Analyse


Association de glucosamine et de chondroïtine dans l’arthrose du genou ?


18 05 2016

Professions de santé

Analyse de
Hochberg MC, Martel-Pelletier J, Monfort J, et al. Combined chondroitin sulfate and glucosamine for painful knee osteoarthritis: a multicentre, randomised, double-blind, non-inferiority trial versus celecoxib. Ann Rheum Dis 2016;75:37-44.


Conclusion
Cette étude clinique randomisée conclut que l’association de glucosamine 400 mg et de chondroïtine 500 mg (à la fréquence de 3 fois par jour) n’est pas inférieure au célécoxib (à raison de 200 mg par jour) chez les patients souffrant d’arthrose du genou confirmée à la radiologie et causant une douleur sévère. A cause du choix du comparateur (célécoxib) et du choix de la glucosamine associée à la chondroïtine plutôt qu’en monothérapie, nous ne pouvons pas interpréter cliniquement les résultats de cette étude.


 

Minerva a analysé (2) une méta-analyse en réseau de 10 études publiée en 2010 (1), et concluait que, chez les patients souffrant de douleur due à une arthrose du genou ou de la hanche, la glucosamine, la chondroïtine ou l’association des deux sont sans effet cliniquement pertinent. Nous étions déjà arrivés à la même conclusion à partir de 2 études cliniques randomisées, l’une publiée en 2006 (3,4), l’autre publiée en 2008 (5,6) incluses dans cette méta-analyse en réseau.

Dans une étude multicentrique, randomisée, contrôlée, menée en double aveugle, publiée en 2016 (7) 606 patients (âge moyen de 62,7 ans (DS 8,9 ans) ; 83,9% de femmes) qui présentaient une arthrose du genou confirmée à la radiologie (grade 2 ou 3 selon le score de Kellgren et de Lawrence) et une douleur sévère (> 300 sur l’échelle de douleur WOMAC de 0 à 500) ont reçu durant 6 mois une association fixe de 400 mg de sulfate de chondroïtine + 500 mg de chlorhydrate de glucosamine (C + G) 3 fois par jour ou du célécoxib 200 mg une fois par jour (+ comprimés de placebo 2 fois par jour). La diminution corrigée sur l’échelle de douleur WOMAC par rapport au score de départ (critère de jugement primaire) était en moyenne de -185,7 points (avec IC à 95% de -200,3 à -171,1 ; soit une diminution de 50,1%) dans le groupe C + G et de -186,8 points (avec IC à 95% de -201,7 à -171,9 ; soit une diminution de 50,2%) dans le groupe célécoxib. La différence entre les 2 groupes n’était donc que de -1 point (avec IC à 95 % de -22,0 à 19,8 points), soit bien au-dessous du seuil de non-infériorité prévu, qui était de -40 points. Par ailleurs, aucune différence n’a été observée entre les 2 groupes quant au score WOMAC pour les capacités fonctionnelles et la raideur, à l’EVA pour la douleur, au gonflement de l’articulation et au médicament de secours. Il n’y avait pas non plus de différence quant à la réponse dichotomique selon les critères OMERACT-OARSI (Outcome Measures in Rheumatology Clinical Trials and Osteoarthritis Research Society International) (environ 79% dans les 2 groupes), quant à la qualité de vie et à la survenue d’effets indésirables (environ 51% dans les 2 groupes, dont 2,3% d’effets indésirables graves dans le groupe C + G et 3,3% dans le groupe célécoxib).

Nous pouvons nous demander la raison pour laquelle les auteurs ont choisi l’association C + G au lieu de la chondroïtine ou de la glucosamine en monothérapie. On ne sait pas si l’association est plus avantageuse que la glucosamine en monothérapie. Toutes les préparations associant la glucosamine et la chondroïtine qui sont commercialisées en Belgique sont des suppléments nutritionnels. L’utilisation est limitée au « maintien de la santé des articulations », et les indications d’arthrose et de douleur articulaire ne peuvent pas être mentionnées sur l’emballage. Le choix du célécoxib comme produit témoin peut également être contesté. La valeur ajoutée de cette molécule sur les AINS non-sélectifs dans l’arthrose n’a pas été prouvée, que ce soit en termes d’efficacité (8) ou de sécurité (9). Le célécoxib n’est d’ailleurs remboursé en Belgique qu’à certaines conditions en cas d’arthrose (entre autres chez les personnes âgées de plus de 65 ans, en cas de réponse insuffisante avec le paracétamol, si aucun autre AINS n’est utilisé).

 

Conclusion

Cette étude clinique randomisée conclut que l’association de glucosamine 400 mg et de chondroïtine 500 mg (à la fréquence de 3 fois par jour) n’est pas inférieure au célécoxib (à raison de 200 mg par jour) chez les patients souffrant d’arthrose du genou confirmée à la radiologie et causant une douleur sévère. A cause du choix du comparateur (célécoxib) et du choix de la glucosamine associée à la chondroïtine plutôt qu’en monothérapie, nous ne pouvons pas interpréter cliniquement les résultats de cette étude.

 

Références

  1. Wandel S, Jüni P, Tendal B, et al. Effects of glucosamine, chondroitin, or placebo in patients with osteoarthritis of hip or knee: network meta-analysis. BMJ 2010;341:c4675.
  2. Laekeman G, Poelman T. Glucosamine en Cie : faits et gestes. Minerva bref 28/03/2011.
  3. Chevalier P. Glucosamine et/ou chondroïtine pour la gonarthrose ? MinervaF 2006;5(10):156-8.
  4. Clegg DO, Reda DJ, Harris CL, et al. Glucosamine, chondroitin sulfate and the two in combination for painful knee osteoarthritis. N Engl J Med 2006;354:795-808.
  5. Chevalier P. Glucosamine: non efficace aussi pour la coxarthrose. MinervaF 2008;7(9):144.
  6. Rozendaal RM, Koes BW, van Osch GJ, et al. Effect of glucosamine sulfate on hip osteoarthritis. Ann Intern Med 2008;148:268-77.
  7. Hochberg MC, Martel-Pelletier J, Monfort J, et al. Combined chondroitin sulfate and glucosamine for painful knee osteoarthritis: a multicentre, randomised, double-blind, non-inferiority trial versus celecoxib. Ann Rheum Dis 2016;75:37-44.
  8. da Costa BR, Reichenbach S, Keller N, et al. Effectiveness of non-steroidal anti-inflammatory drugs for the treatment of pain in knee and hip osteoarthritis: a network meta-analysis. Lancet 2016;pii:S0140-6736(16)30002-2.
  9. La rédaction Minerva. Un AINS à moindre risque cardiovasculaire et gastro-intestinal ? Minerva bref 15/06/2014.



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Commentaires

Jan Baekelandt 16/11/2016 14:56

Chondroitin for osteoarthritis (Cochrane Singh 2015) 43 RT’s chondroitin may improve pain slightly in the short-term (less than 6 months); chondroitin improves knee pain by 20% in slightly more people; chondroitin probably improves quality of life slightly as measured by Lequesne's index (combined measure of pain, function, and disability); chondroitin has little or no difference in adverse and serious adverse events versus other agents; and chondroitin slightly slows down the narrowing of joint space on X-rays of the affected joint.

Réaction de la rédaction
Quand nous analysons la méta-analyse de Singh et al. (2015) deux éléments ressortent. Les auteurs reconnaissent que la qualité des études n’est pas toujours fiable et ils insistent sur l'importance des nouvelles RCTs de bonne qualité. D’ailleurs, quand on regarde le forest plot de chondroïtine/glucosamine versus placebo, ce sont surtout les études, avec risque de biais le plus élevé, qui indiquent un effet positif, les études de bonne qualité ne montrent aucune différence. Minerva a commenté plusieurs analyses successives sur la chondroïtine avec ou sans glucosamine, et ses conclusions sont très réservées sur tout effet éventuel. La méta-analyse de Singh soutient finalement ce point de vue. - Marc Lemiengre