Analyse


La canagliflozine a-t-elle un effet freinateur sur l’évolution d’une néphropathie existante chez le patient diabétique de type 2 ?


15 09 2020

Professions de santé

Médecin généraliste, Pharmacien
Analyse de
Perkovic V, Jardine MJ, Neal B, et al. Canagliflozin and renal outcomes in type 2 diabetes and nephropathy. N Engl J Med 2019;380:2295-306. DOI: 10.1056/NEJMoa1811744


Conclusion
Cette RCT de bonne qualité méthodologique tend à montrer chez des patients diabétiques de type 2 ayant une maladie rénale installée et traités par un inhibiteur du système RAA depuis au moins 4 semaines, un effet de ralentissement de l’évolution de la néphropathie du patient diabétique de type 2 par la canagliflozine. Ces données appuient le CBIP.



L’effet de la canagliflozine sur la fonction rénale du patient diabétique de type 2 a déjà été abordé dans Minerva (1) dans une analyse d’une étude de sécurité cardiovasculaire (2), l’analyste concluant à une absence probable d’effet délétère de cette médication sur la fonction rénale.

L’effet néphroprotecteur potentiel des inhibiteurs du SGLT2 intrigue la communauté diabétologique : des articles de revue adressent les mécanismes possibles (3) ; une méta-analyse conclut à de possibles bénéfices en termes de maladie rénale, et ce indépendamment d’une atteinte cardiovasculaire athéromateuse ou d’une décompensation cardiaque (4). Une étude randomisée dédiée au problème spécifique de l’effet sur la néphropathie du diabète de type 2 d’une gliflozine (ici la canagliflozine) était donc la bienvenue.

 

Cette RCT (5) compare la canagliflozine (100 mg/j) à un placebo, chez des patients diabétiques de type 2 ayant une maladie rénale installée (albuminurie entre 300 et 5000 mg/g de créatinine, filtration glomérulaire entre 30 et 90 ml/min/1,73 m² de surface corporelle calculée selon la formule CKD-EPI) et traités par un inhibiteur du système RAA depuis au moins 4 semaines.

Le critère d’évaluation primaire est composite : dialyse pendant au moins 30 jours, transplantation rénale, filtration glomérulaire <15 ml pendant au moins 30 jours, doublement de la créatine sérique pendant au moins 30 jours et mort de cause rénale ou cardio-vasculaire.

4401 patients ont été randomisés, recrutés dans une population de 12900 patients. 96,8% des patients ont une histoire d’hypertension artérielle, 42,8% ont une rétinopathie diabétique ; la durée moyenne d’évolution du diabète était de 15,8 ans. 27,3% des patients ont abandonné le traitement.

L’étude a été interrompue prématurément (analyse intérimaire prévue et critères d’interruption d’étude prédéfinis) après une médiane de suivi de 2,62 ans.

Le taux d’événements du critère composite primaire était significativement plus faible dans le groupe traité : 43,2/1000 patients-années versus 61,2/1000 patients-années dans le groupe placebo, soit un HR de 0,70 avec IC à 95% de 0,59 à 0,82. Un critère d’évaluation secondaire composite rénal (une maladie rénale en phase terminale, un doublement du taux de créatinine ou mort de causes rénales) présente lui aussi un HR favorable au traitement de 0,66 avec IC à 95% de 0,53 à 0,81.

Les effets indésirables observés sont des infections urinaires et mycoses génitales, dans les deux sexes ; un petit excès d’amputations (en cours d’étude, les investigateurs ont été avertis de stopper la médication en cas de signe clinique, quel qu’il soit, qui pourrait potentiellement conduire à une amputation, suite aux résultats observés dans une étude antérieure (6) et à une mise en garde consécutive de l’EMA).

On nuancera ce résultat en notant que l’essai a été interrompu prématurément, ce qui peut augmenter l’effet apparent (7) et que le critère d’évaluation primaire (composite) comporte la mortalité cardiovasculaire, qui représente quasi la moitié des événements observés et dont la pertinence dans le cadre de la question posée paraît difficile à comprendre. De plus, dans une analyse en sous-groupes, les auteurs n’observent pas de différences significatives chez les patients nord-américains ou européens et la maladie rénale du patient diabétique est une entité plus large que la néphropathie du diabète (8). Limiter l’étude à 2,62 ans diminue aussi les chances de répertorier les événements indésirables pouvant apparaître à plus long terme.

 

Que disent les guides de pratique clinique ?

Le consensus EASD-ADA considère comme acquis l’effet néphroprotecteur de la canagliflozine (9). Prescrire, en 2018, déconseille la prescription de canagliflozine sur base des effets indésirables observés (10) et le CBIP, en 2019, insiste sur le stade de la néphropathie (uniquement macro-albuminurique) (11).

 

Conclusion

Cette RCT de bonne qualité méthodologique tend à montrer chez des patients diabétiques de type 2 ayant une maladie rénale installée et traités par un inhibiteur du système RAA depuis au moins 4 semaines, un effet de ralentissement de l’évolution de la néphropathie du patient diabétique de type 2 par la canagliflozine. Ces données appuient le CBIP.

 

Références 

  1. Richard T. Canagliflozine : quel effet sur le risque d’événement cardiovasculaire ou de néphropathie dans le diabète de type 2. Minerva bref 15/09/2018.
  2. Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925
  3. Nespoux J, Vallon V. SGLT2 inhibition and kidney protection. Clin Sci (Lond) 2018;132:1329-39. DOI: 10.1042/CS20171298
  4. Zelniker TA, Wiviott SD, Raz I, et al. SGLT2 inhibitors for primary and secondary prevention of cardiovascular and renal outcomes in type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis of cardiovascular outcome trials. Lancet 2019;393:31-9. DOI: 10.1016/S0140-6736(18)32590-X
  5. Perkovic V, Jardine MJ, Neal B, et al. Canagliflozin and renal outcomes in type 2 diabetes and nephropathy. N Engl J Med 2019;380:2295-306. DOI: 10.1056/NEJMoa1811744
  6. Neal B, Perkovic V, Mahaffey KW, et al; CANVAS Program Collaborative Group. Canagliflozin and cardiovascular and renal events in type 2 diabetes. NEJM 2017;377:644-57. DOI: 10.1056/NEJMoa1611925
  7. Briel, M, Lane M, Montori VM. Stopping randomized trials early for benefit: a protocol of the study of trial policy of interim truncation-2 Trials 2009;10:49. DOI: 10.1186/1745-6215-10-49
  8. Anders H-J , Huber TB , Isermann B, Schiffer M. CKD in diabetes: diabetic kidney disease versus nondiabetic kidney Disease Nat Rev Nephrol 2018;14:361-77. DOI: 10.1038/s41581-018-0001-y
  9. Buse JB, Wexler DJ, Tsapas A, et al. 2019 update to: management of hyperglycemia in type 2 diabetes, 2018. A consensus report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD). Diabetes Care 2020;43,487-93. DOI: 10.2337/dci19-0066
  10. Prescrire Rédaction. Diabète de type 2. Canagliflozine : bénéfice cardio-vasculaire minime et surcroit d’amputations et d’acido-cétoses. Rev Prescrire 2018;38:376-7.
  11. Étude CREDENCE: bénéfice rénal de la canagliflozine chez des patients avec néphropathie diabétique au stade de macroalbuminurie. CBIP: Bon à savoir. 20 août 2019. Dernière mise à jour: novembre 2019.

 




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