Revue d'Evidence-Based Medicine
Les anticholinergiques dans le traitement de l'instabilité vésicale
Minerva 2004 Volume 3 Numéro 6 Page 93 - 95
Professions de santé
Résumé
Contexte
Les symptômes d’une vessie instable (ou hyperactive), tels que les urgences mictionnelles, les incontinences d’urgence, la pollakiurie et la nycturie sont fréquents et leur prévalence augmente avec l’âge. Les deux principales options thérapeutiques sont le training vésical et l’utilisation d’anticholinergiques. Malgré l’incertitude quant à leur efficacité, le nombre d’anticholinergiques mis sur le marché ne cesse de croître et ils sont de plus en plus souvent prescrits.
Méthodologie
Synthèse méthodique et méta-analyse.
Sources consultées
La base de données «Cochrane Incontinence Group», complétée par les références des études incluses. Etudes sélectionnées Toutes les études randomisées incluant un groupe anti-cholinergique versus groupe placebo ont été sélectionnées. Sur les 32 recherches incluses: 12 études ont examiné l’efficacité de la toltérodine, 10 études celle du chlorhydrate d’oxybutynine, 8 celle du chlorhydrate de trospium et 5 celle de la propivérine. La taille des populations d'étude varie de 20 à 1 529 participants, et la durée de suivi s'étend de 12 jours à 12 semaines.
Population étudiée
Au total 6 800 personnes, hommes et femmes, chez qui le diagnostic d'instabilité vésicale a été posé sur base de la symptomatologie ou d'une preuve urodynamique de l’hyperactivité du détrusor.
Mesure des résultats
Les critères de jugement primaire sont la guérison ou l’amélioration de la symptomatologie (établie par le patient): le nombre d’épisodes d’incontinence et le nombre de mictions par 24 heures. Les critères de jugement secondaires sont un certain nombre de paramètres urodynamiques et la survenue d’effets indésirables. La méta-analyse a été effectuée avec protocole d’investigation et pour la méthode d’analyse. Des études sont dites hétérogènes quand elles divergent entre elles pour ces critères. S’il n’y a pas d’hétérogénéité statistique montrée, nous pouvons, dans une méta-analyse, utiliser le modèle d’effets fixes qui présuppose qu’il n’y a qu’une seule valeur sous-jacente pour l’effet constaté. Suivant ce modèle, une variation des effets observés est liée au hasard.">le modèle d'effets fixes.
Résultats
Dans le groupe intervention, une différence de 40% pour la guérison ou l’amélioration des symptômes (RR=1,41; IC à 95% 1,29 à 1,54) est observée (voir tableau). L’âge, le sexe, le diagnostic (vessie instable idiopathique ou neurogène) ou le type de médication ne semblent pas influencer l’effet observé.
Tableau: Risque relatif et différence moyenne pondérée pour les critères de jugement primaire et secondairespour le groupe recevant un anticholinergique versus groupe placebo.
Critère |
Nombre d’études |
Anticholinergique |
Placebo |
Risque relatif (IC à 95%) |
Guérison ou amélioration des symptômes |
8 |
708/1 182 † |
365/807 † |
1,41 (1,29 à 1,54) |
Arrêts de traitement suite aux effets indésirables |
13 |
197/3 016 † |
72/1 153 † |
1,01 (0,78 à 1,31) |
Sécheresse buccale |
20 |
1 192/3 241 † |
211/1 391 † |
2,56 (2,24 à 2,92) |
Différence moyenne pondérée (IC à 95%) |
||||
Nombre 'épisodes d'incontinence par 24h |
9 |
1 911 ‡ |
811 ‡ |
-0,56 (-0,93 à -0,15) |
Nombre de mictions par 24h |
8 |
1 939 ‡ |
777 ‡ |
-0,59 (-0,83 à -0,36) |
Capacité cystométrique maximale |
12 |
1 158 ‡ |
497 ‡ |
54,34 ml (43,03 à 65,65) |
Volume à la première contraction |
9 |
844 ‡ |
396 ‡ |
52,25 ml (37,45 à 67,06) |
Volume résiduel |
11 |
920 ‡ |
457 ‡ |
4,06 ml (0,73 à 7,39) |
† sommation des effets/sommation des participants
‡ sommation du nombre des participants
Conclusions des auteurs
Les auteurs concluent que les différences observées entre les anticholinergiques et le placebo sont statistiquement significatives, mais cliniquement non pertinentes. De plus, ils n’ont trouvé aucune étude de suivi à long terme.
Financement
L’étude a été financée par le «Health Research Council» de Nouvelle Zélande et l’Université d’Otago.
Conflits d’intérêt
Deux des auteurs de cette synthèse ont participé aux études incluses dans l’analyse. Un des auteurs (KM) a perçu des honoraires de firmes pharmaceutiques pour des consultances et des conférences.
Discussion
Cette synthèse, effectuée sous les auspices du «Cochrane Incontinence Group»1 apporte une preuve limitée en faveur des anticholinergiques. Comme les auteurs l’ont cependant eux-mêmes souligné, cette différence est plus statistique que pertinente au point de vue clinique: uriner une fois de moins par 48h ou avoir un épisode d’incontinence en moins durant cette pério de peut être significatif à un niveau statistique … mais sans grand intérêt pour le patient.
Il est également dommage que ces études d’efficacité soient d'une durée aussi limitée, entre 12 jours et 12 semaines. L’intérêt du traitement est précisément d’obtenir une amélioration persistant après le traitement. Les déficiences méthodologiques des études incluses invitent à un optimisme limité. Un caractère aveugle est rarement mentionné. La similarité des caractéristiques de départ des groupes intervention et contrôle n’est pas mentionnée dans un tiers des études; il n’y a souvent aucune description adéquate du sort des sujets qui arrêtent leur traitement.
Un traitement efficace de la symptomatologie des vessies instables est cependant vivement souhaité. Le training vésical s’est-il avéré plus efficace? Non. Une synthèse Cochrane évaluant le training vésical versus placebo a montré des résultats comparables 2 , avec naturel lement moins d’effets indésirables. Ici aussi, les études ne brillent guère par leur haute qualité. Il n’y a pas d’étude comparative entre le training vésical et le traitement anticholinergique. Il faut également souligner une amélioration notable dans les groupes placebo tant dans les études sur les anticholinergiques, que dans celles sur le training vésical.
Dans la pratique quotidienne, le training vésical et les anticholinergiques sont souvent associés. Des études bien construites sont attendues pour évaluer le bien-fondé de ces traitements combinés.
Conclusion
Cette méta-analyse ne montre que peu de pertinence clinique pour l’utilisation des anticholinergiques dans le traitement des vessies instables. Aucun effet à long terme n’est démontré. Le training vésical n'est pas plus efficace, mais ne présente aucun effet indésirable. Le NHG-standaard 3 recommande de commencer, avec l'accord du patient, par un training vésical, et, éventuellement, d'y associer un anticholinergique dans un deuxième temps. L’efficacité de ce traitement combiné doit cependant encore être démontrée.
Références
- Hay-Smith J, Herbison P, Ellis G, Moore K. Anticholinergic drugs versus placebo for overactive bladder syndrome in adults. In: The Cochrane Library. Issue 2, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
- Roe B, Williams K, Palmer M. Bladder training for urinary incontinence in adults. In: The Cochrane Library. Issue 2, 2004. Chichester, UK: John Wiley & Sons, Ltd.
- Lagro-Janssen ALM, Breedveldt Boer HP, van Dongen JJAM et al. NHG-Standaard Incontinentie voor urine. Huisarts Wet 1995;38:71-80.
Noms de marque
Toltérodine: Detrusitol®
Chlorhydrate d'oxybutynine: Ditropan®, Driptane®
Auteurs
Lagro-Janssen T.
General Practice/Family Medicine, Women's Studies Medicine, UMC St Radboud, Nijmegen
COI :
Glossaire
modèle d'effets fixesCode
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