Analyse


L’empagliflozine prévient-elle la néphropathie chez les patients atteints de diabète de type 2 ?


15 12 2016

Professions de santé

Analyse de
Wanner C, Inzucchi SE, Lachin JM, et al. Progression of kidney disease in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:323-34. DOI: 10.1056/NEJMoa1515920


Conclusion
Cette analyse de certains critères de jugement secondaires rénaux de l’étude EMPA-REG permet de conclure que l’utilisation de l’empagliflozine, versus placebo, chez les patients atteints de diabète de type 2 présentant un risque cardiovasculaire élevé, a un effet favorable sur la progression de la néphropathie. Une recherche plus approfondie est nécessaire pour savoir si ce traitement peut également prévenir la néphropathie et si les résultats favorables peuvent être extrapolés à tous les patients atteints de diabète de type 2.


 

Minerva a récemment analysé une étude publiée en 2015 (1) portant sur l’effet de l’empagliflozine chez les patients atteints de diabète de type 2 présentant un risque élevé de morbidité cardiovasculaire et de mortalité cardiovasculaire et dont la filtration glomérulaire n’était pas inférieure à 30 ml/min/1,73m² de surface corporelle, calculée au moyen de la formule MDRD (Modification of the Diet in Renal Disease) (2). Elle incluait 7028 patients provenant de 590 centres de 42 pays, âgés de plus de 18 ans (âge moyen 63 ans), dont 71% de sexe masculin, ayant un diabète de type 2 et atteints d’une maladie cardiovasculaire confirmée, ayant un BMI ≤ 45 kg/m² et une HbA1c entre 7,0% et 10,0% sous traitement hypoglycémiant stable ou entre 7,0% et 9,0% sans traitement hypoglycémiant.

Cette étude clinique randomisée reposant sur un protocole de recherche correct permet de conclure qu’on observe, après un suivi médian de 3 ans sous empagliflozine 10 ou 25 mg, versus placebo, une réduction statistiquement significative d’un critère de jugement cardiovasculaire combinant la mortalité cardiovasculaire, l’infarctus du myocarde non fatal et l’AVC non fatal. À côté de ce critère de jugement principal, différents critères de jugement secondaires ont aussi été examinés, notamment un critère de jugement microvasculaire composite combinant la rétinopathie, l’hémorragie intra vitréenne, la cécité liée au diabète et l’apparition ou l’aggravation d’une néphropathie.

 

L’étude analysée ici porte sur une publication de la même étude (3) mais qui se penche sur les résultats rénaux de ce critère de jugement secondaire. L’aggravation de la néphropathie a été définie comme la progression vers la macro-albuminurie (> 300 mg/g de créatinine), un doublement de la créatinine sérique allant de pair avec un débit de filtration glomérulaire ≤ 45 ml/min/1,73m², l’instauration d’un traitement de substitution rénale ou le décès dû à la néphropathie. La néphropathie est apparue ou s’est aggravée chez 12,7% des patients du groupe empagliflozine (n = 4124) versus 18,8% des patients du groupe placebo (n = 2061) (HR de 0,61 avec IC à 95% de 0,53 à 0,70 ; p < 0,001). L’avantage était présent dans tous les sous-groupes prédéfinis et pour les deux doses d’empagliflozine. Un biais est toutefois possible parce que les patients qui ont été inclus dans l’analyse  sont ceux qui avaient pris le médicament de l’étude au moins une fois et qui, en outre, ne présentaient pas de macro-albuminurie en début d’étude et pour qui on disposait des données concernant la créatinine sérique et l’albuminurie en début d’étude et après le suivi. Une analyse de sensibilité avec tous les patients qui avaient pris le médicament au moins une fois a néanmoins abouti aux mêmes résultats.

Pour les différentes composantes de l’apparition ou de l’aggravation de la néphropathie, il y avait un avantage statistiquement significatif pour le groupe empagliflozine. Le traitement de substitution rénale a été instauré chez 0,3% des patients du groupe empagliflozine versus 0,6% du groupe placebo (HR de 0,45 avec IC à 95% de 0,21 à 0,97 ; p < 0,04). Pour un critère d’évaluation composite combinant l’apparition ou l’aggravation d’une néphropathie et le décès cardiovasculaire, il y avait également un avantage pour le groupe empagliflozine (HR de 0,61 avec IC à 95% de 0,55 à 0,69 ; p < 0,001). Il n’y avait néanmoins pas de différence quant au développement d’une albuminurie (≥ 30 mg/g de créatinine) pour les patients sans albuminurie (< 30 mg/g de créatinine) en début d’étude (n = 4153 patients).

Il n’y avait pas de différence quant aux effets indésirables graves entre l’empagliflozine et le placebo, tant chez les patients atteints d’insuffisance rénale (débit de filtration glomérulaire < 60 ml/min/1,73m²) que chez ceux dont la fonction rénale était normale.

Les auteurs supposent que l’influence favorable de l’empagliflozine sur la fonction rénale est plutôt spécifique parce que les études antérieures n’ont pas pu montrer d’effet d’un traitement antidiabétique strict sur l’évolution de la fonction rénale (4,5). Il n’est toutefois pas sûr que l’on puisse extrapoler les résultats favorables de cette étude à tous les patients atteints de diabète de type 2. Il s’agit ici d’une population présentant un risque cardiovasculaire élevé et ayant une pression artérielle bien contrôlée chez qui les inhibiteurs du système rénine angiotensine ont été beaucoup utilisés. Environ 80% de tous les patients ont reçu un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA) ou un sartan. Plus de 45% d’entre eux étaient aussi sous insuline.

 

Conclusion

Cette analyse de certains critères de jugement secondaires rénaux de l’étude EMPA-REG permet de conclure que l’utilisation de l’empagliflozine, versus placebo, chez les patients atteints de diabète de type 2 présentant un risque cardiovasculaire élevé, a un effet favorable sur la progression de la néphropathie. Une recherche plus approfondie est nécessaire pour savoir si ce traitement peut également prévenir la néphropathie et si les résultats favorables peuvent être extrapolés à tous les patients atteints de diabète de type 2.

 

 

Dénomination du médicament

  • Empagliflozine = Jardiance®

 

Références 

  1. Zinman B, Warner C, Lachin JM, et al. EMPA-REG outcome Investigators. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 2015;373:2117-28. DOI: 10.1056/NEJMoa1504720
  2. Wens J. Empagliflozine: quel effet sur la morbidité et la mortalité cardiovasculaires chez les patients atteints de diabète de type 2  MinervaF 2016;15(4):98–101.
  3. Wanner CInzucchi SELachin JM, et al. Progression of kidney disease in type 2 diabetes. N Engl J Med 2016;375:323-34. DOI: 10.1056/NEJMoa1515920
  4. Coca SG, Ismail-Beigi F, Haq N, et al. Role of intensive glucose control in development of renal end points in type 2 diabetes mellitus: systematic review and meta-analysis intensive glucose control in type 2 diabetes. Arch Intern Med 2012;172:761-9. DOI: 10.1001/archinternmed.2011.2230
  5. Perkovic V, Heerspink HL, Chalmers J, et al. Intensive glucose control improves kidney outcomes in patients with type 2 diabetes. Kidney Int 2013;83:517-23. DOI: 10.1038/ki.2012.401

 




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