Analyse


Antidépresseurs pour des personnes âgées : efficacité et sécurité


28 06 2012

Professions de santé

Analyse de
Coupland CA, Dhiman P, Barton G, et al. A study of the safety and harms of antidepressant drugs for older people: a cohort study using a large primary care database. Health Technol Assess 2011;15:1-2002.


Conclusion
Cette étude rétrospective montre que le recours à des ISRS ou à d’autres antidépresseurs (récents) chez des personnes âgées est associé à plus d’effets indésirables qu’en cas d’emploi des antidépresseurs tricycliques classiques ou apparentés (exception faite de la trazodone qui présente plus d’effets indésirables).



 

En lien avec le rapport du jury du Consensus organisé par l’INAMI en 2007 sur le thème “L’usage efficient des antidépresseurs dans le traitement d’indications autres que les troubles dépressifs”, Minerva a publié un éditorial (1) reprenant l’opinion du comité de lecture de la recherche dans la littérature pour ce Consensus. Ce comité soulignait les énormes lacunes dans les connaissances des effets indésirables des antidépresseurs, mais aussi, à juste titre, la possibilité de non observation d’effets indésirables pertinents et parfois sévères dans des RCTs de courte durée.

Notre analyse d’une importante méta-analyse en réseau évaluant les nouveaux antidépresseurs pour la dépression majeure chez les adultes (2,3), montrait une possible supériorité de la sertraline mais insistait aussi sur l’absence d’une comparaison avec les anciens antidépresseurs et sur le fait que les auteurs n’ont pas exploré l’intérêt de prendre en compte des considérations cliniques pertinentes lors du choix d’un antidépresseur précis.

Les recherches de l’incidence d’effets indésirables des antidépresseurs en première ligne de soins, et particulièrement chez les personnes âgées, restent rares (1). Cette population âgée est cependant celle qui est la plus exposée aux effets indésirables des psycholeptiques, dont les antidépresseurs (4).

 

Une étude de cohorte rétrospective sur un an (5) analyse les données de 60 000 personnes âgées d’au moins 65 ans, avec un nouvel épisode dépressif diagnostiqué, recrutées au Royaume-Uni. Presque 90% des personnes âgées dépressives ont reçu sur cette année une prescription d’un antidépresseur : 55% un ISRS, 32% (soit un tiers !) un tricyclique et 14% un autre antidépresseur. Cet antidépresseur a été prescrit, en moyenne, durant un an. Le risque d’effet indésirable varie selon la classe d’antidépresseur. Les ISRS sont davantage associés à des chutes (HR corrigé de 1,66 ; IC à 95% de 1,58 à 1,73) et à une hyponatrémie (HR de 1,52 ; IC à 95% de 1,33 à 1,75). C’est dans le groupe des autres antidépresseurs (dont la mirtazapine et la venlafaxine) que le risque est le plus élevé pour la mortalité globale (HR de 1,66 ; IC à 95% de 1,56 à 1,77), pour les tentatives de suicide/automutilation (HR de 5,16 ; IC à 95% de 3,90 à 6,83), pour les AVC/AIT (HR de 1,37 ; IC à 95% de 1,22 à 1,55), pour les fractures (HR à 1,63 ; IC à 95% de 1,45 à 1,83) et pour les convulsions (HR de 2,24 ; IC à 95% de 1,60 à 3,15). Fait étonnant, les anciens antidépresseurs tricycliques n’ont, pour aucun critère, le HR le plus élevé. Une association d’antidépresseurs comporte pour les 8 critères plus de risque (HR plus élevé) que chacune des 3 classes en monothérapie.

Il existe aussi des différences importantes entre antidépresseurs d’une même classe. Par exemple, parmi les tricycliques et apparentés, la trazodone présente le HR le plus élevé pour le risque de mortalité globale et de tentative de suicide/automutilation. L’amitriptyline et la dosulépine présentent le risque le plus bas d’effets indésirables. Dans le groupe des autres antidépresseurs, ce sont la mirtazapine et la venlafaxine qui présentent le plus d’effets indésirables, dont la mortalité globale et les tentatives de suicide/automutilation. Trois ISRS (citalopram, escitalopram et fluoxétine) sont associés avec un risque significativement accru d’hyponatrémie. Le risque d’effets indésirables pour tous les antidépresseurs semble être le plus élevé pendant les premiers 28 jours de prise.

Les résultats de cette étude confirment la nécessité d’une mise en balance rigoureuse des avantages et désavantages possibles d’un antidépresseur avant d’initier un tel traitement chez les personnes âgées souffrant de dépression (4). Dans des présentations moins sévères de dépression chez ces personnes, les antidépresseurs ne sont pas un premier choix de traitement (6). Selon la RBP belge (4), les ISRS (type sertraline ou citalopram) sont un premier choix en cas de forme sévère de dépression, en raison du risque le moins élevé d’effets indésirables. Cette étude-ci montre que chez les personnes âgées, un tricyclique classique faiblement dosé est une alternative sûre possible. Le Formulaire MRS (7) opte pour une dose faible de nortriptyline en raison d’un risque moindre d’effets indésirables anticholinergiques et de sédation.

 

Conclusion

Cette étude rétrospective montre que le recours à des ISRS ou à d’autres antidépresseurs (récents) chez des personnes âgées est associé à plus d’effets indésirables qu’en cas d’emploi des antidépresseurs tricycliques classiques ou apparentés (exception faite de la trazodone qui présente plus d’effets indésirables).

 

 

Références

  1. De Meyere M. Recherche déprimante. [Editorial] MinervaF 2007;6(6):81.
  2. Chevalier P. Nouveaux antidépresseurs : un meilleur choix ? MinervaF 2009;8(10):138-9.
  3. Cipriani A, Furukawa TA, Salanti G, et al. Comparative efficacy and acceptability of 12 new-generation antidepressants: a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2009;373:746-58.
  4. Heyrman J, Declercq T, Rogiers R, et al. Aanbeveling voor goede medische praktijkvoering: Depressie bij volwassenen: aanpak door de huisarts. Huisarts Nu 2008;37:284-317.
  5. Coupland CA, Dhiman P, Barton G, et al. A study of the safety and harms of antidepressant drugs for older people: a cohort study using a large primary care database. Health Technol Assess 2011;15:1-2002.
  6. Hickie IB. Antidepressants in elderly people. [Editorial] BMJ 2011;343:d4660.
  7. Formulaire MRS 2012. Guide pour la prescription rationnelle de médicaments chez les personnes âgées. Available at: http://www.farmaka.be/fr/formulaire_mrs_2011/fr_2011_06_neuro.pdf (consulté le 16/05/2012)
Antidépresseurs pour des personnes âgées : <strong><a style="font-size:medium" data-toggle="popover" data-trigger="hover" title="efficacité" data-content="L'efficacité d'un médicament ou d'une intervention se réfère à l'effet favorable dans les circonstances optimales. Idéalement, l'efficacité est déterminée au cours d'études cliniques contrôlées (RCT). ">efficacité</a></strong> et sécurité



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