le groupe commercial. Les participants fidèles qui avaient fréquenté au moins 78% des sessions, réussirent à maintenir cette perte pondérale au terme des deux ans.Pour les sujets suivant un programme d'efforts personnels, une réduction de poids fut par contre à peine atteinte. En général, une perte <5% après six à douze mois est considérée comme insuffisante4. Une perte de poids modérée, définie par une réduction du poids corporel original de 10% représente des effets importants sur les risques pour la santé. Une réduction de poids de 5%, surtout si elle est maintenue à moyen terme, apporte également une amélioration significative de ces risques 4,5.

Groupe sélectionné

L'efficacité finale est certainement à attribuer à la sélection du groupe. Les participants étaient effectivement recrutés par une annonce du programme d'amaigrissement et parmi des patients déjà connus dans ces centres cliniques, quoique n'ayant pas suivi de programme d'amaigrissement. Les programmes structurés d'amaigrissement sont surtout fréquentés par les femmes et dans cette étude aussi, 85% des participants sont de sexe féminin. Les programmes d'amaigrissement pour les hommes requièrent un autre protocole 4.Au début de chacun de ces programmes, il est essentiel de jauger la motivation de changement du patient.La prise en charge de problèmes de poids exige en effet un grand investissement du patient (régime de modification du style de vie). Dans le "stages of change mode" de Prochaska et DiClemente, la motivation est décrite dans des stades bien délimités. Ce modèle permet d'évaluer l'ampleur de la motivation et du degré de préparation du patient à un changement afin de choisir une intervention adéquate6. Il est dommage que cette étude ne donne aucune information sur le profil psychologique des patients inclus. Durant le programme également, un biais d'auto sélection se produit, avec une tendance à une poursuite du programme par les sujets les plus motivés et enregistrant les meilleurs résultats, ce qui influence l'efficacité finale. Il est remarquable également qu'un groupe aussi important, plus de 70%, ait poursuivi le programme.Des études ont montré que la durée de l'intervention et le nombre de consultations de suivi jouaient également un rôle important sur l'efficacité finale d'un programme d'amaigrissement 4,7.

Il est dommage que cette étude n'ait pas inclus de (troisième) groupe recevant un traitement plus actif et un suivi dans un contexte de première ligne de soins. Un groupe de patients obèses pourrait par exemple se présenter une fois par mois chez leur médecin de famille pour un suivi avec avis comportementaux et de mobilisation, avec, dans ce cadre également,une entrevue avec un diététicien 8,9. Nous pouvons supposer que ce type d'intervention apporte de meilleurs résultats qu'un programme d'efforts personnels se limitant à deux fois 20 minutes de consultation diététique. Une telle intervention est sans doute au moins aussi efficace qu'un programme commercial d'amaigrissement.

 

Conclusion

Cette étude montre qu'un programme commercial d'amaigrissement (Weight Watchers) possède une efficacité supérieure à celle d'un programme limité d'efforts personnels.Ce programme "Weight Watchers" suit les sujets régulièrement et comporte les trois piliers sur lesquels doit reposer la prise en charge de l'obésité: un suivi d'un régime équilibré, une modification de comportement et davantage d'exercices physiques.Des participants motivés pour un tel programme spécifique atteignaient une réduction moyenne de poids de 5% et maintenaient cette réduction après deux ans. Aucune comparaison n'est faite entre ce programme et un traitement actif couplé à un suivi en médecine générale

Références

  1. Moreau M,Valente F, Mak R et al.Obesity, body fat distribution and incidence of sick leave in the Belgian workforce: the Belstress study. Int J Obes Relat Metab Disord 2004;28:574-82.
  2. Glenny AM, O'Meara S, Melville A et al. The treatment and prevention of obesity: a systematic review of the literature. Int J Obes Relat Metab Disord 1997;21:715-37.
  3. Executive summary of the clinical guidelines on the identification, evaluation and treatment of overweight and obesity in adults. Arch Intern Med 1998;158:1855-67.
  4. Rössner S.Factors determining the long-term outcome of obesity treatment. In: PB Björntorp, editor. Obesity. Philadelphia (PA): Lippincott JB, 1992:712-9.
  5. Goldstein DJ. Beneficial health effects of modest weight loss. Int J Obes Relat Metab Disord 1992;16:397-415.
  6. Greene GW, Rossi SR, Rossi JS et al. Dietary applications of the stages of change model. J Am Diet Assoc 1999;6:673-8.
  7. Perri MG,Nezu AM, Patti ET, McCann KL. Effect of length of treatment on weight loss. J Consult Clin Psychol 1989;57:450-2.
  8. Saris WHM,Pannemans DLE,Muris JW. Een gecombineerde aanpak van overgewicht door huisarts en diëtist. Huisarts Wet 1992;35:137-41.
  9.  Elley CR, Kerse N, Arroll B, Robinson E. Effectiveness of counselling patients on physical activity in general practice: cluster randomised controlled trial. BMJ 2003;326:793-8.

 

 

 

 

 

Weight Watchers versus efforts personnels

Auteurs

Van Royen P.
Vakgroep eerstelijns- en interdisciplinaire zorg, Centrum voor Huisartsgeneeskunde, Universiteit Antwerpen
COI :

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