Analyse


Cancer prostatique localisé : effets indésirables à long terme de la prostatectomie et de la radiothérapie externe


28 06 2013

Professions de santé

Analyse de
Resnick MJ, Koyama T, Fan KH et al. Long-term functional outcomes after treatment for localized prostate cancer. N Engl J Med 2013;368:436-45.


Conclusion
Cette étude d’observation montre que, lors du traitement du cancer prostatique localisé, les différences, en termes d’issues fonctionnelles spécifiques, entre la prostatectomie radicale et la radiothérapie externe s’estompent progressivement et disparaissent à long terme. Il est important, en pratique, d’informer le patient des effets indésirables de la prostatectomie et de la radiothérapie. La disponibilité de techniques plus récentes pourrait jouer un rôle important lors d’un avis multidisciplinaire individualisé tout en tenant compte des preuves limitées.


 


Texte sous la responsabilité de la rédaction néerlandophone

 

Minerva a récemment publié plusieurs analyses d’études portant sur le choix entre traitement conservateur et traitement immédiat du cancer de prostate (1-3). Pour les patients âgés de moins de 65 ans avec un cancer de la prostate découvert sur signes cliniques, la survie était supérieure post prostatectomie. En cas de cancer localisé à bas risque principalement mis à jour lors d’un dépistage, la prostatectomie n’influençait pas la survie. Chez ces patients, une surveillance active est justifiée et elle permet d’éviter ou de retarder la survenue de complications.

 

Le traitement actif peut aussi bien être la prostatectomie radicale que la radiothérapie (radiothérapie externe classique, brachythérapie ou modalités innovantes). Il n’existe pas encore de grandes études prospectives randomisées permettant de comparer la chirurgie et la radiothérapie quant à la mortalité. Le choix entre les différentes thérapies actives se basera donc sur la différence quant au risque de complications, principalement l’incontinence, la dysfonction érectile et la rectite radique. Nous ne disposons cependant pas d’informations sur ces complications à long terme (> 5 ans), informations pourtant importantes à connaître étant donné que la moyenne de l’espérance de vie après traitement d’un cancer prostatique localisé atteint presque 15 ans (4).

 

Une nouvelle analyse de l’étude d’observation PCOS (Prostate Cancer Outcome Study) (5) a inclus 1 655 hommes américains de 55 à 74 ans atteints d’un cancer de prostate localisé diagnostiqué entre 1994 et 1995, hommes qui, au cours de l’année suivant le diagnostic, ont été traités par prostatectomie radicale (70%) ou par radiothérapie externe (30%). Ces hommes ont été invités à répondre à un questionnaire concernant leurs fonctions urinaire, sexuelle et digestive 1 an, 2 ans, 5 ans et 15 ans après le diagnostic. Après 15 ans, 60% des participants ont encore répondu à l’enquête. La différence entre les 2 groupes quant à la mortalité à 15 ans (28% après prostatectomie et 50% après radiothérapie) peut être responsable d’un biais faussant les résultats. Il faut souligner d’emblée que, dans cette étude, la différence observée en termes de mortalité ne permet pas de tirer de conclusion sur l’efficacité de la radiothérapie par rapport à la prostatectomie. Une plus-value méthodologique importante de cette étude est la correction des résultats en fonction des facteurs ayant déterminé le choix d’un traitement particulier, par exemple, une préférence pour la radiothérapie chez les patients en moins bon état général. La différence entre les groupes de traitement quant au risque de complications était significative à 2 ans et à 5 ans (probabilité plus importante d’avoir une incontinence urinaire et de présenter une dysfonction érectile après prostatectomie radicale ; survenue plus fréquente de ténesme après radiothérapie). Mais à 15 ans, il n’y avait plus de différence significative entre les 2 groupes quant à ces complications. Entre 5 et 15 ans, un déclin fonctionnel a été observé dans ces domaines, indépendamment de l’option thérapeutique choisie ; par exemple, dans les 2 groupes, environ 90% des hommes présentaient une dysfonction érectile à 15 ans. Ce qui est également frappant c’est qu’aucune différence n’a été observée durant la totalité de la période de suivi quant au nombre de patients ressentant une dysfonction érectile comme gênante (40% après 15 ans dans les deux groupes). Cet élément peut indiquer une diminution naturelle des besoins sexuels ou l’acceptation du déclin de la fonction sexuelle avec le temps.

Une diminution progressive de la différence en termes d’effets indésirables entre les 2 types de traitement (par la perte graduelle des fonctions et l’acceptation) pourrait éventuellement aider les patients dans le choix du traitement d’un cancer prostatique localisé. Par ailleurs, l’avis multidisciplinaire donné au patient doit aussi toujours tenir compte des aspects techniques et des innovations (entre autres la prostatectomie laparoscopique assistée par robot, les techniques épargnant les nerfs, la brachythérapie, la radiothérapie conforme ou la radiothérapie de modulation d’intensité).

 

Conclusion

Cette étude d’observation montre que, lors du traitement du cancer prostatique localisé, les différences, en termes d’issues fonctionnelles spécifiques, entre la prostatectomie radicale et la radiothérapie externe s’estompent progressivement et disparaissent à long terme. Il est important, en pratique, d’informer le patient des effets indésirables de la prostatectomie et de la radiothérapie. La disponibilité de techniques plus récentes pourrait jouer un rôle important lors d’un avis multidisciplinaire individualisé tout en tenant compte des preuves limitées.

 

 

Références

  1. Chevalier P. Prostatectomie radicale versus temporisation (traitement conservateur). Minerva online 28/01/2012.
  2. Leunckens I. Quelle est la place d’une surveillance active d’un cancer localisé de la prostate ? MinervaF 2012;11(9):114-5.
  3. Laurent M, Claessens F, Joniau S, Van Poppel H. Prostatectomie radicale ou temporisation en cas de cancer de la prostate localisé dépisté par dosage du PSA. Minerva online 28/04/2013.
  4. Walz J, Gallina A, Saad F, et al. A nomogram predicting 10-year life expectancy in candidates for radical prostatectomy or radiotherapy for prostate cancer. J Clin Oncol 2007;25:3576-81.
  5. Resnick MJ, Koyama T, Fan KH et al. Long-term functional outcomes after treatment for localized prostate cancer. N Engl J Med 2013;368:436-45.
Cancer prostatique localisé : effets indésirables à long terme de la prostatectomie et de la radiothérapie externe

Auteurs

Claessens F.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven
COI :

Haustermans K.
Leuvens Kankerinstituut; Dienst Radiotherapie, UZ Leuven
COI :

Laurent M.
Laboratorium voor Moleculaire Endocrinologie, KU Leuven; Dienst Inwendige Geneeskunde, UZ Leuven
COI :

Van Poppel H.
Leuvens Kankerinstituut; Dienst Urologie, UZ Leuven
COI :

Glossaire

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